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Paris sportifs, comment éviter l’engrenage ?

Paris sportifs, comment éviter l’engrenage ?

En octobre 2021, loin des marronniers de la rentrée, Booska-P avait décidé de laisser tomber toute collaboration avec les opérateurs de paris sportifs. Un choix dicté par une politique agressive des sites et une volonté de protéger son lectorat et ses spectateurs de comportements addictifs et dangereux.

Un an plus tard, la donne n’a pas changé, Booska-P réaffirme sa position en collaborant avec l’ANJ. L’Autorité Nationale des Jeux, s’assure que les opérateurs de jeu d’argent respectent leurs obligations, notamment en matière d’exclusion des mineurs de l’offre de jeu et de protection des joueurs contre les risques d’un jeu excessif. Elle valide également chaque année leurs stratégies marketing. L’ANJ est un régulateur au service d’un jeu sûr, intègre et maîtrisé. En somme, un partenaire idéal pour éviter tout débordement au moment où les cotes peuvent faire tourner les têtes jusqu’à l’isolement, le surendettement ou la dépression. Focus aujourd’hui sur l’ANJ et son fonctionnement, entre prévention, témoignage de joueurs et un football plus marketé que jamais.

Fausses croyances et contexte

Il est essentiel de replacer le jeu d’argent et les paris sportifs dans un contexte : celui de son époque. Entre un business autour du football de plus en plus tapageur, des publicités dans tous les sens et l’arrivée des influenceurs sur le marché, difficile de ne pas faire face aux différents appels des opérateurs du moment. La multiplication des matchs, sans quasiment aucune pose, offre des possibilités illimitées de parier… Loin, très loin de l’époque où, à titre d’exemple, l’Équipe de France n’avait qu’une poignée de matchs à jouer par an.

Aujourd’hui en France, le jeu d’argent, c’est 28 millions de joueurs. On estime à 1,4 million le nombre de joueurs à risque, dont  400 000 considérés comme pathologiques. Parmi ces chiffres, le pari sportif a sa place, avec une génération de joueurs de plus en plus jeunes. Christel Fiorina, directrice de la conformité des marchés et de la protection des joueurs, nous renseigne sur le profil type du joueur actuel : « Le pari sportif, c’est le secteur des jeux d’argent où la population est la plus jeune. La moyenne d’âge est de 28 ans, le profil type du parieur est jeune, urbain, CSP-, de sexe masculin. »

Problème, si le football, prisé chez les jeunes, représente aujourd’hui 60 à 70 % des mises, « les joueurs en dessous de 25 ans sont ceux qui sont les plus enclins à basculer dans l’addiction». Clairement, les 18-25 sont une population à risque. Elle présente 2 à 4 fois plus de risque de basculer dans des pratiques intensives.… Celle aussi qui a été récemment ciblée pendant l’Euro 2021, avec notamment des publicités pour le moins agressives. « Souvent, les jeunes jouent de façon compulsive, peuvent miser une partie importante de leur budget car ils ne sont pas chargés de famille et souhaitent, je les cite, « gagner de l’argent rapidement pour avoir une vie meilleure ». Avec l’Euro 2021, c’est ce qui a créé un émoi: les publicités étaient focalisées sur les 18-25 ans. C’était la cible que souhaitait atteindre les bookmakers. Dans les parieurs recrutés pendant cette compétition, 75 % avaient d’ailleurs moins de 25 ans », indique Christel Fiorina.

Comment prévenir les comportements addictifs ?

C’est là qu’intervient notamment l’ANJ, interdisant la diffusion d’une publicité basée sur de fausses croyances. Une réglementation existe sur le contenu des messages publicitaires pour les jeux d’argent : on ne peut pas par exemple lier les seules émotions d’un match au seul pari sportif. La pub peut vous montrer que votre équipe a gagné, mais votre joie ne peut pas être liée uniquement au pari. Évidemment, la publicité ne peut pas laisser entendre qu’on peut gagner sa vie grâce au pari, comme nous le rappelle Christel : « Sur le marketing en lui-même, on demande aussi de ne pas faire miroiter de fausses croyances. Gagner sa vie avec le pari sportif, c’est une idée complètement fausse. La probabilité de gagner 10 000 euros en un an grâce au pari est proche de 0 %. (En 2021, cela représentait 1 280 joueurs seulement). Dans le poker, on retrouve ça. Le taux de joueurs professionnels qui en vivent est comparable à celui des footballeurs qui deviennent professionnels, c’est infime. Pour réussir sa vie, mieux vaut faire des études et trouver un bon job. On n’a pas non plus le droit de faire croire que le pari peut nous faire changer de statut social ou mettre sa famille à l’abri du besoin. C’est un message tout simplement trompeur, une fausse promesse.»

Dès lors, embarqué dans le pari, comment reconnaitre qu’une pratique devient addictive ? Plusieurs signes sont à souligner : pari compulsif, dépendance (on ne peut pas s’empêcher de parier pendant un match),  isolement, honte d’en parler, stress, anxiété et, plus grave, dépression Christel Fiorina abonde : « Vous pouvez en rêver la nuit, y penser tout le temps. Un autre signe ne trompe pas : vous allez perdre et tenter de vous refaire. »

La question de l’isolement est cruciale, avec des joueurs qui finissent par cacher leur pratique à leurs proches : « Souvent, on démarre par initiation, on joue ensemble avec un smartphone face à un match et l’adrénaline est décuplée. C’est au départ une activité grégaire, mais à partir du moment où la bascule se fait, le joueur va entrer dans un processus d’isolement. Il peut même cacher ses habitudes de jeux à sa famille et ses amis et entrer dans un engrenage. Il va finalement finir par s’empêcher de vivre un match, ou en tout cas moins l’apprécier car il n’a pas joué. Cela signifie qu’on commence à dépendre du jeu et qu’on ne peut plus se départir de lui… Alors qu’avant, on regardait un match seulement pour le plaisir, pour voir son équipe gagner. »

Les bonnes pratiques du parieur

La première étape consiste à travailler avec les opérateurs pour prévenir les risques. « On n’est pas là pour diaboliser le pari. En France, un opérateur agréé par l’ANJ a le droit de proposer des paris, mais il n’a pas le droit de rendre les gens malades avec ça. Il doit doit mettre en place des campagnes et des systèmes pour interdire aux mineurs de joueur. En point de vente,  des tests sont mis en place pour vérifier si les mineurs peuvent jouer », explique Christel. L’ANJ doit également, comme écrit plus haut, « vérifier si les campagnes de publicité ne sont pas trop accrocheuses vis-à-vis des jeunes, ne poussent pas à penser que le pari sportif va leur permettre de changer de vie et mettre leurs parents à l’abri ». Elle a par exemple demandé en mars dernier le retrait de la publicité « Tout pour la daronne » de Winamax.

Des mesures de limitation et de protection existent pour garder la main : les modérateurs de jeux sur les sites sont une obligation. Il faut qu’ils soient faciles d’accès, avec une utilisation intuitive. Cela permet à chaque joueur de choisir son niveau de mises, mais aussi de demander une interdiction (auto-exclusion) sur une certaine période (Coupe du Monde, etc).

Enfin, pour ceux qui ont un véritable problème avec le jeu d’argent, il existe l’interdiction volontaire de jeu. Elle peut se faire entièrement en ligne sur le site de l’ANJ et est valable 3 ans.

En somme, il y a de quoi faire pour éviter le pire et profiter des matchs de ses équipes préférées sans pression. Et vous qui suivez le foot avec attention, ne vous méprenez pas, une expertise sportive -la vôtre ou celle des tipsters payants qui sont d’ailleurs illégaux- ne peut rien face au hasard. Qui pouvait parier sur la Remontada de Barcelone contre le PSG ou imaginer que l’Italie allait se faire éliminer de la coupe du monde par la Macédoine du Nord dans les arrêts de jeu ?

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