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Daymolition : 15 ans de hustle dans le rap français

Daymolition : 15 ans de hustle dans le rap français

Né d’une histoire d’amitié entre Richard « Screetch » Bismuth et Lucas « Styck » Maggiori, le média Daymolition est fondé en 2008 et devient rapidement un tremplin emblématique du rap autant pour les artistes, que pour les réalisateurs et monteurs. Aujourd’hui, sous la plume du chercheur, Paco Garcia, ils ont décidé d’immortaliser cette histoire aussi collective que tumultueuse dans un livre, Daymolition raconte le rap français. Portrait d’une génération.

Chez Daymolition, on ne se déplace jamais seul en interview. Le plus important pour Screetch, l’homme de l’ombre du duo : « que personne ne soit lésé, et que tout le monde donne sa version de l’histoire ». Dans un café parisien, je le retrouve donc aux côtés de Kaleel, l’un des réalisateurs phare qui a rejoint l’équipe en 2013, d’Hugozer, entré comme stagiaire en 2016 – il n’a jamais quitté l’équipe – et le dernier arrivé, Paco Garcia, chercheur et auteur du livre, Daymolition raconte le rap français.

Comme la plupart des sites internet à l’époque, c’était un gros bordel.

Paco Garcia sur l’ambiance Daymolition de l’époque.

Le livre Daymolition disponible aux éditions Glénat et préfacé par S.Pri Noir.

Donner la parole a tout le monde, et retranscrire le plus justement une partie de l’histoire du rap, a été l’un des défis que le chercheur a relevé : « C’était compliqué de l’écrire parce que ça implique beaucoup de personnes, beaucoup de points de vues différents. J’ai ce côté chercheur qui a envie de relater la réalité comme elle était, mais chacun à une vision des faits différente, surtout quand ça date de plus d’une décennie. » Avant de rencontrer cette équipe de passionnés, il en avait une idée « anarchique »« comme la plupart des sites internet à l’époque, c’était un gros bordel ». Il y a deux ans et demi, il est passé de l’autre côté de l’écran et a rencontré Screetch dans le cadre de sa thèse sur le rap et le numérique. Mais très vite, cette rencontre prend un autre tournant : « À la base j’avais une question… et finalement Screetch me dit “viens on fait un livre sur 10 ans de charbon !” » se remémore Paco. Mais pour l’homme de l’ombre, qui garde toujours un œil sur son téléphone, à l’époque ce n’était qu’une « idée en l’air… mais il a assumé ! » dit-il.

Et finalement, après ces deux années à côtoyer Screetch, à écumer les tournages de clips, à retourner les archives de Skyblog, et à interviewer des légendes du rap français, de Mac Tyer à Ninho pour sortir ce livre, l’auteur confirme : « j’ai toujours la même vision : c’est anarchique ! Mais ce que j’appréhendais comme une aventure professionnelle, est devenue une aventure humaine ». Entre le sérieux de Paco et la désinvolture de Screetch, les échanges fusent. « C’était une vraie mise en abyme, son baptême du feu, taquine Screetch, pour écrire un livre sur Daymolition, il fallait qu’on lui fasse vivre des moments Daymolition… être dans un endroit interdit, se faire virer, la débrouille x1000 ! » De la débrouille, ils en racontent à la pelle dans les 240 pages agrémentées de photos d’archives, d’anecdotes de l’équipe, d’interviews exclusives des artistes passés devant leurs caméras : de Vald à Fianso en passant par Alkpote.

Assistant à leurs chamailleries, Kaleel reste de marbre : « Je le connais par cœur ! » dit-il à propos de Screetch, avec un grand sourire. Et pour cause, il fait partie de la nouvelle génération de réalisateurs et monteurs surnommés « les enfants perdus » qui ont pris la relève lorsque Styck, deuxième membre fondateur de Daymolition s’est éloigné : « Quand on est arrivés, il y avait moins de 20 000 abonnés sur la chaîne YouTube, et pas de compte Instagram. Aujourd’hui il y a plus de deux millions d’abonnés sur Youtube, et 500k sur Instagram » raconte-t-il. « Ce livre est important pour que les gens se rendent compte de tout ce que Daymolition a fait, et aussi visualiser les acteurs, et les artistes qui ont apporté leur pierre à l’édifice du média, même s’ils ne sont pas tous dans le livre. »

C’est le mindset du hip-hop à la base !

Paco Garcia sur la confiance qui lui a été accordée dans la structure unique en son genre.

L’ADN de Daymolition : La débrouillardise, l’efficacité (un clip en 24h), la solidarité, et la confiance aveugle dans les nouveaux talents. « Y’a pas de période d’essai ! T’as dit que tu savais faire, tu fais ! » lance Kaleel. C’est comme ça que des rappeurs qui n’avaient jamais fait de clip, ont passé le million de vues avec leur premier clip posté sur la chaîne ; que Hugozer, stagiaire de 21 ans à l’époque, a filmé une partie de Je suis passé chez So’ #3 pour son premier jour de stage, « Screetch avait 4 heures de retard » précise-t-il, et que Paco a écrit son premier livre, « c’est le mindset du hip-hop à la base ! Je sors de nulle part et on m’a fait confiance » décrit le chercheur.

Aujourd’hui, même si les vidéos publiées sur leur chaîne YouTube se font de plus en plus rare, ils travaillent toujours ensemble sur les clips de gros artistes, et sur des projets communs comme Nouvelle École. « On est tous les jours ensemble. C’est des frérots, donc je n’ai même pas l’impression qu’on travaille » raconte Hugozer. Daymolition a traversé l’histoire du rap, et reste toujours une référence incontournable dans le milieu. Pour Screetch « le passage à Daymolition c’est une période synonyme d’insouciance pour plein de gens. C’est un tatouage. Dans ce livre, on a essayé d’immortaliser notre esprit d’équipe, donc c’était un argument assez noble pour sortir de l’ombre et se dire : c’est le moment de la photo de classe. »

Propos recueillis par Anissa Rami.

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