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Interview Jäde : « je veux perfectionner ma facette rap »

Interview Jäde : « je veux perfectionner ma facette rap »

Le 15 mars, Jäde a sauté dans le vide avec la sortie de son premier album intitulé Les Malheurs de Jäde. Après bientôt une décennie d’activité, l’artiste lyonnaise continue d’expérimenter afin de renforcer sa versatilité artistique à la croisée entre le rap, la pop, le R&B, l’électronique, le rock et la variété française. Rencontre avec la chanteuse.

  • Curtis Macé : Avant de parler en profondeur de ton premier album Les Malheurs de Jäde, je voulais te poser une question à propos de ton nom d’artiste. En effet, ton vrai prénom n’est pas Jäde, mais Adèle. Cette identité artistique te permet-elle d’être plus libre dans tes lyrics ? 

Jäde : Non, pas forcément plus libre, mais cela apporte de la confiance. Quand je suis en mode Jäde, j’essaye d’être la meilleure version possible de moi. 

  • CM : Quels retours as-tu eus de Les Malheurs de Jäde, quelques semaines après sa sortie ? 

J : Je n’ai que des bons retours. Certaines personnes sont même surprises de la qualité du projet. En tout cas, je me sens mieux par rapport aux deux dernières années (rires). Quand tu es dans la conception d’un album, il y a des hauts et des bas avec de grosses phases de doute. Quand on l’a annoncé et dévoilé les premiers singles, c’était assez compliqué à gérer. Ne pas sortir de musique pendant deux ans, ça a changé quelque chose dans mon esprit. J’ai dû retrouver mon public et leur prouver que j’existais encore. 

  • CM : Tu as eu peur d’être oubliée ? 

J : Oui, carrément. Tout va super vite de nos jours. Chaque vendredi, de nombreux projets sortent. Il y a une surconsommation de la musique. Deux ans d’absence, ça peut être long pour le public. 

Depuis la sortie de l’album, je me sens beaucoup mieux. Je me focus sur l’essentiel, à savoir faire mon maximum et préparer les concerts. J’espère faire vivre sur le long terme Les Malheurs de Jäde. Il s’est passé tellement de choses en deux ans que je ne peux pas passer à autre chose en quelques mois. 

  • CM : Pourquoi Les Malheurs de Jäde comme titre de ton premier album ?

J : Initialement, je n’avais pas pensé à un concept précis pour l’album. C’est simplement que la plupart des morceaux racontaient des moments tristes. Ce sont en quelque sorte des malheurs. Je ne voulais pas faire un truc trop sérieux, au vu de mon écriture parfois second degré. L’objectif était d’apporter de la légèreté. C’est pour cette raison que j’ai choisi Les Malheurs de Jäde. Il y a une connotation enfantine afin de prendre du recul sur mes histoires. 

  • CM : Aura-t-on le droit un jour aux bonheurs de Jäde ?

J : Peut-être pour la réédition (rires). Hors blague, j’aimerais faire un projet sous forme de suite à Les Malheurs de Jäde. Je ne suis pas fan des rééditions. Comme je te l’ai dit un peu plus haut, je veux faire vivre l’album au maximum. Il faut que je trouve un bon moyen.

  • CM : Peux-tu me parler de la conception de la cover Les Malheurs de Jäde

J : Début février 2023, je suis rentrée de Londres avec de nombreuses maquettes de morceaux et une idée sur la DA de l’album. J’avais envie de repartir dans une esthétique rose, vintage et girly. Le duo Ffi0oul, composé de Julie et Clément, était parfait pour m’accompagner sur la DA. 

Pour parler de la cover, c’est Louise Chevalet qui l’a shot. Je voulais amener cette thématique de la maison. C’était important pour moi. La version finale de la cover n’est pas mon idée originelle (rires). À la base, je souhaitais apparaître devant la maison que l’on aperçoit en fond. Malheureusement, cela ne rendait pas bien. L’idée du napperon est alors apparue comme logique. 

  • CM : Concernant ta coiffure et ces boucles roses, as-tu changé de look spécialement pour l’album ? 

J : Oui. Cette esthétique rose vintage est rattachée à mon art depuis longtemps. Je ne l’avais pas trop mise en avant lors des précédents projets. En revanche, il y a une sorte de retour aux sources avec cette coiffure. J’avais à peu près la même coupe en 2018 à l’époque SoundCloud

Crédit Photo : Louise Chevallet
  • CM : En combien de temps as-tu conçu Les Malheurs de Jäde ? Ton dernier opus, Météo remontait au 15 avril 2022. 

J : Après la sortie de Météo, j’ai senti que c’était le bon moment de sortir un album. J’avais plusieurs objectifs artistiques en tête comme m’investir davantage sur les visuels, sur la composition des morceaux et sur l’écriture. En 2022, je me suis questionnée sur la direction que je voulais prendre. Ce n’était pas une période facile. Je me suis lancée, seule, dans la conception de prods afin de progresser. En 2023, mon voyage à Londres m’a permis de me changer les idées, de renforcer ma créativité et d’avoir une vision précise. Quand je suis revenue en France, j’ai pu travailler avec des producteurs. Pour la plupart des morceaux, j’arrivais avec des maquettes assez complètes. La quasi-totalité de Les Malheurs de Jäde a été conçue sur une période condensée.

  • CM : Qu’est-ce que ça a apporté à ton processus créatif d’aller à Londres ?

J : C’était enrichissant, car c’était mon premier voyage seule. Je me suis retrouvé dans une ville où je pouvais être qui je voulais. J’ai passé du temps à gamberger dans les rues. J’ai fait de nombreuses sessions de studio avec des producteurs locaux. Cela m’a donné envie de me tester à de nouvelles sonorités, bien que je n’ai retenu aucun titre réalisé avec eux. 

  • CM : Sur le projet, tu as participé aux prods et à la composition de certains morceaux comme tu l’as dit. Lesquels ? Et seconde question, est-ce un besoin pour toi de maîtriser ta musique de bout en bout ?

J : Ce n’est pas forcément un besoin, mais plus une fierté. Ça me touche d’autant plus lorsque je suis à l’origine de la création d’un morceau. C’est encore plus authentique. J’ai participé activement à « Diabolo Grenadine », « Tableaux » et « Mode d’emploi ». 

  • CM : Cela te permet d’être plus précise sur tes envies musicales ? 

J : Oui, totalement. Avec la pratique, je me suis améliorée, donc on peut désormais conserver des sons. J’ai toujours appréciée être autodidacte. 

  • Sur Les Malheurs de Jäde, il y a deux guests : Makala et Zamdane. Comment vous êtes vous mis d’accord sur la couleur musicale des titres ? 

J : Je suis allée les voir directement sur place, en Suisse et à Marseille avec des idées bien précises. Pour « Tableaux », je suis arrivé avec la prod. J’ai bien expliqué à Makala le sens du titre et où je voulais qu’il aille, tout en lui laissant une liberté sur la narration. C’était la même chose pour « Get Out » avec Zamdane. Le sujet était encore plus clair. 

Crédit Photo : Louise Chevallet

Présent dans les locaux du label Entreprise, où ils sont signés tous les deux, Kofi Bae a rejoint notre discussion. Le jeune producteur a apporté sa couleur musicale à plusieurs morceaux dans Les Malheurs de Jäde. 

  • CM : Quelle importance as-tu eu Kofi dans le projet ? 

Kofi : Initialement, Jäde m’a appelé en tant que musicien pour la partie composition. Elle avait déjà commencé plusieurs prods de son côté. Mon rôle était de faire le pont entre les morceaux et de trouver les bons arrangements. 

Jäde : Même si je suis arrivé avec des choses existantes, il fallait les refaire quand même. J’ai appelé Kofi, car nous avons une alchimie musicale certaine. J’ai besoin de quelqu’un qui me fait de belles mélodies. Il n’y a personne d’autres comme lui. Il n’est pas toujours disponible malheureusement. 

Kofi : Quand tu fais appel à moi, je réponds toujours présent (rires). 

  • CM : Voulais-tu aller chercher différentes couleurs en travaillant avec plusieurs producteurs pour l’album ? (Roseboy666, Tenma, Unfamouslie, Unito, Ultradieu, Jamie Lloyd Taylor, Lewis Amber etc.)

Jäde : Oui, totalement. Je suis allée chercher des sonorités rock avec Lewis Amber et Tenma pour « Fuck la psy » et d’autres plus mignonnes avec Kofi. Je voulais également travailler avec des personnes que je connaissais depuis des années comme Roseboy666. 

  • CM : Koffi, as-tu poussé Jäde à explorer de nouvelles choses sur cet album ? 

K : Je dirais que c’est davantage Jäde qui m’a poussé à explorer, plutôt que l’inverse. Elle aime une certaine facette de ma musique. Pour l’album, Jäde a voulu y ajouter quelque chose de plus électrique que d’habitude. Sur « Diabolo Grenadine », elle avait une suite d’accords. J’ai pensé à la mettre en relief avec une autre suite. Cela a permis d’aller chercher un nouveau style. Je pense que c’est inconscient, mais on a la même sensibilité aux accords. 

J : On a travaillé sur les mêmes sons à chaque fois. Par exemple, on a utilisé le synthétiseur JV1080. Il a apporté une vibe organique des 80’s. Je suis allé chercher Kofi pour la douceur de sa musique. Quand je viens le voir, j’ai une vision précise de ce que je veux avec des maquettes. On a la même sensibilité sur la bedroom pop, la plug et la trap cute. Je pense que Roseboy666 a davantage apporté la touche électrique. 

K : Jäde arrive avec une composition assez précise. Forcément, cela met la pression (rires). 

J : Je débarque avec un mood. Le producteur doit trouver sa place avec le contenu existant et apporter une plus-value. 

Kofi Bae aux côtés de Jäde et Nelick.
  • CM : Merci pour ta participation, Kofi Bae. Le jeune producteur nous a quittés suite à un impératif personnel. 

À 28 ans et après la sortie de ton premier album, te considères-tu comme une artiste accomplie ? 

J : Non, je ne suis pas du tout accomplie. Je suis toujours en quête de faire mieux et de m’améliorer. J’aime toucher à tous les styles, mais à cause de cette volonté, je ne vais à fond dans aucun genre. Je sais faire 30 % de rap, 30 % de pop et 30 % de RNB. J’aimerais être à 100 % dans tous les styles (rires). Je veux conserver cette versatilité. À l’avenir, je veux perfectionner ma facette rap. Concernant le chant, j’ai toujours eu une voix soufflée avec des aiguës. J’ai envie d’expérimenter des choses plus puissantes vocalement. 

  • CM : Sur Les Malheurs de Jäde, l’écriture est au centre. Je ressens une réelle volonté de ta part de t’améliorer à ce sujet. On pouvait s’attendre à un album dans lequel les thématiques de l’amour et des relations soient omniprésentes. Ce n’est pas le cas. Était-ce compliqué pour toi d’écrire sur autre chose ? 

J : Oui, totalement. C’était l’un de mes objectifs de me challenger sur l’écriture. Ça m’a pris du temps d’aborder d’autres sujets, car ce n’était pas dans ma zone de confort. Honnêtement, j’ai bien galéré (rires). J’ai conservé des phrases à droite, à gauche et cela a donné naissance à des titres comme « Fuck la psy », « Tranquille » et « Mode d’emploi ». 

Crédit Photo : Louise Chevallet
  • CM : Tu pousses aussi encore plus loin l’introspection, notamment dans tes relations amoureuses et sentimentales. Tu n’hésites pas à aller dans le détail, souvent de manière habile et délicate. Qu’est-ce que ça t’apporte personnellement et artistiquement ? 

J : Comme je suis dans ma zone de confort, j’arrive à perfectionner ma recette. J’avais envie d’être plus introspective, comme c’est le cas sur « Mode d’emploi » mais pour le reste, ce n’était pas volontaire. Je me bride beaucoup moins qu’auparavant donc c’est probablement la raison de ce lâché prise.  

  • CM : Sur « Rivalise », tu dis : « En plus, il parle mal des filles. Alors que son body count c’est un code wifi » et sur « Certifié lover girl » tu dis : « Tellement j’écris sur lui pendant des heures. Il m’a demandé des droits d’auteur ». Tu as pas mal de punchlines rap sur l’album. Quel lien entretiens-tu avec le rap ? 

J : On ne m’avait jamais fait cette remarque donc merci (rires). Je suis fan de rap depuis très longtemps. J’en écoute quotidiennement. J’ai toujours été attachée aux formules d’écriture propres au rap. J’ai commencé par la variété, la pop et le RNB. Le rap est arrivé plus tard dans ma vie, donc naturellement ce n’est pas mon terrain de prédilection. Au lycée, je faisais des freestyles, mais c’était impossible pour moi de me prendre au sérieux. À cette époque, il n’y avait pas de figures féminines pour me guider. Aujourd’hui, je me sens légitime de faire du rap et je n’en ai plus honte. Pour être claire sur le sujet, je ne veux pas prendre la place de celles qui en font à 100 %. 

  • CM : Pour le prochain projet, il sera possible de te voir faire un freestyle en guise de promotion ? 

J : Peut-être (rires). Cependant, ce sera fait à ma manière. 

  • CM : Sur « Fuck la psy », tu dis : « F-fuck la psy, bitch, elle veut prendre tout c’que j’ai ». Dans notre société actuelle, la santé mentale est un sujet important. Peux-tu m’expliquer cette phrase ? De ce que je comprends, la musique te sert de psychologue, donc si tu n’as pas besoin de voir une spécialiste. 

J : C’est vrai qu’on ne comprend pas vraiment où je veux en venir (rires). Le titre du morceau est assez puissant. Pour te l’expliquer, quand tu vas chez le.la psy, tu dois tout lui raconter. Tu lui donnes ta vie entière. Dans ma vie, j’ai vu plusieurs personnes, donc je connais le milieu. Dans la citation, je pensais également à l’aspect financier. Je suis déprimée et je dois payer pour raconter mes soucis. Pour résumer, j’avais le seum contre les psychologues, sans être une haineuse. Celle que je voyais était très cool. 

  • CM : Quelle est ta définition d’une lover girl ? 

J : C’est une meuf obsessionnelle sur l’amour. Elle passe beaucoup de temps à gamberger sur ses histoires sentimentales et tombe régulièrement amoureuse. J’en suis une (rires). 

  • CM : Parlons de l’outro « Mode d’emploi ». Le morceau est différent des autres par sa thématique, mais aussi sa structure avec une durée de 4min30. Le perçois-tu comme le chapitre final d’un arc de Jäde ? 

J : C’est clairement un morceau de fin. On peut même se demander si j’arrête la musique (rires). Pour l’anecdote, c’est le premier titre que j’ai fait du projet. Je ne sais pas si c’est la fin d’un arc, mais je suis libérée de ce stress du premier album. 

  • CM : À plusieurs moments dans l’album, tu chantes en anglais. J’ai appris récemment que tu avais commencé la musique en chantant dans la langue de Shakespeare. Est-ce possible de t’entendre en anglais sur un morceau entier à l’avenir ? 

J : Je ne pense pas. L’anglais sonne mieux à l’oreille que le français, mais je n’ai pas le vocabulaire nécessaire pour m’exprimer uniquement dans cette langue. Ma volonté était surtout de m’exporter à l’international. En revanche, je suis fan du franglais comme ce que fait thaHomey par exemple. 

  • CM : Tu es très active sur X (anciennement Twitter). Perçois-tu ce réseau social comme un journal intime ouvert à tous ?

J : Je pense que toutes les filles perçoivent Twitter ainsi (rires). J’aime ce média car ce n’est que du texte. Je ne suis pas à l’aise sur Instagram. Je préfère être sans filtres. J’ai cette facilité à m’ouvrir facilement. 

  • CM : Jusqu’à présent, tu as dévoilé le clip de « Tranquille » et les visualizers de « Diabolo grenadine / Rivalise » et « Get Out ». D’autres sont-ils prévus ? 

J : Non, pas pour le moment. J’attendais d’avoir des retours sur l’album pour mettre en images d’autres morceaux. Je suis en pleine réflexion. 

  • CM : Le 18 avril prochain, tu seras en concert à la Gaîté Lyrique de Paris. Qu’as-tu prévu pour ce show ? 

J : Sur scène, on sera trois avec Roseboy666 et Kelly. Je veux proposer un show organique. Pour la scénographie de la Gaîté Lyrique, on travaille dessus. Je veux que les gens soient choqués en rentrant dans la salle. 

  • CM : Quel lien entretiens-tu avec ton public ? 

J : J’entretiens un lien proche avec mon public. Je réponds régulièrement aux messages sur les réseaux sociaux. On a une proximité unique. Je suis contente de retrouver mes fans sur les différentes dates que l’on a annoncées.

Les Malheurs de Jäde est à retrouver sur toutes les plateformes de streaming.

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