Quatre ans après Ma Vie Est Un Film 2, Infinit’ fait son grand retour dans les charts avec son premier album, 888, sorti ce vendredi 16 février. De passage dans la capitale, le rappeur du Sud-Est s’est confié dans un entretien fleuve.
Un énorme cap dans une carrière débutée il y a plus d’une décennie
Originaire de Nice et d’Antibes, dans le Sud-Est de la France, Infinit’ est un pur produit de l’école locale. Après avoir dévoilé plusieurs projets au sein de la structure D’en Bas Fondation, qui est notamment composée de Veust et de Barry, l’artiste a rejoint Don Dada Records il y a plus de dix ans désormais. Depuis, le rappeur a pu croiser le fer avec Alpha Wann, Kaaris, Deen Burbigo, Sneazzy et tant d’autres, confirmant à chaque morceau son statut de très grosse plume du rap français.
Pas question pour Inf’ de renier son département pour autant, qu’il a toujours su mettre en avant au cours de sa carrière (Sud-Est, Dictionnaire, etc…). Régulièrement considérée comme le parent pauvre du rap français, la région semble désormais prête à prendre la tangente, comme l’explique le principal acteur de ce renouveau : « C’est en train de se renouveler depuis quelques temps. Nous on a eu une grosse école du début des années 2000 avec des groupes comme Chien de Paille et Coloquinte. Là c’est en train de se renouveler avec la musique qui change, les générations qui se passent le relais. C’est chaud. »
Depuis la sortie de son dernier projet, Ma Vie Est Un Film 2, paru en 2020, de nombreux événements ont chamboulé la carrière d’Infinit’. Il y a d’abord eu le Covid, qui a tué dans l’œuf la tournée nationale du Sudiste. Il y a ensuite eu la Don Dada Mixtape, avec notamment le morceau Soldat Tue Soldat, dans lequel on retrouve Alpha Wann, Kaaris et Inf’, pour un résultat largement plébiscité. La situation n’a cependant pas permis au principal intéressé de se rendre pleinement compte de l’impact du morceau : « Vu qu’il n’y a pas eu de concerts avec le confinement, ça ne se voyait pas trop. Après ouais sur les réseaux je voyais quand même qu’il y avait plus d’intérêt. Les gens ont kiffé le feat avec Kaaris.»
Pendant quatre ans, Infinit’ va peaufiner son retour jusqu’à ce vendredi 16 février, date de sortie de l’album 888. Sur quinze pistes, on retrouve ainsi des collaborations avec 3010, Veust, Alpha Wann et Rim’K. Au niveau de la question des featurings sur le disque, l’artiste explique : « Franchement la question des feats, on en a beaucoup parlé tout au long de l’album, si on en faisait ou pas, avec qui on en faisait. À la fin je m’étais dit que l’album était quand même un peu intimiste et que je me sentais plus de faire rentrer des gens qui étaient un peu éloignés de nous. Finalement on s’est dit que ça allait rester comme ça. Rim’K pour moi ça avait du sens qu’il soit là. On a fait le morceau à Motorbass, on a passé toute la journée là-bas de midi à 2h du matin. On a bien parlé, c’était cool. »
Pour ce qui est des prods, on retrouve des compositions de JayJay, Selman Faris, Malek Ben Becher, Hologram Lo’, Fausto, LamaOnTheBeat, Monomite et Yebu. Le projet a été principalement construit au détour de quatre séminaires, entre Fréjus, l’Espagne et la Tunisie.
« Tu ne peux pas être absent pendant longtemps et revenir avec quelque chose de moyen »
Peu de temps avant l’annonce de son album, Infinit a également pu être rassuré sur la fidélité et l’impatience de son public. Deux petites heures après l’ouverture de la billetterie, les quelques 500 places pour le concert de l’artiste à la Maroquinerie avaient trouvé preneurs. « Je ne m’y attendais pas. Je sais que ceux qui me sont dans l’attente ça fait un moment que je n’ai pas sorti de solo. Je n’ai pas fait non plus beaucoup de collabs entre MVEUF 2 et l’album justement parce que j’étais concentré à fond sur le projet. J’étais quand même surpris que ça aille vite comme ça » témoigne l’artiste.
Pour construire son nouvel album, Infinit’ a enfilé le costume du chef d’orchestre, prêt à tout pour offrir à sa fidèle communauté une symphonie parfaite : « Si je n’ai rien à dire, je ne vais rien dire. Là, on a pris vraiment du temps. Plus on travaillait, plus le temps d’absence s’allongeait. Tu ne peux pas être absent pendant longtemps et revenir avec quelque chose de moyen. On voulait vraiment que ça soit léché, les choix de prod, que tout aille bien ensemble. » Résultat, sur 888, on retrouve des morceaux rappés qui donnent envie de profiter d’un coucher de soleil à Long Beach (Mr Météo, Comportement, Tous les Gens), des collaborations réussies (Parano, Fitness Park, Mathématiques, McGregor) et des hits qui s’annoncent impressionnants interprétés sur scène (Bateau, VVS, Dictionnaire).
Considéré par beaucoup comme l’un des artistes les plus techniques du rap français, le rappeur a également toujours aimé faire entendre le timbre de sa voix, avec une grosse influence américaine. Au sujet de son statut de rappeur technique, l’artiste ne souhaite cependant pas être catalogué : « Pour moi, la technique c’est bien si c’est mis au service d’autre chose. Si c’est juste de la technique pour de la technique, c’est chiant. Je sais que je vais garder une base parce que les trucs qui m’ont fait kiffer le rap c’est ça, c’est les belles rimes, mais par exemple pour l’album je me suis pas dit que j’allais faire les couplets les plus techniques. »
« La technique, c’est bien si c’est mis au service d’autre chose »
S’il n’a pas encore atteint la notoriété de son compère Alpha Wann, Infinit’ compte bien profiter de l’explosion du rap dit de « niche » pour replacer le Sud-Est sur la carte. Interrogé sur l’évolution des catégories dans le rap et la présence d’un public de plus en plus investi, l’artiste déclare : « Je pense que les gens sont plus prêts à ce qu’il y ait plein de styles de rap différents avec un public pour chaque style. Avant, le mainstream avait la plus grosse part, et après le reste ça restait des niches. Là, les niches grossissent, et il y a un public de plus en plus conséquent pour chaque style. »
Durant toute sa carrière, l’Antibois a également su se démarquer grâce à des freestyles devenus classiques (OKLM Radio, RedBull). Éduqué à la musique par les performances de ses homologues américains dans le registre, l’artiste prend le sujet très au sérieux : « Pour moi, c’est un exercice ou il faut être sérieux, tu viens pour tout arracher. »
Après avoir crevé l’écran en première partie d’Alpha Wann à l’occasion de la tournée UMLA Tour du rappeur parisien (le morceau Le Tour rencontrait notamment un gros succès en live), Infinit’ se prépare désormais en vue de sa première tournée nationale, qui débutera dès la fin du mois de février et qui le mènera aux quatre coins de l’Hexagone avec deux dates parisiennes (les concerts à la Maroquinerie et au Trabendo sont désormais complets). Pour préparer cette échéance très importante, Inf’ dévoile sa méthode : « En ce moment je regarde beaucoup de concerts, d’un peu tout le monde. J’essaie de me prendre les mecs qui assurent sur scène. Pas les mecs qui font juste les backs. Ça va de Jay-Z à Kanye en passant par 21 Savage ou encore J.Cole. »
À propos de sa tournée à venir, l’artiste du Sud-Est se montre très enthousiaste : « Le but c’est de faire les meilleurs concerts possibles.L’objectif c’est de défendre l’album sur scène et de faire le meilleur projet possible. J’ai fait quelques dates récemment et je sens que les gens sont réceptifs de fou. Que ce soit les Nuits Carrées à Antibes ou le Festival Grünt à Paris. Je suis pressé de revenir avec un nouveau show et des nouveaux morceaux. »
Un temps interdit de concert à Nice suite à son morceau Christian Estrosi, qui tournait en dérision le parcours de vie franchement déroutant de l’édile, le rappeur se produira dans son autre fief, Antibes, pour une soirée qui s’annonce bouillante du côté de La School.
Alors qu’il a entamé 888 il y a deux ans, Infinit’ a réussi à construire un album fidèle à ses plus de dix ans de carrière dans la musique. Accompagné de camarades d’aventure de longue date (Alpha Wann, 3010, Veust) et du tonton du rap français (Rim’K), le rappeur de Nice enchaîne tour-à-tour les morceaux introspectifs et les fulgurances techniques où le storytelling reprend le dessus.
Alors qu’on a récemment vu Lesram passer un énorme palier avec son dernier opus, Infinit’ pourrait s’imposer comme l’artiste qui a réussi avec 888 à remettre la Côte d’Azur, trop longtemps mise de côté par la puissance et la diversité musicale de la scène marseillaise, sur le devant de la carte du rap français. Ce serait une très bonne chose au vu de l’importance historique de la région dans le genre et de son lourd héritage. Acclamé par ses pairs, Infinit’ semble destiné et déterminé avec son dernier opus à devenir un acteur majeur du rap français. En numérologie, 888 coïncide ainsi avec l’arrivée d’un ange gardien dans sa vie, venu porter un message sur une opportunité à prendre. Tout sauf un hasard donc.
Crédit Photos : Raegular, Kamel Gondry, Louandys
