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Vin’S, l’art du freestyle et de l’impertinence [PORTRAIT]

Vin’S, l’art du freestyle et de l’impertinence [PORTRAIT]

Le rappeur revient avec un tout nouveau projet, l’EP 23h59. De quoi recevoir la visite de l’équipe de Booska-P pour un portrait…

Au rayon des artistes qui animent sérieusement ce début d’année 2018, on peut compter sur Vin’S. Un rappeur qui a déboulé dans nos playlists grâce à une arme secrète : des freestyles aussi aiguisés que la lame d’un scalpel. Au menu de l’artiste originaire du sud de la France, on retrouve des sujets d’actualité découpés avec soin et des morceaux introspectifs qui démontent les stéréotypes. A l’occasion de la sortie de son EP 23h59, Booska-P a rencontré un bonhomme sur la pente ascendante, bien décidé à se faire entendre

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Un rappeur sans frontières

D’emblée, il nous semblait important d’éclaircir un point en particulier. Décrit maintes à la fois comme un vrai Montpelliérain ou un Grenoblois pur jus, Vin’S aura connu plusieurs villes avant de réellement s’installer. Membre éminent du Waza Crew, il fait l’objet d’une petite bataille entre ses fans présents dans les deux métropoles : « Dans mon public, certains me considère comme un mec de Grenoble et d’autres comme un gars de Montpel. Ils ne sont pas d’accord ! »

A Montpellier on va penser au texte et essayer de faire ressentir des choses. Sur Paname, ce n’est pas du tout la même approche

Loin d’être embêté par la question, lui se définit comme un rappeur sans frontières : « Je ne représente pas de ville, je suis loin de ça. Je ne suis pas vraiment montpelliérain, car j’ai grandi à Marseille, j’ai habité à Lyon et à Grenoble aussi. Je trouve ça chaud de se revendiquer d’une ville en particulier ». Loin de lui l’idée de rester bloqué sous un prisme en particulier. Le fait d’avoir baigné dans plusieurs univers est devenu une corde de plus à son arc : « Cela m’a aidé de ouf ! J’ai fait mes armes à Grenoble et je suis revenu à Montpellier, où j’ai côtoyé beaucoup de gens. Tu ne fais pas face aux mêmes mentalités, ce ne sont pas les mêmes manières d’aborder le rap ».

Une école particulière qui aura vu également le rappeur se frotter à la capitale parisienne. De quoi faire face à de nouvelles problématiques et analyser les différences et les particularismes des régions dans la rime ou le style : « A Montpellier on est plus dans le délire où on va penser au texte, à essayer de faire ressentir des choses. Sur Paname, ce n’est pas du tout la même approche. A Paris, on axe souvent le rap sur un délire, faire ce que les autres n’ont pas fait. Les Parisiens sont déjà dans le style et l’imagerie. Nous, on n’est pas forcément des experts dans le domaine de l’image, mais on va être peut-être plus sensible au texte. Il y a plus ce truc de kicker underground dans le sud, alors que sur la capitale il faut être dans la tendance, devant tout le monde ou dans le turfu ».

Le freestyle, l’arme favorite de Vin’S

Loin des tendances, pas franchement du genre à se vautrer dans les modes, Vin’S n’a pas cherché à se construire en s’exposant sur Instagram ou en misant sur un style en particulier. Se concentrant sur le texte, il a débarqué les deux pieds dans le game avec une arme précise, celle du freestyle. Des séquences originales telles que la renversante MeToo ou la politique Marianne, qui ont toutes fait mouche sur les réseaux sociaux. Plus que de simples réactions à l’actualités, il s’agit là de sujets qui animent notre rappeur : « Marianne, c’était à la période des élections, j’y ai pensé un vendredi et le dimanche, on le sortait en vidéo, ça a été super rapide. D’un coup, l’inspiration est venue et on a tué ça. MeToo, c’était encore dans un autre délire. L’affaire Weinstein et les réactions sur Facebook, ça m’a un peu secoué. C’est un sujet qui m’anime trop dans la vraie vie pour ne pas le traiter. Je ne suis pas du genre à rapper justesur l’actu, mais plus sur les sujets qui me parlent ».

Dans mes freestyles, je fais les choses à contre-pied. Dans la vie de tous les jours, j’essaye aussi de regarder les choses sous un autre angle

Tout a commencé il y a quelques années avec le fameux FBitch, texte violent et sans filtre, qui épinglait l’attitude de certaines femmes sur les réseaux sociaux. Un freestyle qui a fait exploser la notoriété d’un Vin’S qui n’a rien calculé, postant simplement sa désormais célèbre vidéo en commentaire d’une publication sur Facebook : « Une fois que j’ai eu la vidéo, je n’ai rien sorti, car je n’avais pas envie de griller le texte et c’est resté plusieurs mois endormis dans mon ordinateur. Je m’en battais les reins violemment jusqu’au jour où j’ai vu le post d’une meuf qui critiquait un certain genre de filles. J’ai trouvé ça cool et à la place d’un commentaire, j’ai balancé la fameuse vidéo. Et là ça a buzzé alors que j’ai juste voulu répondre ».

A chaque fois, c’est sa manière d’aborder les choses qui fait la différence. Avec une vision parfois en décalage, il n’hésite pas à prendre la parole pour mieux démonter les stéréotypes. L’exemple le plus flagrant est évidemment MeToo, balancé alors que les premiers hashtags #BalanceTonPorc émergent sur nos timelines : « Dans la construction des freestyles, je fais les choses à contre-pied. Dans la vie de tous les jours je suis comme ça aussi, j’essaye de regarder les choses sous un autre angle. Sans prétention, je pense que c’est ce qui fait ma force. Depuis petit, j’ai ce truc un peu décalé par rapport aux autres. Dans MeToo qui traite de la condition des femmes dans la société, ça se voit. Moi je côtoie des femmes tous les jours, j’ai une mère, une soeur, une copine. Forcément, j’y suis confronté, mais pas de la même manière que les autres. J’ai l’impression d’aller un peu plus loin, c’est pourquoi je vais parler du viol dans le couple. J’essaye de me mettre à la place des gens, savoir ce qu’une meuf peut aller dire à la police dans ces cas-là ».

Déjà tourné vers le futur

Avec un rap axé plus que jamais sur le texte et une envie de tirer le meilleur des thèmes qui peuvent le toucher, il n’est pas étonnant de le voir citer Sinik ou Sniper comme références. Des poids lourds qui lui auront donné le goût pour l’écriture et des phrases qui frappent fort : « Les gars de Sniper m’ont donné envie d’écrire. Il y avait toujours ce truc incisif, cette phrase que tu retrouvais dans leurs textes. Il y avait un côté authentique qui avait son importance. Chez Sinik, il avait un truc puissant dans la voix, ce n’était pas juste une question de gros flow. Quand il arrivait sur un featuring, je n’attendais que lui, ça faisait « Baw Baw Baw ». Il te sortait quelques phrases que tu retenais directement ».

J’ai envie de pousser mon art, de m’essayer à de nouveaux thèmes et de surprendre mon public

Tourné vers les classiques, mais les deux pieds bien ancrés dans le présent, Vin’S a réussi le pari de cartonner avec des textes toujours tranchants, qu’importe le sujet abordé. S’il a encore mis en lumière sa faculté à tout découper en freestyle dans un Booska’V détonant, l’artiste a partagé d’autres facettes de sa personnalité dans l’EP 23h59, dévoilé fin janvier : « J’ai sorti un premier album solo (Freeson, 2014), mais c’était il y a déjà plusieurs années, dans d’autres circonstances, avec un autre public, etc. Là c’est un EP, comme un condensé de ce que j’ai fait cette année. J’arrive sans peur, j’ai hâte de faire écouter ce que je fais, c’est un soulagement. J’arrive à la fin du cycle, la fin d’une mise à jour, c’est pour ça qu’il s’appelle 23h59. L’heure avant un nouveau jour, juste avant que ça bascule. Moi j’y suis déjà ».

Récemment, il s’est ainsi fait remarquer avec une imagerie sur-mesure pour les clips des titres Peur en feat avec Sylver et Hors-Ligne. Deux preuves de la capacité de Vin’S à se renouveler, lui qui peut naviguer entre plusieurs styles sans jamais perdre l’encre de sa plume. L’artiste est donc fin prêt pour la suite, chez lui l’horloge est aujourd’hui en avance : « J’ai déjà des morceaux pour la suite. J’envisage le futur avec de nouvelles perspectives, j’ai envie de pousser mon art, de m’essayer à de nouveaux thèmes et de surprendre mon public ». Reste à désormais à découvrir ce qu’il nous réserve…

Crédits Photos : Antoine Ott

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