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Veerus : Un rappeur moderne et intègre comme « Iceberg Slim »

Veerus : Un rappeur moderne et intègre comme « Iceberg Slim »

Rencontre avec l’artiste, entre cinéma de gangsters et héritage fraternel.

Depuis de très nombreuses années derrière le micro, Veerus est un rappeur passionné. Un homme qui ne néglige aucun aspect de sa culture et qui continue de proposer une musique résolument moderne. Il le prouve avec son album Iceberg Slim, disponible le vendredi 20 avril. Un opus qui reprend le nom du plus grand Pimp de la littérature américaine, et qui compte des featurings avec rien de moins que Joke, Némir, ou encore Deen Burbigo… De quoi nous pousser à rencontrer le boss de la structure Maison Noire pour une interview en bonne et due forme.

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Avec le projet « Iceberg Slim », on peut dire que tu t’es trouvé. C’est ton avis aussi ?

C’est ce qu’on disait avec J.Kid, la personne avec qui j’ai travaillé sur mon premier projet, Nouvelle Aube. Lui n’a pas bossé sur Iceberg Slim, mais m’a dit : « T’as gardé ton évolution du premier projet, ça reste introspectif, mais moderne quand même ». Être collé à l’air du temps, mais intègre dans mon discours c’est important. Ce n’est pas parce que la prod change que mon discours doit changer, dans un sens vulgaire du terme

Rester naturel, c’est tout ce qui compte pour toi.

Exactement. Avant, je ne me posais pas trop de questions sur comment les gens allaient se faire au changement… Un proche m’a dit que j’avais toujours ce truc pour l’écriture, les images et les punchlines ; que ce soit sur de la trap ou autre. Il ne faut pas forcément passer de blanc à noir d’un coup, mais tant que tu restes la même personne, c’est OK. J’ai eu un déclic avec les cain-ris : ils peuvent faire un morceau dancehall ou un truc beaucoup plus dur sans problème, ça ne dérange pas. Tant que le fond reste cohérent, la forme peut changer.

Il y a aussi une mode chez les journalistes, c’est de faire la comparaison entre deux artistes très éloignés pour n’en former qu’un. Mais du coup, ça n’a aucun sens

Dès la première écoute du projet, on ne peut pas franchement décrire ton style. Pourtant ça reste addictif…

C’est marrant que tu me dises ça, car on me compare souvent à d’autres artistes. En général, c’est quand on n’arrive pas à définir un style en particulier. Sinon, il y a ceux qui ne se posent pas la question et kiffent le délire. Il y a aussi une mode chez les journalistes, c’est de faire la comparaison entre deux artistes très éloignés pour n’en former qu’un. Mais du coup, ça n’a aucun sens. Quand on parle de musique, le plus important, c’est d’aimer ça. La musique, ce n’est pas de la philosophie, chacun personne a son interprétation. C’est comme quand on se demande si le rap c’est bien pour les jeunes, les interprétations vont être différentes selon les personnes qui écoutent. Tout dépend de ton vécu, de ta manière de penser, etc.

D’ailleurs, tu dis souvent qu’au lieu de faire du rap, tu aurais pu te lancer dans la peinture ou la littérature.

Ouais, j’ai toujours une approche historique des choses. La musique, c’est quand même un héritage que tu laisses, même si certains balancent des trucs à tort et à travers. On me reproche de ne pas être productif, mais je prends du temps pour réfléchir à mes projets, savoir ce que j’ai envie de donner. Si le rap c’était juste freestyler sur des instrus, je pourrais le faire chaque semaine. Mais, est-ce que c’est ça dont les gens se souviendraient ? J’en sais rien, car c’est intéressant aussi. J’insiste sur la notion d’oeuvre, car c’est ce que tu laisses comme héritage, il faut qu’il y ait une logique. Mon projet, il peut plaire à tout le monde, même s’il y a comme une petite histoire à suivre.

Icerberg Slim, disponible le 20 avril

Tu parles d’approche historique, mais tu rappes depuis très longtemps.

Mes références dans le rap, le foot, etc… Je les dois à mon grand frère. A sept ans, il me faisait déjà écouter les X-Men ou Lunatic donc, forcément, je n’ai pas le même bagage que les mecs de ma génération ou d’autres plus jeunes. Je ne prétends pas avoir la science infuse non plus, c’est juste une différence. C’est pour ça que j’ai mon approche et ma propre sensibilité. J’accorde de l’importance à des choses qui peuvent être laissées de côté dans la musique. J’aime bien les parcours qui sont honorables, c’est quelque chose qui se perd aujourd’hui. Après, chacun sa compréhension. Aujourd’hui, je me dis que je suis chanceux d’avoir eu un grand reuf et d’avoir eu accès à certains trucs. Il m’envoyait acheter plein de CDs, Booba, etc. J’ai peu de vinyles, mais c’est comme des trésors de guerre.

Quand on parle de Scarface, de la série Power ou du film Fresh, c’est aussi pour raconter des histoires de personnages qui sont partis de rien

Le thème qui revient le plus dans ton album, c’est la volonté de s’en sortir. C’est ton état d’esprit du moment ?

Dans mon album, j’ai placé des extraits de films pour marquer le côté générationnel du délire. Si déjà, à l’époque, ce n’était pas facile de s’en sortir pour certains, j’ai l’impression que c’est encore pire pour les petits d’aujourd’hui. Le dernier album de Nipsey Hussle parle beaucoup de ça, il y a tout un aspect basé sur la motivation, l’entreprenariat et le délire hustler. Les gens vont peut-être voir ça comme un truc bête et méchant, mais les références de mon album ne sont pas là pour glorifier les gangsters. Quand on parle de Scarface, de la série Power ou du film Fresh, c’est aussi pour raconter des histoires de personnages qui sont partis de rien. NAS disait : « Tu peux montrer la rivière à ton frère, mais tu ne peux pas le forcer à boire », c’est une phrase tellement vraie. Modestement, je suis arrivé avec un message comme ça dans mon album. Maintenant que j’ai grandi, je ne vois plus les choses de la même façon. Que ce soit sur les générations d’avant, le fait de s’en sortir ou savoir ce qu’est la réussite. Qu’est-ce que c’est être riche ? Avoir, 10 000 euros, 100 000 ou un million ? Même dans les morceaux traps ou ceux qui sont dans le divertissement, ce sont des choses qui reviennent toujours.

Du côté des deaturings, t’as mis le cap au sud avec Némir, Joke, Deen Burbigo…

Cela s’est fait naturellement. Tous les gens qui sont sur l’album sont mes potes. Je me suis posé aucune question, on a fait ces featurings car on kiffe travailler ensemble. Il y en a même qui ne sont pas dans l’album, qu’on a dû laisser pour des questions de cohérence. En tout, on a travaillé sur 25 morceaux pour n’en garder que 13 et on juste essayé de faire quelque chose de cohérent. C’est marrant, on me dit toujours que je ne fais jamais de feats avec des gars du Nord, mais toujours avec des mecs du Sud (rires) ! C’est drôle, mais rien n’est calculé. J’ai même fait un morceau avec Freeze Corleone qui habite à Dakar, donc la distance, je m’en fiche. J’ai également bossé avec Skeme, un artiste de Los Angeles sur le morceau Juice. Là, c’était un coup de coeur et en plus, on avait une personne en commun. On est de la même génération et les mêmes codes, il a validé mon délire, c’était cool. C’était naturel et ça s’entend.

Et avoir Joke sur son album, c’est presque un exploit non ?

Non, on a vraiment une bonne relation, ça fait longtemps qu’on se connaît (rires). On a mis du temps à se capter, mais on apprécie notre taf. Je kiffe son travail depuis très longtemps, bien avant son explosion, à l’époque où il était avec Teki Latex et Orgasmic chez Stunt, le label rap d’Institubes. Il avait sorti Prêt pour l’argent, c’était grave cool.

On essaye modestement de faire des trucs différents et de partager notre délire. Cela peut ne pas plaire à tout le monde, mais le minimum, c’est d’être inventif

Pour terminer, peux-tu nous en dire plus sur ton label Maison Noire et ta façon de bosser ?

J’ai créé mon label, Maison Noire, une vraie structure avec des gens compétents autour de moi, et en même temps, c’est la famille. Cela m’aide à poursuivre les choses avec une certaine vision. Il y a deux ans, j’étais comme à une intersection, avec plusieurs choix qui s’offraient à moi. Je pouvais signer dans un label et laisser toute ma direction artistique à d’autres personnes, ou monter ma structure tout en sachant que ça allait être plus long et galère. Cela a nui à ma productivité, mais maintenant, je suis maître de mon truc, je suis entouré de gars qui partagent ma vision des choses. Je suis associé à l’équipe Urban Pias qui me fait confiance et qui me laisse une entière responsabilité. On essaye donc modestement de faire des trucs différents et de partager notre délire. Cela peut ne pas plaire à tout le monde, mais le minimum, c’est d’être inventif. On a le mérite d’essayer d’avancer.

Crédits Photos : Antoine Ott.

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