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Myth Syzer, beatmaker mais pas seulement [DOSSIER]

Myth Syzer, beatmaker mais pas seulement [DOSSIER]

Après s’être orienté vers le chant sur « Bisous », sorti au printemps, Myth Syzer est de retour au rap pur et dur avec la suite indirecte de son précédent projet, intitulée « Bisous Mortels ». Portrait d’un producteur touche-à-tout.

Comparer la topologie du paysage rap français avec celle de game US n’a pas toujours de sens, tant leur cible, leur physionomie, leur capacité à s’exporter, ou au contraire à se concentrer sur des marchés très locaux, n’ont rien en commun. Le prétendu retard perpétuel du rap hexagonal sur son homologue américain a beau être discutable sur certains points, il n’en reste pas moins criant sur d’autres : sujet sensible dans notre pays, la place occupée
par les beatmakers est par exemple l’un des principaux axes sur lesquels la France doit encore progresser. Là où des producteurs américains deviennent de véritables stars aux US (Metro Boomin, Zaytoven), pèsent autant que des rappeurs (DJ Khaled), voire même un peu plus (Kanye West), les producteurs français sont en effet généralement condamnés à rester dans l’ombre, soit par absence d’intérêt de la part du public et des médias, soit par choix, nombre d’entre eux préférant rester dans l’ombre.

Myth Syzer, l’exception

L’exposition que connaît Myth Syzer depuis quelques mois fait donc figure d’exception au royaume du rap français. Auteur de deux projets cette année, le beatmaker originaire de La Roche-sur-Yon s’est démarqué avec une pratique peu courante dans nos contrées : en plus de produire les morceaux, il s’est mis en tête d’y poser sa propre voix, et pas seulement pour jouer l’ambianceur : couplets, ponts, refrains, la panoplie de l’artiste est complète, à tel point que l’on finirait par se demander s’il a réellement besoin de convoquer autant d’invités pour remplir ses tracklists, ou s’il ne serait pas capable de tout faire tout seul. Reste à savoir pourquoi Myth Syzer a franchi le pas, là où ses semblables continuent à rester en retrait. Pour lui, l’explication est assez évidente : « En vrai, les producteurs restent en majorité des gens très introvertis. Peut-être que si on a choisi de devenir beatmakers, c’est parce qu’on est trop timides pour être autre chose, pour rapper ou pour chanter ».

Difficile, en effet, de contredire l’auteur de Bisous et Bisous Mortels : hormis quelques têtes qui ne semblent avoir aucun mal à prendre les devants (DJ Weedim, Dany Synthé) et d’autres historiquement installés (DJ Kore, Therapy), peu de producteurs apparaissent en dehors de leur place attitrée derrière les machines. Si l’explication du tempérament introverti peut effectivement justifier cette discrétion générale, le cas de Myth Syzer prouve qu’avec suffisamment de patience, et une bonne dose de courage, la tendance peut s’inverser : « Moi, ça m’a pris dix ans à faire un refrain ! Quand je suis arrivé pour le clip du morceau Le Code, j’étais là, devant la caméra, j’étais pas bien. J’avais peur qu’on voit ma tronche, en train de chanter ça… bref, finalement j’ai foncé. Il faut juste oser ! ». Et finalement, ni moqueries, ni déchaînement de haineux : Le Code devient tout simplement le clip le plus visionné de la carrière de Myth Syzer, et le premier tube véritablement associé à son nom. La preuve qu’il faut parfois se faire violence pour franchir les étapes et monter en gamme.

« Bisous », un pari risqué mais payant

Extrait du projet Bisous, Le Code était un pari risqué pour Myth Syzer, et pas seulement pour le fait d’exposer son faciès face-caméra : en terme de sonorités, ce titre mélange rap et chant, fait cohabiter Ichon, rappeur du 93, Bonnie Banane, jeune talent au style indéfinissable qui s’est autrefois définie comme « une Brigitte Fontaine sous LSD », et Muddy Monk, tout aussi inclassable, à mi-chemin entre variét’ alternative et musique vaporeuse. Une absence de catégorisation qui correspond en somme à la démarche de Myth Syzer, dont la principale préoccupation semble être de fuir les étiquettes : « Je veux pas qu’on me mette dans une case, c’est juste ça. Qu’on me voie comme un artiste à part entière, tout simplement. Et je veux pas être associé au jeu, au rap game, tu vois ? J’aime pas ça. »

Si la volonté première du beatmaker avec le titre Le Code et le projet Bisous n’était pas forcément de brouiller les pistes, il est évident que le parti-pris très marqué aurait pu perdre le public et la critique, d’autant que Syzer était connu jusqu’ici pour son travail sur des titres purement rap : « Quand je balance un beat comme Don Pablo, et que derrière, je fais Bisous, les gens peuvent ne pas comprendre. Mais ça me fait pas peur, je fais ce que je kiffe ». Le risque aura finalement été payant : « Je pense pas avoir explosé les ventes, mais les retours critiques ont été énormes. J’ai fait une tournée, toutes les dates étaient complètes. Voir des gens qui connaissent mes paroles par coeur, voir les médias s’intéresser à ma démarche … ça m’a peut-être ouvert des portes. Y’a plein de gens que j’aurais jamais pu toucher sans ce projet, ça a agrandi mon horizon ».

Un public élargi donc, mais aussi une palette beaucoup plus large pour l’artiste, qui avait véritablement besoin de se lancer pour dépasser ses peurs et se convaincre de ses capacités à prendre le micro, d’où cette direction artistique tout de suite très risquée : « Bisous, ça m’a beaucoup aidé, sur plusieurs plans. En termes de confiance par rapport au son, déjà : se lancer avec ce type de projet, construit sur des morceaux doux, c’est se jeter dans la gueule du loup. C’était plus un projet construit sur des sentiments, sur quelque chose de plus doux. Et surtout, je voulais me lancer un challenge, m’essayer sur ce genre de son, et ne pas rester cantonné sur un délire rap. C’était risqué, de fou. C’est pour ça que j’ai voulu y aller fort, direct : quitte à se lancer, autant se prendre un mur, comme ça je serai chaud pour la suite. Ca m’a aussi permis d’avoir plus confiance en moi sur la question du chant ».

Le chant, et pas le rap, en effet : alors que l’on pourrait avoir tendance à penser que rapper serait plus naturel pour un beatmaker qui a baigné dans le hip-hop depuis toujours, Myth Syzer a choisi la solution la plus difficile en apparence : « Je voulais pas vraiment rapper, parce que je suis pas rappeur, mais comme je ne pas non plus vraiment un chanteur, j’ai donc pensé à faire ça : un projet pas vraiment rap, un peu hybride ». Cette envie de chanter
vient peut-être des nouvelles méthodes de travail des beatmakers, qui ne se cantonnent plus à produire des instrus à la pelle, mais doivent désormais fournir des toplines, voire parfois un peu plus. A force de mâcher le travail aux rappeurs, certains commencent à vouloir croquer leur part à pleines dents : « Je me sentais emprisonné, à ne faire que des beats. J’avais tout le temps des mélodies en tête, et je me suis dit plutôt que de faire des toplines pour des gens, autant que je le fasse moi ! On est jamais mieux servi que par soi-même, vraiment. Alors je vais le faire ! Je vais pas donner mes toplines à des rappeurs, je
vais m’en servir moi-même. Et parfois, j’entends Ikaz Boï faire des mélodies avec sa voix, je lui dis « mais gros, enregistre ! ». Après c’est autre chose, ça te met sur le devant de la scène ».

Retour au rap

Bisous n’était donc pas un revirement définitif dans sa carrière, mais une appartée salutaire pour aller de l’avant et éviter de s’enfermer dans un seul type de sonorité. Une expérience qui aura au moins permis à Myth Syzer de s’aérer, d’explorer d’autres types de sonorités, d’autres méthodes de travail, et par conséquent, d’apporter de nouveaux éléments à sa musique, une fois de retour au rap : « A la base, je suis vraiment là-dedans, rappelle Myth
Syzer. Je suis dans le rap pur et dur. Les prods que j’ai placé après Bisous, c’était vraiment des prods rap. C’est ce que j’aime, c’est ce qui est dans mes tripes ». Après Bisous, le producteur s’est donc replongé dans ses fondamentaux avec une suite indirecte, Bisous Mortels, très différent sur le plan des sonorités mais finalement pas si éloigné en termes de démarche : « Malgré les différences entre les deux projets, j’ai réussi à avoir une cohérence, avec un côté sombre, et un côté plus éclairé ».

La suite, ce sera donc avant tout dans le rap, même si les bons retours sur Bisous laissent à penser que Myth Syzer n’hésiterait pas trop longtemps avant de replonger dans le hors-piste. Dans l’immédiat, éviter de trop s’éparpiller semble pourtant rester la priorité, le producteur visant à « rester dans le beat, kiffer à chanter dessus, et améliorer (ses) textes ». Revenir à ce qu’il a su faire jusqu’ici, donc, quitte à replonger dans l’ombre. « Mais je cherche
pas la lumière, quand tu regardes mon insta, par exemple, tu vois peu ma tête. Je me force juste à me montrer un peu plus ». Beatmaker, chanteur, directeur artistique : Myth Syzer est entièrement investi dans son oeuvre, et tend à contrôler ses projets à 360 degrés … à tel point qu’il ne s’occupe plus uniquement du son, mais aussi de l’image : « J’ai déjà fait des visuels, mais ça reste amateur. On a clippé Massacre, avec Old Pee, et c’est moi qui ai dirigé le clip. A l’avenir, je compte réaliser moi-même mes clips, c’est ça le prochain step ». A force de vouloir tout faire lui-même, Myth Syzer finit par prendre le contrôle sur le moindre détail de sa création artistique. « Sur Bisous Mortels, j’ai tout fait de A à Z. La direction artistique, le son, les visuels, c’est moi. Je me sens investi à 1000%, je veux être le maître de ce que je fais ».

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