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Demi Portion, « Super Héros » de Sète [PORTRAIT]

Demi Portion, « Super Héros » de Sète [PORTRAIT]

Rencontre avec Demi Portion à l’occasion de la sortie de son 5ème bébé.

Originaire de la ville de Sète, Demi Portion aka Rachid Daif est de ces rappeurs qui placent le maniement des mots en haut des priorités lorsqu’il s’agit de composer sa musique. Lui qui a commencé à gratter ses premiers textes de rap à l’âge de 12 ans, dévoilera ce vendredi 18 mai son 5ème album : Super Héros. Pas destiné à faire du rap, lui qui a commencé par le breakdance dans une MJC, Demi Portion s’en sort très bien aujourd’hui, porté par une belle communauté de fans. Retour sur sa carrière.

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Un homme de terrain

Pour Demi-Portion, la proximité avec son public est un point majeur, et les concerts, un passage plus qu’indispensable. Du coup, le rappeur enchaîne entre 80 et 100 dates de concerts par an, un rythme très soutenu pour un artiste :« On bouge partout, on est rarement à la maison (…). Ca fait 5 ou 6 ans que je charbonne, c’est plaisant, c’était le but de la musique : de partager ; de faire peu de disques, mais beaucoup de concerts ».

Comme si ça ne suffisait pas, voilà trois ans que le Sétois organise en plus de ses concerts, son propre festival, dans sa ville, le Demi Festival. Il explique : « A la base, c’était pour faire un concert dans ma ville. C’est un gros rassemblement : il y a 4 500 tickets qui se vendent (…). L’année dernière et la première année, les billets s’étaient vendus en deux minutes« , avant d’ajouter « Ca se vend sur internet et malheureusement ça part vite. Malheureusement pour ceux qui ne peuvent pas venir », gardant une pensée pour ceux qui n’ont pas eu le temps de se procurer une place.

Les billets s’étaient vendus en deux minutes !

Les lives ont une telle place dans la carrière de Demi Portion que le rappeur explique qu’il a fixé la date de sortie de son album par rapport à son concert à l’Olympia de Paris. Ainsi, le lendemain de la parution de Super Héros, le samedi 19 mai, le Sétois se produira sur la scène parisienne, faisant de la sortie de son opus, un moment unique et un nouveau moyen de partager avec son public. « L’Olympia on l’avait déjà avant la date de l’album. Du coup, on s’est dit : quitte à faire une release ou une fête, on essaye de sortir l’album la veille, et j’ai tout fait pour respecter les délais. On va fêter ça le lendemain – pas sûr qu’ils connaissent les textes encore. On a fait toutes les petites salles à Paris, donc arriver à faire l’Olympia c’est cool » se réjouit-il.

Et lorsqu’il n’est pas en concert, Demi Portion maintient le contact via les réseaux sociaux, un outil très utile pour un artiste qui souhaite entretenir le lien avec son public. Le rappeur offre ainsi régulièrement des freestyles à ses fans : « Les freestyles ça me suit depuis MySpace, MSN… Des freestyles j’en faisais à l’époque et la continuité du truc fait que j’en balance sur Facebook. On essaye d’être proche, vu qu’on habite à Sète, on est un peu loin ».

Quand rap rime avec bienveillance

Il faut dire que Demi Portion doit tout à son public, lui qui est suivi par plus de 300 000 personnes sur Facebook. Un public particulièrement actif qui sait que pour s’informer sur l’actualité de leur rappeur, il vaut mieux se brancher directement sur sa page. En effet, Demi Portion fait partie de ses artistes qui avancent sans major, ni label, ni publicité.

Malgré le succès, les années qui passent et les projets qui s’enchaînent, le Sétois est comme boycotté par les médias de masse, et il n’est pas le seul. « Je fais partie des ancêtres qui enregistrent encore à la maison, à petite échelle, sans passer par W9 (rires). Je suis pas contre le fait de passer sur M6, j’accepte tout, mais je suis pas sûr qu’ils kiffent. La télé… Quand je parle de ça, je parle pour Kacem Wapalek, pour plein d’artistes en France qui déchirent et qui ont pas accès à ce réseau-là. Keny Arkana, d’autres qui ont un sacré public en France. Comme quoi, on n’en a pas forcément besoin. Mais c’est quand même cool d’avoir un support pour montrer à la ménagère que le rap c’est un peu ça aussi ».

Je fais partie des ancêtres qui enregistrent encore à la maison, à petite échelle, sans passer par W9

Demi Portion est bien loin de l’image du rappeur bad boy qui résiste toujours dans l’imaginaire collectif français. Le Sétois n’est ni pour les rivalités avec ses confrères, ni pour le buzz sur les réseaux sociaux : « Je pense qu’il y a moyen de s’en sortir sans clasher, sans insulter... Aujourd’hui troller fait partie du truc qui marche le plus. La plupart qui sont en train de fonctionner aujourd’hui le font bien au niveau de l’image, de la blague… C’est un délire ». L’artiste ajoute d’ailleurs qu’il est ravi d’écrire « sa petite musique » quand il se produit en prison devant des centaines de personnes incarcérées qui ont davantage besoin de good vibes. « Je suis pas un monstre, j’ai un pseudo qui pèse pas lourd donc je suis content d’avoir fait ça » conclut-il.

Et la trap ?

Ancré dans une vibe plutôt old-school, Demi Portion étonne avec le morceau d’ouverture de son nouvel opus. Toute ma vie est, en effet, un morceau plutôt trap qui change complètement de ce que fait le rappeur habituellement. Il s’exprime sur la question : « J’en écoute beaucoup (de la trap, ndlr), c’est un autre style d’écriture. Je suis pas capable d’en faire un album entier, voilà pourquoi je m’essaye sur quelques titres. On m’a fait un reproche, de faire la même chose, et je me suis dit pourquoi pas sur cette intro essayer un truc qui n’a rien à voir ». Pari réussi !

Le Sétois est généralement catégorisé de rappeur conscient, et il n’est pas tout à fait d’accord avec ça : « Je suis inconscient moi (rires). Dans la vie je pense être pas du tout conscient, mais dans l’écriture on essaye de s’impliquer, mais je suis complètement freestyle. Je pourrais pas dire que je suis un rappeur conscient, engagé, c’est les gens qui disent ça. (…) C’est peut-être le manque de revendication de certains artistes qui fait qu’on se retrouve à être des extraterrestres du rap«  conclut-il avec justesse.

Le rap se porte bien, l’écriture se porte bien et la musique évolue

Ce qui compte pour Demi Portion ce n’est pas le style de l’instru : qu’elle soit boom bap ou trap, ce sont les lyrics qui font la diff’ ! « Je pense qu’aujourd’hui les rappeurs qui s’en sortent le plus, c’est grâce à l’écriture à la base : Georgio, Nekfeu, Orelsan, Damso, Lomepal, Vald… Il y a quand même beaucoup d’écriture et sans c’est compliqué, ça peut pas suivre. S’il y a pas beaucoup de prise de tête dans l’écriture, il y a rien. Le trap, le boom bap, c’est la musique. La plupart que je t’ai cité sont de gros lyricistes. Le rap se porte bien, l’écriture se porte bien et la musique évolue ».

La trap, pour le sétois, c’est presque une avancée technologique : « Au niveau de la trap, au niveau des sonorités, les beatmakers qui ont d’autres machines, d’autres bordels avec eux, ils sont sur une autre planète. Je sais que DJ Rolex a toujours sa petite MPC, il essaye de sampler ses petits vinyles (rires). Aujourd’hui, il y en a qui composent un peu plus : j’ai déjà posé sur une instru’ de Dany Synthé qui est sur un autre délire ».

Retour aux sources

Malgré une sortie de route bien appréciable, Demi Portion n’oublie pas d’où il vient ; que ce soit musicalement, avec le morceau Retour aux sources, ou physiquement, avec le morceau Salam. Côté rap déjà, le Sétois s’est fait le plaisir de partager un morceau avec IAM. Comme un prince est une véritable consécration pour Demi P qui ne voulait qu’eux à ses côtés sur Super Héros : « IAM c’était le Graal. Je devais le faire il y a un moment. Ils m’ont rappelé pour refaire ça dans de meilleures conditions, ça s’est fait et je remercie IAM. Dès que je les ai eu je me suis dit ‘c’est cool’. Je suis allé à Marseille, je leur ai balancé la prod’, ils ont kiffé. On a pas enregistré direct, ils ont préféré écrire, je suis reparti. Akhenaton avait déjà posé son morceau, il a kiffé. Je me suis mis entre eux deux, et venant de leur part ça me dérange pas du tout ». En effet, quand on écoute le morceau, on se demande même s’il ne s’agit pas d’un morceau d’IAM en featuring avec Demi Portion.

IAM c’était le Graal !

Les racines, pour Demi P, c’est aussi le Maroc, pays de ses parents. Le morceau et le clip Salam sont un hommage très réussi à ses origines, mêlant prod urbaine et orientale avec un visuel léché, véritable appel au voyage. « J’ai déjà fait des clips au bled un peu à l’arrache, je prenais une caméra… Mais ça représente pas le pays et ce que t’as envie de montrer. Par rapport au clip, j’en suis content, c’était une bonne équipe. Et puis après le son, j’essaye de pas refaire ce que j’ai déjà enregistré, il me manquait un morceau comme ça. Il me manquait Salam, vu que Salam Aleykoum veut dire ‘que la paix soit sur vous tous‘. Il y en a beaucoup qui pensent que ça fait partie de l’islam, mais ça veut juste dire ‘paix' » précise Demi Portion.

L’artiste du moment pour Demi Portion : Synapson

Crédits photos : Pierrick Bernard

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