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Benab : « Je veux raconter ce que je vis » [INTERVIEW]

Benab : « Je veux raconter ce que je vis » [INTERVIEW]

Entretien avec le talent du 93 à l’occasion de la sortie de son premier album, « Dracarys ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Au rayon des belles surprises qui viennent du 93, difficile de ne pas penser à Benab. Artiste au délire bien à lui, il a préféré choisir de l’arme du chant plutôt que celle dur rap dans un département pourtant marqué au fer rouge par le hardcore. Loin des clichés, il distille un message positif à travers ses mélodies et compte bien mettre en avant la belle face de Sevran. Une ville pétrie de talents et de laquelle il a déjà réussi à tirer son épingle du jeu, avec un premier album à venir Dracarys. Avant la sortie du projet prévue pour le 27 septembre, il est d’ailleurs passé par nos bureaux.

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Mélange entre vie privée et vie personnelle…

Exactement, il y a un moment où ça se confond. Quand t’es dans la musique, ce n’est pas comme si tu travaillais dans une entreprise normale, tout le monde t’en parle. Puis tu finis par manger musique, dormir musique, penser musique, ça dure 24 heures sur 24, ça fait clairement partie de ta vie. Même dans mes rêves je fais des mélodies (rires) ! Fonctionner comme ça, ça a des points négatifs et positifs…

Quand tu parles de points négatifs, tu parles du fait d’être trop dans ta bulle musicale ?

Non, car c’est plutôt un point positif, ça te permet d’avoir plus d’inspiration, de redonner tout ce que tu vis en musique. Par exemple, lorsque je parle de vie privée et vie professionnelle qui se confondent, je pense à ces moments où je suis à la cité. Il y a des choses qui s’y passent et forcément, je vais direct prendre mon téléphone pour noter quelques trucs pour que ça finisse dans mes sons.

On sent dans tes textes cet aspect très réel.

Dans mon album, il y a pas mal de sons qui sont réalisés sous forme de thématiques. Je dis ce que je vois, je fonctionne comme ça. Cela peut partir de mon entourage, où de ce qui m’arrive dans la vie. Je pense que c’est une façon de faire ressortir mon côté artistique. Je peux faire de l’egotrip, mais mon truc, c’est d’écrire en me servant de certains thèmes. Faire de l’art, de la musique, c’est ça, c’est faire parler sa propre créativité. Je pense que tout artiste dans le monde doit faire parler sa créativité à sa manière. Je ne dis pas qu’on ne doit pas s’inspirer des autres, mais il faut qu’il y ait une part de toi qui ressorte à chaque fois.

Justement, quelles sont tes influences ? Quand on t’écoute, on n’a pas forcément de références directes, ça peut venir de partout, de la musique orientale ou autre.

C’est pour ça qu’on m’a beaucoup comparé à Soolking, qui fait aussi dans la mélodie. Comme c’était le seul qui pouvait être dans un délire proche, certains ont trouvé que c’était du Soolking. Mais moi, je m’inspire de tout, surtout de bonne musique. Ce que je trouve moins bien, je vais quand même l’écouter pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Au début, tu auras peut-être du mal à me cerner, mais après, tu vas te dire que je m’inspire de mondes très différents.

Ce qui est important, c’est d’arriver avec sa propre marque, sa touche personnelle.

C’est ce que je disais plus tôt, il faut apporter sa touche de créativité, un délire qui te ressemble. Je pense que la musique, comme la peinture, sont de bons médias pour livrer ton art.

Il y a eu un morceau important dans ta carrière à ce niveau-là, c’est « Sevrania ». Peux-tu nous en parler ?

Il ne sera pas dans l’album, mais c’est vrai qu’il a joué un rôle important. Je voulais que ce soit l’hymne de Sevran, ma ville. Montrer que Sevran, ce n’est pas que du négatif, il y a du positif aussi. On le voit à travers le clip, dans lequel tu vois des enfants jouer, des ballons… Ca change du côté « armes, drogues, argent », même si on ne va pas se voiler la face, Sevran a aussi une face sombre. Le côté joyeux, il fallait que je le fasse ressortir dans ma musique.

Arriver avec un autre message, plus positif, c’est une de tes armes.

C’est vraiment quelque chose que je voulais faire, apporter du positif. J’aime faire de la mélo et je sais que les gens se concentrent d’abord dessus avant d’écouter les paroles. Donc en général, je vais faire passer des messages à travers mes mélodies. J’essaye de ne pas dire d’insultes et de ne pas prôner la haine, car je sais que pour les enfants, comme les adultes qui m’écoutent, c’est mieux de faire passer un bon message à travers ma musique. Après, ce n’est que mon avis.

Pourtant, tu viens d’un département, le 93 qui est marqué par le rap hardcore. D’où te vient l’envie de faire de la mélo ?

C’est simple, je chante depuis tout petit, mais je n’avais pas l’envie particulière de devenir chanteur. Comme tout jeune de cité, j’ai pensé à devenir rappeur ou footballeur, mais le fait d’être chanteur un jour, ça ne m’a jamais traversé l’esprit. Après, dans les cités, je pense que je suis loin d’être le seul à savoir chanter. C’est juste qu’aujourd’hui, il faut se lancer, il faut oser. C’est mon beatmaker Bersa qui m’a initié au chant et désormais, on est lancé, tout se passe bien.

Vu que tu ne pensais pas forcément à une carrière, les clips, les feats, l’engouement… Comment tu as vécu tout ça ?

Tout ça, je ne m’y attendais pas (rires) ! Mais je ne vais pas dire que c’est arrivé trop tôt, car aujourd’hui, tout se passe rapidement. On est à l’ère du fast food, tout se consomme très rapidement, même la musique. Dans ma vie, la musique a eu un impact, c’est clair. J’étais Younès et d’un coup, je suis devenu Benab… Du jour au lendemain, presque sans le savoir.

Quelle est la différence entre Younès et Benab ?

Ils sont très ressemblants (rires) ! En fait c’est simple, Benab reflète ce que vit Younès. L’un égale l’autre et vice-versa, j’ai toujours réussi à garder la tête froide jusqu’à aujourd’hui et j’espère que ça va continuer comme ça. Il n’y a pas de raison que ça change.

On va aborder la question de tes feats… Comment tu as bossé avec Kalash Criminel ?

Les gens de ne s’y attendaient pas ! Casser les codes, c’est vraiment ce que j’aime faire en solo ou en feat. Dans la vie, j’ai toujours été comme ça. Par exemple, quand une prod’ est ambiançante, je vais préférer aborder un thème triste, ça fait partie de ma touche. Kalash Criminel, c’était le bon invité pour faire ça, pour casser les codes. On n’est pas du tout sur le même créneau, mais on a trouvé un terrain d’entente pour un morceau qui a bien fonctionné, Hey Mama.

Autre invité de marque, Maes, qui vient également de Sevran. Vous avez la même capacité à rapper et chanter.

Avec Maes, on est encore dans un autre registre. C’est le frérot, il me fallait un son avec lui, ça me paraissait logique. La connexion s’est faite naturellement, très rapidement, sans aucun calcul. On était en studio, Bersa a balancé une prod’ et ça a glissé. Pour ce qui est de nos capacités, je ne sais pas d’où ça vient. On a beaucoup traîné ensemble, peut-être que ça vient de là.

La scène de Sevran est pleine de talents, comment tu l’analyses ?

On a su se porter vers le haut, c’est ça qui est beau. Après, je pense que c’est un effet boule de neige. Il a fallu que quelques personnes osent se lancer pour que tout le monde s’y mette. Chacun fait part de sa créativité et ça marche.

Question créativité, tu as le morceau « CC » qui est surprenant dans la forme, comme dans le fond.

Quasiment tout l’album a été réalisé par Bersa. Il n’y a que deux productions qui ne sont pas signées Bersa, mais Djaresma et Hovaground. Sur CC, c’est Ovaground qui a bossé dessus. On cherchait une autre couleur et ça m’a poussé à aborder un tout autre sujet. C’est un son qui est tourné vers ceux qui sont addicts à la cocaïne. Je voulais parler de ça sans faire dans le cliché, comme si je devais conseiller un ami pour qu’il sorte de son addiction. C’est plus du conseil que le simple fait de dénoncer. C’est un morceau que j’aime beaucoup car il est plus rap que les autres titres de l’album. J’ai essayé de mettre des sons de tous les types, car c’est mon premier projet, c’est une carte de visite. Cela permet de faire plaisir à tout le monde.

Quand tu parles de musiques différentes, on pense aussi à ton titre avec Imen ES.

Je la connais depuis longtemps, puis j’avais vraiment envie de ramener un feat féminin car le public me le demandait pas mal. Imen ES est bien tombée car j’apprécie ce qu’elle fait et qu’elle bien de Sevran aussi. Comme je l’ai déjà dit, il faut oser, suivre ses envies et parfois ne pas trop réfléchir.

Tu te fixes des objectifs, des challenges pour avancer ?

Je me fixe énormément d’objectifs dans la musique et ça devient même personnel. Car dans ma vie professionnelle, tout ne s’est pas passé comme prévu. Réussir à travers la musique, c’est déjà me prouver que je suis capable d’aller au bout de quelque chose. Mes objectifs prennent forme avec le temps, au fur et à mesure, ça devient de plus en plus concret. Quand je réussis à faire un son dont je suis fier, je me dis toujours que le prochain doit être encore mieux. Je le dis souvent en live sur Instagram, je vais toujours faire en sorte que mes sons et mes projets soient mieux que les précédents.

Comme défi, on peut notamment parler de la scène…

La scène, j’ai kiffé ça car le public a chaque fois été très réceptif. Même chez ceux qui connaissaient un peu moins, t’arriver à capter qu’ils aimaient ça. J’ai beaucoup aimé la relation qui peut se créer entre le public et moi. C’est vrai que c’est quand t’es face à lui que tu captes la réalité des choses, tu vois directement ton travail porter ses fruits. La scène, c’est comme un match de coupe (rires). Dans le futur, j’aimerais arriver sur scène et choquer les gens… Qu’ils ne reprennent même pas mes paroles mais qu’ils restent bouches bées (rires) !

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