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Ce jour où… LL Cool J a escroqué Gap !

Ce jour où… LL Cool J a escroqué Gap !

Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à l’une des plus belles carottes de l’histoire de la mode…

New York, fin des années 80. Histoire de se faire quelques dollars en plus des petits boulots qu’il occupe à droite à gauche, Daymond John commence à confectionner lui-même des bonnets et des t-shirts (du genre « Qu’est-il arrivé à Rodney King ? » ou « Libérez Mike Tyson ») qu’il vend ensuite à la sauvette dans les rues ou à la sortie des concerts.

Le succès étant au rendez-vous, il s’associe alors avec trois de ses potes, tous originaires du quartier du Queens, pour lancer la marque FUBU, un acronyme signifiant « For Us, by Us » (« Pour Nous, Par Nous »). John convainc alors sa mère d’hypothéquer son appartement afin de lancer la production de vêtements orné du logo FB.

La fine équipe commence à se faire connaitre et certaines de leurs pièces apparaissent dans les clips des Brand Nubians, Busta Rhymes, Ol’ Dirty Bastard (à l’occasion de son duo avec Mariah Carey) et LL Cool J (pour Hey Lover avec les Boyz II Men).

Élevé lui aussi dans le Queens, ce dernier s’impose très vite comme l’ambassadeur officieux/officiel de la société.

De gauche à droite la team FUBU : Keith Perrin, Carl Brown, Daymond John et J. Alexander Martin.

Des comptes dans le rouge

Reste que, malgré cette renommée grandissante et le lancement de sa première vraie collection en 1995, les affaires ne se portent pas au mieux. Le carnet de commandes a beau se remplir à vue d’œil, aucune banque n’accepte d’accorder un prêt à la jeune entreprise – Daymond John comptabilise 26 refus d’affilés.

Les problèmes de délais entre le paiement des matières premières et la mise en marché du produit fini causent de sérieuses difficultés de comptabilité, à tel point que la marque doit publlier un appel au financement dans le quotidien papier New York Times – appel auquel répond le sud-coréen Samsung .

FUBU doit cependant le fait d’être devenu FUBU à un coup du chapeau enseigné dans aucune école de commerce.

Au printemps 1997, Gap alors au sommet de sa puissance lance sa ligne Easy Fit Jeans très inspirée de la mode urbaine. L’enseigne décide de mettre le paquet question promo et investit près de 30 millions de dollar dans l’opération.

Elle recrute pour l’occasion un LL Cool J tout juste sorti du succès commercial de son album Mr. Smith et sa triplette de singles ravageurs (Lougin/Hey Lover/Doin It) pour rapper dans une pub télé.

Si Cool James est habillé d’un jean et d’un t-shirt Gap, les plus attentifs notent qu’il porte une casquette frappé du logo FUBU. Mieux, à la quatorzième seconde de son couplet il dédicace sans pression son slogan « Ready to go / For Us By Us, on the low » !

Les retombées sont quasi-immédiates. Profitant d’une exposition sans égale (et d’un investissement zéro), la ligne de vêtements explose à l’échelle du mainstream, dépassant largement le cadre du rap. L’année suivante, en 1998, FUBU totalise ainsi plus de 300 millions de dollars de revenus !

Une question demeure…

Devant un tel raz-de-marée, il est assez logique de se demander pourquoi Gap a laissé un compétiteur agir de la sorte ?

En réalité, d’une part LL Cool J n’a demandé la permission à personne, et de l’autre, du CEO au service marketing en passant par l’équipe de tournage, absolument personne n’a remarqué quoi que ce soit – ou des limites de l’appropriation culturelle ?

Certes aujourd’hui LL serait viré (et poursuivi en justice) dans la demi-seconde, mais en 1997 internet n’existait pas, et encore moins les réseaux sociaux.

Selon Daymond John, Gap a mis un mois pour remarquer l’entourloupe. Impossible donc à ce moment-là de faire machine arrière.

Invité en 2013 chez la présentatrice de télévision Oprah Winfrey, le rappeur était alors revenu plus en détails sur la controverse.

« Je représentais à l’époque FUBU. J’avais des parts dans la société, j’en ai toujours. Je souhaitais supporter ce que l’on faisait. Je me disais honnêtement que Gap était assez grand et développé pour gérer ça et ne pas en être affecté. Au final ça a marché pour tout le monde : ils n’en ont pas souffert, et en plus ils ont eu l’air cool. »

Et James de continuer en complimentant Gap : « Ils n’ont pas retiré la pub, je dois leur dire merci pour ça. Ils ne sont pas devenus complétement dingo une fois le pot aux roses découvert. Du coup, je me dois de remercier les décideurs de ne pas l’avoir fait, il faut dire qu’à l’époque nous n’en avions pas trop parlé. »

Le succès engendré par ce coup marketing sans précédent inspirera dans la foulée d’autres jeunes loups de la culture hip hop (Puff Daddy avec Sean John, Jay Z et Damon Dash avec Roca Wear…).

De son côté, FUBU verra sa popularité piquer du nez au début des années 2000 tandis qu’LL Cool J poursuivra ses associés pour des problèmes de royautés.

Vague rétro oblige, la marque renaîtra ensuite en 2010 sous le sigle FB Legacy.

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