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Kanye West : l’histoire du Dropout Bear, la mascotte la plus stylée du rap US

Kanye West : l’histoire du Dropout Bear, la mascotte la plus stylée du rap US

A l’occasion des quinze ans de l’album Graduation, on revient pour vous sur l’histoire de l’iconique mascotte de Kanye West : le Dropout Bear.

Kanye West a beau être l’un des artistes les plus influents de sa génération, beaucoup regrettent aujourd’hui l’ère du fameux « Old Kanye ». Mais si vous savez, cette époque qui s’étend de 2004 à 2007 et qui englobe ses trois premiers albums studio. Au-delà de la musique qu’elle propose, cette trilogie aussi appelée triptyque universitaire illustre les trois actes du parcours scolaire tumultueux d’une icône bien connue. Je parle bien sûr du Dropout Bear, l’alter ego ursidé de Kanye West devenu avec le temps la mascotte rebelle la plus cool du rap US

Aussi populaire soit la bête, peu de choses ont été mises sur papier à propos de ce nounours emblématique. Pourtant, celui-ci est indissociable des débuts musicaux tonitruants de Yeezy. Osons le dire, il représente l’allégorie de sa personnalité de l’époque. Celle d’un électron libre qui a choisi de quitter le système scolaire traditionnel pour embrasser une vie d’artiste et accomplir ses rêves de gloire. Si nous vous en parlons, c’est parce qu’aujourd’hui, nous célébrons les quinze ans de sa Graduation, la cérémonie qui le consacra définitivement parmi les plus grands artistes de tous les temps. En souvenir du bon vieux temps, il est temps de vous raconter la folle histoire du Dropout Bear

La naissance d’une mascotte

Ce cher Dropout Bear a été conçu par l’artiste Sam Hansen et est donc apparu pour la première fois sur la pochette de l’album The College Dropout. Pourquoi une mascotte en guise de cover me direz-vous ? Tout simplement parce que si le rappeur souhaitait apparaître sur la pochette de son premier album, il ne voulait pas que son visage soit explicitement visible. Étrange quand on connaît le melon du garçon.

Il s’est mis en tête de choisir un animal totem pour le représenter et très vite, ce n’est pas le vilain petit canard, mais le choix de l’ours qui s’est imposé. De prime abord, cet animal symbolise la puissance et la force. Il impressionne aussi par sa stature et ses attributs, ce qui l’amène à être souvent considéré comme un protecteur. Il est aussi représenté comme un animal gourmand et, selon le cycle de la nature l’ours est aussi symbole de renouveau et de renaissance. Enfin, il inspire aussi la robustesse, la vigueur et va de pair avec sentiment de tendresse. Une signification symbolique bien jolie, mais qui quand on y réfléchit, ne reflète en rien la personnalité de Kanye

Mais alors pourquoi avoir choisi un ours dans ce cas ? Et bien sachez que cela n’était pas du tout prémédité. Outre pour son côté enfantin et son affiliation à la marque Polo Ralph Lauren qu’affectionnait le rappeur, si cet animal a retenu son attention, c’est simplement parce que celui-ci était la mascotte de l’équipe de basket de l’école de Chicago dans laquelle il avait choisi de shooter la cover de son premier album. La rumeur veut même que le costume emblématique utilisé par Kanye sur sa pochette se trouvait au beau milieu de la salle de sport de l’établissement retenu pour la séance photo. Rien de très surprenant quand on sait que le club de football américain de la ville a aussi pour mascotte un ours. Le background du Dropout Bear désormais posé, il est temps pour lui de prendre le chemin de l’école. Ou pas !

Une peluche rebelle et anti-système

C’est bien connu, au-delà de la tracklist et de la musique en elle-même, il existe un moyen simple de se faire une idée sur ce que nous réserve un projet musical. Il s’agit bien entendu de sa pochette. Premier élément visuel présenté à l’auditeur, une cover réussie doit non seulement attirer l’œil, mais aussi et surtout être capable de raconter l’histoire de l’album. Pour ce qui est de la trilogie universitaire de Kanye West, cette double mission est dûment accomplie, en grande partie grâce à la mise en scène du fameux Dropout Bear qui apparaît sur les pochettes des trois premiers disques du rappeur de Chicago. The College Dropout en tête donc.

Petite remise en contexte : nous sommes en 2004 et à l’époque, Kanye fait le choix contre la volonté de sa mère tant aimé, Donda West, d’abandonner l’université afin de poursuivre ses rêves musicaux à plein temps. Partant de là, le Dropout Bear représente l’obstination du jeune artiste à poursuivre sa voie comme il l’entend et non selon les normes de la société. Comprenez par là que selon lui, il n’a pas besoin d’aller à la fac et de passer par le système scolaire traditionnel pour accomplir ses rêves. Une philosophie à double sens qui s’applique également à sa vision du rap. En effet, lorsque Kanye a débarqué dans le game, il est arrivé avec son propre style vestimentaire et une esthétique musicale aux antipodes des stéréotypes de la tendance gangsta rap des années 2000. Peu importe qui lui claquait sans cesse la porte au nez, il ne s’est pas débiné et était déterminé à illuminer le monde de son talent.

A l’image, son côté dissident est parfaitement représenté par cet ours solitaire. Pour lui, mieux vaut rester à l’écart des masses et cirer le banc de touche plutôt que rentrer dans le moule de l’industrie musicale, représentée ici par les bancs de l’école. La morale de cette histoire ? Ayez le courage d’accepter qui vous êtes, plutôt que de suivre le chemin que la société a tracé pour vous.

Le parcours scolaire de notre nounours favori se poursuit en 2005 sur la pochette de l’album Late Registration, un opus encore plus sophistiqué musicalement et ambitieux que son prédécesseur, notamment par son côté « musique de film », orchestré par le grand producteur et compositeur Jon Brion. Cette fois, la cover affiche un Dropout Bear aux yeux écarquillés qui se présente la tête haute face aux immenses portes de l’Université de Princeton, l’une des plus prestigieuses écoles des États-Unis. Après avoir quitté une première fois l’université, le rappeur sous les traits de sa mascotte semble prêt à donner une seconde chance à l’apprentissage institutionnel. A la fin de son cursus dans les plus hautes sphères formatrices des États-Unis, va-t-il changer d’avis ?

Bien sûr que non ! Dans le livret du projet, on y découvre l’alter ego anthropomorphe de Kanye habillé en jean, cravate rayée, veste Ivy League et sac à dos Vuitton. Il se promène la mine déconfite dans les amphis vides de la grande école. Au fil de son exploration, se retrouve à feuilleter les nombreux livres de la bibliothèque, mais ne semble pas convaincu par ce qu’il lit. Il repart finalement bredouille et le cœur lourd, affligé de ne pas avoir trouvé la connaissance qu’il était venu chercher. En plus de montrer qu’il souhaite définitivement faire bande à part dans ce foutu rap game, Kanye West sous les traits d’un mignon petit ours brun vient mettre une nouvelle gifle en pleine face du système scolaire américain. 

Mais sa tristesse sera de courte durée puisque la fin de son histoire nous montre que c’est bien lui qui avait raison. C’est en tout cas ce que confirme la pochette (et le succès) de l’album Graduation. Celle-ci est digne des plus grands films d’animation japonais. Rien de plus normal quand on sait que celle-ci a été designée par nul autre que Takashi Murakami, le « Andy Warhol japonais » et chef de file du mouvement Superflat, cette forme d’art contemporain inspirée par le manga et la pop culture japonaise.

Au travers une scène à la fois vibrante et fantaisiste, on retrouve notre ami pelucheux envoyé dans l’atmosphère comme une fusée, propulsé une fois son diplôme en poche vers un avenir radieux. Seulement voilà, puisque le bougre est vraisemblablement trop cool pour l’école dite « classique », il a finalement préféré suivre sa propre voie en s’inscrivant dans une université fictive habilement surnommée « Universe City ». Cette école visiblement située quelque part dans le ciel, dans un lieu que le commun des mortels ne peut vraisemblablement pas atteindre, montre bien que Kanye West, en ayant suivi son instinct créatif, a fini en avance sur son temps jusqu’à se hisser au-dessus de toute concurrence.

En ce qui concerne notre ours en peluche favori, ce n’est pas seulement le booklet de l’album qui nous conte ses dernières péripéties universitaires, mais aussi le clip de Good Morning, titre qui ouvre le projet. Ce visuel réalisé une fois de plus par Murakami reste fidèle à l’esthétique du Japonais en mélangeant habilement la japanimation et un style plus réaliste. C’est la première fois que les aventures de Dropout Bear sont mises en scène en vidéo. Elle nous raconte comment la mascotte a obtenu son « bachelor of hip hop music », le diplôme qu’il convoitait tant, en dépit des obstacles qui se dressaient devant lui.

Une bonne fois pour toutes, on comprend que le parcours scolaire semé d’embûches du Dropout Bear est une métaphore du combat qu’a dû mener Kanye West pour sortir des carcans de l’industrie musicale et faire accepter sa vision artistique au monde. Si le destin de notre ami à poil vient lui mettre des bâtons dans les roues, à la fin, tout est bien qui finit bien. Il se sort in extremis de la tempête, pousse les portes de l’université et arrive à temps pour toucher le Graal et recevoir son précieux diplôme. Cela bien sûr sous les applaudissements de tous ses camarades qui après l’avoir pendant longtemps pointé du doigt, n’ont eu d’autres choix que de s’incliner et reconnaître son talent.

Évidemment, puisque Kanye était un visionnaire qui avait tout prévu de son succès, une fois les sommets atteints, l’ours kawaii finit par s’enorgueillir jusqu’à progressivement devenir le miroir du rappeur mégalo que l’on connaît tous. Exit la veste universitaire de Late Registration, il adopte désormais un style bien plus faste en signe de sa réussite : teddy, jean, sneakers de marque, lunettes shuter-shade et le crucifix en or qui va bien. Ce cher Dropout Bear illustre désormais l’auto-glorification du rappeur, qui indique clairement qu’à ses yeux, son album Graduation l’a mené à un niveau bien au-dessus de celui de ses homologues. Un niveau si haut qu’il n’a pas peur de s’autoproclamer parmi les meilleurs artistes du monde. 

La fin d’une époque

Après l’obtention de son diplôme, et donc à la fin de la trilogie universitaire de Kanye West, le Dropout Bear est rarement, voire quasiment jamais réapparu dans l’univers visuel du rappeur. Du moins pas officiellement. C’est souvent à ce moment-là que la planète rap marque la rupture entre le Old Kanye des premières années et le New Kanye que l’on connaît aujourd’hui. Bien que l’artiste semble être définitivement passé à autre chose, il a prouvé qu’il n’avait jamais oublié ses racines. En effet, après leur collaboration sur Graduation, Mr. West et Murakami San ont décidé de ressusciter le Dropout Bear dans l’imagerie de l’album commun entre Yeezy et Kid Cudi, Kids See Ghosts.

Une résurrection de courte durée puisque les deux artistes ont malheureusement mis une fin définitive à leur bromance plus tôt cette année. La seule esquisse restante de leur duo remonte au 26 juin 2020, lorsqu’ils dévoilaient une bande-annonce de la série animée Kids See Ghosts, censée initialement accompagner la sortie de leur projet en 2018. Elle présentait les aventures du Dropout Bear, rebaptisé pour l’occasion le « Kanye Bear » et de l’alter ego canidé de Kid Cudi, le Kid Fox. Les deux devaient faire face à leurs démons personnels. C’était prometteur sur le papier, mais la rupture actée entre les deux amis d’hier a entraîné l’annulation pure et simple du show.

Si nous sommes aujourd’hui quasi sûrs de ne plus jamais revoir le Dropout Bear, celui-ci est bel et bien devenu avec le temps une véritable icône de la pop culture. C’est bien simple, la mascotte est non seulement indissociable de l’œuvre et la personnalité du rappeur lui-même, mais demeure aujourd’hui un véritable produit marketing. Non content d’être un personnage à part entière du Kanye West Universe et d’avoir sa propre page sur le Wikipédia de la communauté Fury, l’ourson mégalo fait aujourd’hui l’objet d’une multitude de produits dérivés : peluches, chaussures, vêtements, goodies, affiches et même des NFT’s, il est tout simplement partout. 

Preuve supplémentaire que l’aura de l’ours est immortelle, son costume original de 2004, celui porté par Kanye West sur la pochette de The College Dropout a carrément été mis en vente fin 2021, au prix complètement fou d’un million de dollars. Entre temps, Ye a perdu son âme d’enfant au point même de s’être perdu lui-même diront certains. C’est triste, mais quand bien même le « Old Kanye » n’existe plus, le Dropout Bear lui restera à jamais dans les têtes, comme les gravures de certains sur les bancs de l’université.

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