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Gueule d’Ange, le rookie à la croisée de deux univers

Gueule d’Ange, le rookie à la croisée de deux univers

Le rappeur de 23 ans a sorti son premier projet, Train de vie, il y a un peu plus d’une semaine. Un EP de neuf titres, avec trois featurings : Heuss l’Enfoiré, Leto et Mac Tyer. Gueule d’Ange, dont le surnom trouve son origine chez Michael Scofield, célèbre personnage de la série Prison Break, fait une entrée remarquable dans le game avec un mélange surprenant d’ingrédients qui accouche d’une recette qui détonne. Son style musical particulier, ses influences, son parcours et sa vision d’avenir ont poussé Booska-P à le rencontrer.

Un destin lié au rap

Pour comprendre la musique de Gueule d’Ange, il faut remonter à son enfance et saisir ses premiers contacts avec. Très jeune, il est guidé par son père : « J‘écoutais ce que lui écoutait, c’est-à-dire NTM et IAM principalement. » De belles références pour commencer, pour un garçon qui a grandi au début des années 2000. Alors qu’il erre entre Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et sa porte francilienne, il forge sa personnalité et remarque que « la mentalité de la banlieue, ce n’est pas la même que celle de Paris. Chez nous, chacun a le cœur sur la main mais chacun peut sortir les crocs s’il faut. C’est cette mentalité qui me définit et qui définit ma musique. On est beaucoup entre nous, on est en meute. Dans mon entourage, ce n’est que des frères, pas de nouveaux amis. » Un état d’esprit parfaitement illustré par la phrase qui ouvre son EP : « J’traine avec les mêmes acolytes depuis minot. »

Et ce sont ces « acolytes » qui vont pousser Gueule d’Ange à rapper sérieusement, alors que, pour lui, « au départ, c’était de l’amusement. J’avais 14-15 ans et j’allais au studio sans vraiment savoir ce que ça allait donner. J’aimais bien ça. Mais je m’y suis vraiment mis il y a deux ans, depuis que j’ai 21 ans, grâce à mes proches. Ils m’ont poussé parce qu’ils aimaient bien ma musique ». Son entourage, qui est notamment composé de rappeurs déjà confirmés et sur le devant la scène, dont ceux présents sur son EP : « Ce sont des connexions de rue, hors musique. C’était naturel de collaborer avec Mac Tyer, Leto et Heuss, c’est la famille. C’était un plaisir de faire ces sons. »

Leto, avec qui il a déjà collaboré sur Champagne et En Pétard et qui apparait dans plusieurs de ses clips, a joué un rôle prépondérant dans le début de carrière de Gueule d’Ange : « Leto c’est mon ami d’enfance et il fait partie des personnes qui m’ont poussé à faire de la musique. » Mais c’est un événement particulier qui va lancer notre bonhomme dans le grand bain. En 2020, le rappeur du 17e l’invite à son Planète Rap et provoque un « petit déclic » chez Gueule d’Ange. « Le lendemain, j’ai tourné un clip et dans la foulée, j’ai créé une chaine YouTube. A ce moment-là, j’allais au studio mais juste pour moi. Et quand j’ai vu Leto, je me suis dit « vas-y, pourquoi pas moi ? » Ça m’a motivé » avoue-t-il. Ni une, ni deux, Gueule d’Ange se met au travail et laisse parler ses inspirations.

Des influences diverses, un style bien particulier

La musique de Gueule d’Ange, c’est (en partie, pas totalement) des lyrics crues, qui dépeignent son quotidien au sein de la cité Arrago posées sur des prods aux sonorités house. Son style, il le caractérise mieux que personne : « On rappe la rue sur de la house. » Clair, net et précis. Une fois libéré du joug culturel du paternel, Gueule d’Ange se créé ses propres références, contemporaines à son époque comme Rohff, Booba, Sinik, Diam’s ou le 113. Mais il tombe aussi dans le chaudron de la house, genre musical qu’il rencontre « en vacances ou en trainant sur Paris, pendant des soirées ». Rapidement, il accroche : « Les deux styles me plaisent autant. Pour créer ma musique, j’ai fait un mix de tout ça. »

Et le rappeur a très vite défini sa direction artistique : « Dès mes 15-16 ans, j’ai su que c’était ça que je voulais faire. Je cherchais déjà des type beats house sur YouTube. J’avais déjà trouvé ma direction artistique.» Pourtant, ce n’est que bien plus tard, et avec l’appui de son cercle amical comme évoqué plus haut, qu’il se lance. « Au début, c’était compliqué de trouver des prods se remémore-t-il. Aujourd’hui, je travaille beaucoup avec Zeg P (compositeur de Khapta et de Fade Up notamment n.d.l.r). Avec le temps, les gens écoutent ta musique, ils apprécient et ils s’adaptent. »

Car Gueule d’Ange en est persuadé. Pour lui, ce style musical, va perdurer : « Drake vient de sortir un projet avec pas mal de sons house dedans. C’est une hype qui arrive et on en reparlera dans un ou deux ans, ça va se développer. Comme la drill a été une hype qui est arrivée. » Toujours au fait de ce qui se produit sur la scène house, l’artiste a ses préférences, notamment Calvin Harris et Tchami. Pour lui, « une collaboration avec ces artistes, ce serait du lourd ».

Mais l’artiste, plein d’ambitions, ne compte pas se réduire à une seule façon de faire de la musique : « Mon délire, c’est la house. J’aime bien l’ambiance, ce que ça propose. Mais il faut toujours faire un petit son ou deux en plus. Un petit son mélancolique, un son rappé. Il en faut pour tout le monde. » Et c’est comme cela qu’il a pensé son premier EP.

Faire de la musique sans chercher le buzz

Placer Semaine, un son introspectif, aux sonorités plus sombres et porteur d’un message, en introduction du projet n’est pas un choix anodin : « J’ai fait exprès pour montrer que je ne fais pas que des sons house, que je sais aussi faire des sons mélancoliques. C’est un son dans lequel j’exprime beaucoup de regrets explique Gueule d’Ange. Pour la direction artistique, il fallait en faire un, on a estimé que c’était le juste milieu. On a pensé l’EP comme une carte de visite, pour montrer un peu ce que je vaux. Il correspond à mon style et je l’assume. » Mais ce style, Gueule d’Ange ne veut pas s’y empêtrer et il est catégorique : « Je ne sais pas si je veux perdurer dans ça mais, en tout cas, je veux marquer le coup. La drill, la trap, ce n’est pas trop mon truc. »

Et face aux potentielles critiques, il ne tangue pas et pense que « si les puristes ne sont pas contents, ils vont écouter du vrai rap, si, pour eux, ce que je fais, ça n’en est pas. Quand je veux montrer que je sais rapper je le montre comme avec les petites séries de freestyles comme Los Santos ». Gueule d’Ange réfléchit sa musique, non pas pour plaire à tout le monde, mais pour toucher le plus possible. Exemple parfait avec Mi Amor, un morceau dont la phrase de refrain « Je l’aime à mort mais je me sens privé d’elle » est polysémique : « Je parle de la liberté. Mais ceux qui sont amoureux vont le percevoir comme si je parlais d’une femme. Ils vont kiffer le son et vont penser à leur meuf. Chacun perçoit le message comme il veut. Je laisse beaucoup de liberté à l’interprétation, comme ça chacun kiff à sa sauce. »

Son objectif est de parler à tout le monde pour pouvoir perdurer dans la musique mais sans tomber dans ses méandres. Pour l’artiste, « la musique, c’est une alternative. Je ne recherche pas le buzz. Je sais qu’il y a de l’argent à prendre donc je le prends. Je ne fais pas de la musique pour la gloire mais quand t’en fais, le buzz va avec. Dans le rap, je vise rien de particulier, je cherche juste à m’en sortir ». Une vision d’avenir très claire et définie. Mais cet avenir, Gueule d’Ange le prépare dès maintenant, avec Train de vie : « Mon EP, c’est une carte de visite, je n’en attends rien de particulier. On va travailler dur pour la suite. Je n’ai pas spécialement d’objectif de ventes, je veux juste que les gens écoutent, découvrent ma musique et comprennent mon délire. »

Train de vie, disponible depuis vendredi dernier, est effectivement une belle façon de comprendre le délire de Gueule d’Ange. Avant, très probablement, un premier album. « J’aimerais le sortir dans les six mois qui arrivent » affirme l’artiste, toujours aussi sur de la trajectoire qu’il veut emprunter.

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