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Driver raconte 30 ans de rap français dans J’étais là : les meilleurs passages !

Driver raconte 30 ans de rap français dans J’étais là : les meilleurs passages !

« Aïe aïe aïe, aïe aïe aïe », devinez qui a sorti son bouquin ?

Driver a donc enfin écrit son livre, J’étais là.

Pour qui écoute du rap depuis les années 90, il aurait tout aussi bien pu l’intituler J’ai toujours été là tant le bonhomme dégage cette impression de faire partie des meubles.

Frédéric Dingong Eboa Tocko à la ville, maire de Sarcelles sur scène, il est depuis le départ ce personnage débonnaire qui, sans nécessairement squatter les premières places, a réussi à tracer son sillon dans le milieu.

Rappeur ami des dames à ses débuts (là où le sujet n’en était pas un dans l’Hexagone), il est aujourd’hui plus connu par la jeune génération pour être ce podcasteur/présentateur/chroniqueur/youtubeur qui transmet sa passion avec passion (Roule avec Driver, La Récré…).

Entre les deux, il a vécu mille vies.

Paris, Los Angeles, l’émergence du rap tricolore, le faste des majors à la grande époque du CD, la dèche dans l’industrie dans les années 2000, la west coast française, les plateaux télé, les plateaux ciné… il dévoile 299 pages durant les coulisses d’un parcours unique en son genre, le tout ponctué d’innombrables anecdotes et rencontres.

Accompagné dans sa tâche par French Montana le journaliste Ismaël Mereghetti (Mouv’, Le Parisien, Booska-p, le podcast Gimmic….), Driver, 45 ans, participe ainsi à archiver encore un peu plus l’histoire du mouvement.

Pour 19 balles et deux, trois heures de lecture, J’étais là vaut donc largement le coup. La preuve avec ces quelques extraits qui devraient vous donner envie d’en savoir plus.

Quand il s’est fait traiter de « baltringue » par son avocat

Dans la seconde partie de la décennie 90, le rap a beau être à des années lumières de s’imaginer remporter un jour la bataille culturelle, les maisons de disques sentent toutefois qu’elles ont un coup à jouer.

C’est la période où « les n*gros n’arrêtent pas de signer » pour reprendre les mots de Booba dans La Lettre.

Pour Driver, les choses se passent un peu plus lentement. D’une part, parce qu’il choisit de ne s’affilier ni au Secteur Ä (l’exemple Warren G aux States lui a servi de leçon), ni à Time Bomb (il veut rapper pour les filles) ; et de l’autre, parce que son duo de managers n’est pas franchement des plus crédibles – les gonzes se pointent à ses rendez-vous d’affaires avec pitbull et dogue argentin !

Et quand vient son heure, plutôt que de se jeter dans la gueule du loup Polydor, il a la présence d’esprit de soumettre l’offre qui lui est faite à un avocat, Maître Schmidt.

Bien lui en a pris puisqu’à la lecture du contrat, ce « vieux monsieur aux cheveux gris » lui balance tout de go : « Si vous signez ça, vous êtes des grosses baltringues. »

Détail qui n’en est pas un, les pourcentages d’abattement, une somme que la maison de disques récupère a posteriori (et avec de confortables intérêts), sont beaucoup trop élevés.

Dit comme ça, cela peut paraître insignifiant, surtout pour un jeune artiste pressé de se faire entendre. En réalité, c’est le genre de subterfuge longtemps utilisé par les majors requins pour « faire passer les artistes à côté de leur fortune ».

Merci Maître Schmidt.

Quand il a refusé un sponsoring avec Phat Farm

Si aujourd’hui le rap a tellement gagné que chacun écoute son rap, dans les années 90 les codes n’étaient pas les mêmes : il y avait ceux qui écoutaient du rap, et puis tous les autres.

Et parmi ceux qui écoutaient du rap, la seule distinction se faisait entre ceux qui écoutaient du rap français et ceux qui écoutaient du rap américain.

Si les seconds n’étaient pas toujours vus d’un très bon œil par les premiers (et vice-versa), leur cas s’aggravaient d’autant plus s’ils importaient les codes vestimentaires venus d’outre-Atlantique.

Et à Sarcelles peut-être encore plus qu’ailleurs où les adeptes du baggy et des grosses baskets se faisaient surnommer sans sommation les « squales ».

Par malheur, dans le clip de son premier tube Pardonne-moi, Driver a eu l’outrecuidance d’arborer un polo Phat Farm.

Appâté par le succès du single, la marque du mogul Russell Simons l’approche via sa maison de disques pour discuter d’une collaboration.

Sauf que bon, un peu « honteux » aux yeux de ses lascars, Driver ne donne pas suite au motif que « l’honneur au quartier prime avant tout ».

Quand tout Sarcelles a débarqué sur le tournage de son clip

À une époque où pour clipper un morceau il fallait que ce dernier passe en rotation sur la FM, Driver décroche in extremis son ticket grâce à Fun Radio qui décide jouer le deuxième extrait de son album Le grand schelem, Aïe aïe aïe (Le petit doigt en l’air).

Après avoir tourné non sans difficulté la première partie (le réalisateur a percuté une personne âgée avec la Rolls-Royce louée pour l’occasion), vient le moment de tourner la seconde, celle où filles et garçons dansent ensemble dans une ambiance festive.

En charge de ramener une trentaine de mecs du quartier pour assurer la figuration, Driver rameute malgré lui près de deux cents lascars qui arrivent en équipe

Le choc des cultures n’était qu’une question de temps.

Avant même que le tournage ne débute, la plupart des filles quittent les lieux, outrées par leur manque de bonnes manières (« Les mecs de Sarcelles c’est des gros chacals » dans le texte). Le matériel est dégradé, une baston d’extincteurs éclate, des types restent planqués dans le studio pour essayer de serrer les danseuses…

Miracle du montage, rien de tout ça ne se voit à l’écran.

Quand il a été victime d’un faux kidnapping

Bon, là ça commence à être un peu surréaliste.

Désireux de débaucher une ricaine sur son deuxième album, Driver jette son dévolu sur la divine vixen Gloria Velez (son ensemble blanc dans le clip de Big Pimpin’ à jamais dans les cœurs) qui vient tout juste de signer chez Cash Money en tant que rappeuse.

Une fois à New-York, patatras, Miss Glo’ refuse de poser. Elle n’a pas reçu les 10 000 dollars promis pour sa prestation.

Manque de bol, côté français, le virement a bien été fait, mais l’un des numéros de son compte a été mal noté, et la maison de disque refuse de renvoyer cette somme avant d’avoir récupéré ses billes.

C’est alors que son beatmaker Ty Fyffe est frappé d’un éclair de génie : pourquoi ne pas faire croire à Paris qu’ils retiennent Driver otage tant qu’ils n’ont pas reçu l’oseille ?

Emballé par le plan, Driver joue le jeu (et la comédie) au téléphone.

L’argent du feat arrive… ainsi qu’une rallonge de 10 000 francs pour le dédommager !

Sympa, notre Frenchie s’en sert le soir même, claquant quelques bouteilles en boîte avec ses « ravisseurs ».

Quand il est tombé nez-à-nez avec Suge Knight

Accroc à Los Angeles, Driver arpente avec délectation ses soirées, et ce, d’autant plus que niveau business, c’est là que ça se passe.

Un peu mytho, un peu mondain (comme tout le monde dans ce genre d’ambiance où seul le paraître compte), il tombe en club sur un type qui ne fait pas semblant : l’ancien taulier de Death Row, le label le plus criminel de l’histoire du rap.

Fraîchement sorti de prison après avoir été accusé d’avoir tabassé sa compagne et brandi un couteau dans un strip club, Suge Knight passe du bon temps en compagnie de sa nouvelle garde rapprochée, des chicanos débauchés chez les gangs mexicains.

N’écoutant que le fan boy qui est en lui, Driver s’en va taper la discut’, non sans avoir dû auparavant demander l’autorisation à ses gars de lui adresser la parole.

Saoulé d’évoquer une énième fois les années Death Row, Knight le met dans le vent, jusqu’au moment où Driver évoque son ancien gang, les Mob Piru.

De là, la conversation se détend et le Thanos de la côte ouest lui offre même un verre.

Vingt minutes plus tard, l’échange prend fin sur ces belles paroles : « Dis aux jeunes des quartiers en France que la violence ce n’est pas bien… Naah, je déconne. J’aime trop ça ! »

Mais quelle vie !

J’étais là est paru le 25 mars dernier chez les indés Faces Cachées Édition.

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