« Engagement sur les réseaux sociaux », « fidéliser une communauté », « buzz »… en 2024, les artistes et leurs équipes doivent savoir manier ces termes, et construire des stratégies de communication au plus proche de leur fanbase. Les rappeurs font de plus en plus participer leur communauté à leur processus créatif. Alors stratégie commerciale ou vraie volonté de partage ?
Le Covid et TikTok ont transformé les manières de communiquer avec les fans
Envoyer un dm à Shay, créer la cover de Jul, faire un feat sur TikTok avec SDM, créer un morceau sur Twitch avec Danyl, on n’a jamais été aussi proche de nos artistes préférés. Les réseaux sociaux ont transformé les manières d’échanger entre fans et artistes. Particulièrement depuis que les rappeurs et rappeuses sont leur propre promoteur sur les réseaux sociaux, et que « percer » semble être à la portée de tous. Savoir fidéliser et faire grandir sa communauté est un vrai travail devenu essentiel à la promotion des artistes. TikTok est devenu un réseau indispensable pour se faire connaître rapidement d’un large public. SDM, a par exemple lancé un concours pour faire gagner 10 000 euros à la personne qui fera le meilleur feat avec son couplet sur l’application. Sous leurs airs d’« échanges de bons procédés”, cette visibilité gratuite est peut-être la nouvelle recette du succès commercial.
Au-delà des réseaux sociaux qui ont lancé une nouvelle ère de la communication et de l’auto-promo, la période du Covid a, elle aussi, été crucial. Privés de concert pendant le confinement, les artistes ont dû se renouveler et trouver de nouvelles manières pour partager leur musique. Les lives sur Instagram et sur Twitch se sont multipliés, et sont aujourd’hui devenus courant, permettant aux internautes de ressentir de plus en plus de proximité. Beaucoup de jeunes artistes l’ont compris et construisent une communauté grâce aux lives sur TikTok et Twitch, en créant leur musique en direct. Du plus petit au plus gros, les artistes tentent tous de tirer leur épingle de ce jeu dont on ne connaît pas vraiment les règles. C’est la course à la viralité pour garder leur base fan active et réactive à chaque nouvelle sortie. PLK et Jul sont les plus gros exemples de collaborations entre artistes et fans.
Jul : « En claquette dans la zone (il fait) chanter tout le Vélodrome, dans (sa) ville (sa) voix résonne »
Le roi de la collaboration n’est nul autre que le rappeur marseillais, Jul. Avec les projets 13 Organisé et Le Classico organisé, il est reconnu comme l’artiste fédérateur du game. Collaborer avec ses fans fait aussi partie de son ADN. La cover de son album, C’est quand qu’il s’éteint ?, sorti en juin dernier, (certifié disque d’or en seulement dix jours) avait appelé ses fans à proposer des covers, et a demandé à toutes les personnes qui le suivent, de voter pour la cover finale en commentaires (pas celle que j’avais choisie malheureusement).
Il avait déjà demandé, en 2020, à des graphistes parmi sa communauté, de réaliser les pochettes des albums La Machine et Loin du monde. Ces graphistes ont-ils été payés en visibilité ? Toujours est-il que ces initiatives renforcent l’ADN fédérateur de Jul, et l’engagement sur ses réseaux sociaux, grâce aux commentaires, partages et likes.
L’un des plus gros vendeurs de sa génération n’était pas à son coup d’essai. Lors de son concert au Vélodrome de Marseille en 2022, il a créé un titre en live avec les chants du public : « J’ai envie de faire une instru en live avec vous, et j’ai même envie de prendre vos voix et de les mettre après sur l’instru » a-t-il lancé devant son ordinateur installé sur scène pour l’occasion. Quelques mois plus tard, il a sorti le morceau et le clip avec des images du concert et du public en feu. Impossible de connaître les retombées en termes de chiffres de ventes et d’activité sur les réseaux sociaux, mais cette surprise que Jul a fait vivre à son public en live en a fait un concert historique. Mais le J ne prend pas la grosse tête : « Je fais un feat avec ma team ah ah ah, chez nous il n’y a pas de star, va là-bas ! »
PLK : construire un projet avec ses fans, du studio à la post-production
Pour la première fois, la collaboration a été poussée encore plus loin par le rappeur PLK dans son EP, 2069‘, sorti en avril dernier et créé entièrement avec ses fans. Le rappeur du 92 avait déjà réalisé, quelques mois avant l’annonce de cet EP collaboratif, un morceau en direct avec ses abonnés sur Instagram. Le projet ? Faire participer ses fans à toutes les étapes de la création d’un album, du studio à la post-production, du stagiaire au « boss », dans un label virtuel. Sur X (anciennement Twitter), il avait annoncé : « Je vais vous ouvrir la porte de mon studio et en tant qu’employés de Enna Music vous allez bosser avec moi sur tous les aspects : artistique, image, stratégie… On se lance dans une aventure qui n’a jamais été tentée, bienvenue chez Enna Music. » Aucun détail n’a été laissé au hasard car même le titre de l’EP, 2069‘, fait référence au nombre de minutes passées avec ses fans à créer le projet.
Faire du son en live sur insta avec vous ça me fait kiffer depuis toujours, donc on a décidé de pousser le délire…
Dans 48h on va commencer à travailler sur un EP ensemble. Je vais vous ouvrir la porte de mon studio et en tant qu’employés de Enna Music vous allez bosser avec moi pic.twitter.com/URUHx6U6ED— PLK Chambre 140 (@PLK75) January 9, 2023
Évidemment, participer à la création d’un EP d’un rappeur certifié disque d’or et disque de platine, ça a un prix. Ceux qu’il appelle ses « employés »ne sont pas des employés comme les autres. Au lieu d’être payés pour travailler à la création de cet EP, ils ont payé pour y participer. L’accès aux livestreams de PLK commençait à 4,99 euros pour le rôle de stagiaire, jusqu’à 34,99 euros pour jouer un rôle d’employé dans le label. Pour devenir un « boss » les enchères sont montées à plus de 2000 euros… un rôle qui permettait de toucher 0,5 % des sommes générées par le streaming de 2069‘. Les chiffres de cet EP collaboratif prouvent qu’investir sur l’implication des fans – prêts à payer pour participer à la construction d’un projet – est un pari gagnant. Les retombées financières ne se sont pas fait attendre pour PLK : cet EP est devenu à ce jour le projet court le plus rapidement certifié disque d’or en France.
Ces collaborations entre artistes et fans sont une réponse à une demande de plus en plus importante de transparence et de proximité du public. Les réseaux sociaux entretiennent ce rêve de proximité, en mettant à jour de nouvelles fonctionnalités. Instagram a par exemple ouvert les canaux de discussion, qui permettent aux artistes d’envoyer des messages en dm à ceux qui les suivent. Et encore une fois, c’est le J qui a su saisir cette nouvelle possibilité le plus rapidement en diffusant à ses fans un son en exclusivité. Plus de 100 000 votes plus tard, en faveur de la sortie de ce nouveau hit Ha Ha Ha, le rappeur marseillais l’a posté sur sa chaîne YouTube. Avec l’ajout de Soso Maness, SCH, quelques blagues et maladresses plus tard, le rappeur avait gagné 175 000 nouveaux abonnés sur Instagram. Plateformes comme artistes, tous cherchent de nouveaux concepts pour fidéliser une communauté qui va consommer. En engagements, en vues, en followers, en streams, en places de concert, la proximité avec le public, ça paye !
Hier Jul a gagné 175 000 abonnés Instagram 🤯
Suite à l’ouverture de son canal un ÉNORME engouement s’est vite créé
Le nombre total d’abonnés est passé de 3.6M à 3.8M pic.twitter.com/GIpXD8Ykgh
— VENTES JUL (@ventes_jul) July 27, 2023
