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Flics ou voyous, à la frontière du crime

Flics ou voyous, à la frontière du crime

A l’occasion de la sortie en DVD de « Frères Ennemis », retour sur ces films dans lesquels la frontière entre crime et justice est floue…

Après avoir réussi un nombre incalculable d’exploits dans le monde du rap ces deux dernières années, Fianso semble aujourd’hui promis à un bel avenir au cinéma. De plus en plus sollicité par les réalisateurs, il pourrait devenir au cours des prochaines années l’un des acteurs majeurs de la nouvelle génération. On se souviendra alors peut-être qu’entre deux apparitions fugaces, son premier rôle véritablement concret aura été celui de Fouad dans le film Frères Ennemis. Présenté l’an dernier à la Mostra de Venise, ce film raconte l’histoire commune d’un trafiquant de drogues et d’un policier de la brigade des stups, opposés par leurs activités, mais réunis par une très longue amitié. Evidemment et sans spoiler, la situation est loin d’être aussi manichéenne, et le flic va rapidement être tiraillé entre son intégrité et l’amour qu’il porte à son ami d’enfance.

La question du bon flic et du mauvais flic est un thème récurrent du septième art. Parfois totalement corrompu, parfois en proie au doute, la frontière entre légalité et abus de pouvoir est généralement très ténue, et permet de poser des personnages à la psychologie très travaillée -ou au contraire, de dépeindre des figures volontairement caricaturales de bons gros méchants pourris jusqu’à l’os. On embarque donc pour un tour de la galerie des ripoux les plus emblématiques du cinéma et de la télévision.

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Le ripou ultime : Vic Mackey

Boss de la Strike Team et ripou par excellence, Vic Mackey est le personnage le plus emblématique d’une série devenue légendaire, The Shield. S’il est réellement efficace dans son métier de flic, en résolvant plus d’enquêtes que la moyenne des inspecteurs de Los Angeles, il doit surtout sa réussite à ses méthodes très expéditives : un bon gros tabassage en règle est forcément plus efficace pour obtenir des aveux qu’un interrogatoire classique avec témoins de moralité et présence d’avocat. En plus d’être très peu regardant sur les limites à ne pas franchir dans son métier, Vic flirte également beaucoup avec le crime, et hésite rarement à passer du côté obscure. Meurtre de policier, braquage de convoi, trafic de drogue : il existe en réalité très peu de vices dans lesquels le crâne chauve le plus célèbre du petit écran ne trempe pas.

Les ripoux frenchies : Philippe Noiret et Thierry Lhermitte

Gros succès populaire et critique au milieu des années 80, avec 6 millions d’entrées et 3 Césars, Les Ripoux met en scène les mésaventures de deux fonctionnaires de police français interprétés par Philippe Noiret et Thierry Lhermitte. Le premier représente le policier corrompu dont les journées sont rythmées par les encaissements de pots-de-vin, tandis que le second est la figure du commissaire intègre et incorruptible, dont les principes vont petit à petit être mis à mal, et vont petit à petit glisser hors de la légalité. Suite à son succès, Les Ripoux deviendra une trilogie, avec Ripoux contre Ripoux et Ripoux 3 en 2003, dans lequel Laurent Deutsch prend la succession ses illustres ainés.

Le flic le plus détraqué : Killer Joe

Interprété par Matthew McConaughey, le personnage de Killer Joe, qui donne son nom au film, est un inspecteur de police flirtant avec le crime, engagé par un petit délinquant minable pour assassiner sa propre mère et empocher l’assurance-vie. Evidemment, tout n’est pas si simple, et Killer Joe prend rapidement beaucoup plus d’importance que ce petit rôle de tueur à gages qu’on a voulu lui confier. Film barré flirtant avec les limites morales, Killer Joe est aussi le récit de la relation entre un flic quarantenaire et une mineure simple d’esprit, et une vision toute nouvelle de la manière de consommer les pilons de poulet. Si le personnage grandiosement interprété par Matthew McConaughey est un bel enfoiré, on ressort du film en se posant la question : entre le flic meurtrier et ses concitoyens aussi mauvais que stupides, lequel est le plus néfaste pour la société ?

Le mafieux infiltré dans la police : Colin Sullivan (Les Infiltrés)

Un cas assez particulier, puisqu’on n’est pas face au profil classique du policier qui se laisse tenter par les écarts à sa mission et les abus de pouvoir, mais face à un véritable malfrat, mandaté par son organisation criminelle pour passer tous les concours et entrer dans les forces de l’ordre, afin de déjouer de l’intérieur les plans qui pourraient nuire à sa famille mafieuse. Joué par Matt Damon, ce vrai-faux policier est tout à fait intègre en apparence, et pourrait même passer pour l’un des officiers les plus sérieux de son service, s’il n’était pas un agent ennemi sous couverture.

Le ripou oscarisé : Alonzo Harris (Training Day)

Plus proche de Vic Mackey que de Vincent Hanna, le personnage d’Alonzo Harris est vu dans un premier temps comme un véritable héros, une figure quasiment starifiée au sein de la police de Los Angeles. On se rend cependant compte au fur et à mesure du film que ses méthodes sont loin d’être respectables, et surtout, que ses intentions sont tout sauf bonnes. En plus de faire régner la justice dans les rues « à sa manière », c’est-à-dire en brutalisant les suspects, Alonzo Harris vole les dealers, tue ses indicateurs quand ils deviennent trop gênants, et corrompt ses supérieurs. Denzel Washington remporte l’Oscar du meilleur acteur pour ce rôle, l’un des plus marquants de sa carrière.

Le flic intègre en proie au doute : Driss (Frères Ennemis)

D’un côté, Driss, policier promu capitaine à la brigade des Stups. De l’autre, son ami d’enfance, Manuel, chef d’un réseau de trafic de drogues. Le premier est partagé entre une vieille culpabilité qui le pousse à protéger coûte que coûte son ami, et ses idéaux de flic ayant grandi en banlieue et connaissant trop bien les conséquences de mauvais choix de vie. Superbement interprété par Reda Kateb, Driss constitue l’un des personnages de policier les plus complexes écrits par le cinéma français ces dernières années. Présenté à la Mostra de Venise en 2018, Frères Ennemis a été un joli succès critique.

Le flic intègre entouré de ripoux : Serpico

Coïncidence ou non, Al Pacino a interprété de nombreux rôles liés à la question des limites floues entre flics et voyous : dans Le Parrain, son personnage de Michael Corleone est tabassé par le Capitaine McCluskey, haut-gradé corrompu ; dans Insomnia, il est lui-même un inspecteur coupable d’une bavure totalement involontaire sur son partenaire ; dans La Loi et l’Ordre, il enquête sur un flic tueur … Son rôle le plus marquant sur cette thématique est peut-être celui de Frank Serpico. Dans ce film tiré d’une histoire vraie, Al Pacino incarne un jeune policier révolté par la corruption qui règne dans la police, déterminé à combattre et dénoncer ce système injuste. Salué par la critique, ce film de Sidney Lumet prouve qu’il n’y a pas que les histoires de mauvais flics qui peuvent séduire.

Les mauvais flics dépassés par les évènements : A.C.A.B

Film italien sorti en 2012 et salué par la critique internationale A.C.A.B (All Cops Are Bastards) raconte le quotidien de trois celerini -l’équivalent de nos CRS- face à des situations de violences urbaines souvent tendues : affrontements avec des ultras aux abords d’un stade, expulsions de familles, grèves, le tout sur fond de fascisme. Loin de nous faire le portrait de fonctionnaires mauvais uniquement car ils portent l’uniforme, comme ont pu le faire d’autres films plus caricaturaux, A.C.A.B dépeint une réalité sociale complexe, qui met les policiers dos au mur : mal payés, ne suscitant que la haine, sans aucune reconnaissance, en plus de vies de famille franchement peu reluisantes.

Le ripou caricatural : Sauveur Cristini dit « La Hyène » (Dobermann)

Loin d’être le personnage le plus subtil de la liste, La Hyène est un flic à l’image du film et de l’univers auquel il appartient : violent, barré, cocaïné, dégénéré et outrancier. Interprété par un Tchéky Karyo qui franchit toutes les limites, celui qui se révèle être l’antagoniste principal face au gang de braqueurs dirigé par Vincent Cassel est avant tout une caricature du flic bête et méchant, prêt à tout pour arriver à ses fins -on parle quand même d’un représentant de la loi capable de voler un bébé. Auteur de pas mal de punchlines, il a tout d’un méchant de dessin-animé, ne reculant devant rien, et n’hésitant jamais à faire de la violence son meilleur atout. On a longtemps parlé d’une potentielle suite à ce film très décrié au moment de sa sortie, mais l’idée semble aujourd’hui abandonnée.

Le ripou au bord du gouffre : Bad Lieutenant

Interprété par Harvey Keitel, alors toxicomane et alcoolique, ce personnage de flic pourri jusqu’à l’os raconte beaucoup plus que de simples histoires de corruption et d’abus de pouvoir, notamment en insistant sur l’ambivalence entre son mode de vie borderline et sa vie de famille rangée : il dépose chaque matin ses enfants à l’école, et tape un rail de coke dès qu’ils sont sortis de la voiture. Le gros de l’intrigue s’articule autour de l’enquête (inspirée d’une histoire vraie) sur le viol sordide d’une religieuse dans une église -son hymen a été rompu par un crucifix. Bad Lieutenant (dont on ne connaît pas le prénom) est avant tout une longue quête autour de la thématique de la rédemption et du péché, et l’un des films les plus importants de la carrière d’Abel Ferrara.

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