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Les techniques marketing des rappeurs qui ne coûtent pas un rond !

Les techniques marketing des rappeurs qui ne coûtent pas un rond !

No money ? No problem !

Quand il s’agit de faire preuve de débrouillardise, les rappeurs savent toujours répondre présents, que ce soit pour monter un label, créer une marque ou lancer un partenariat. Une fois dans le grand bain, le jeu ne s’arrête cependant pas pour autant, chacun se devant de redoubler d’efforts pour rester pertinent.

Si bénéficier d’un budget confortable permet à coup sûr de poursuivre sa carrière des plus sereinement, l’argent ne remplace cependant pas la créativité – bien au contraire.

Découvrez une quinzaine de techniques marketing qui en leur temps ont toutes porté leurs fruits, et ce sans que les principaux intéressés n’aient à débourser le moindre centime.

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Investir les nouveaux réseaux sociaux

Si en 2018 ne pas répondre présent sur le net relève de la faute professionnelle, en 2007 la chose était absolument novatrice. Et sur ce point, gloire doit être rendue à Soulja Boy (si, si) pour avoir été un précurseur en la matière, lui qui a bâti le succès de son mégahit Crank That grâce aux feux réseaux stars des années 00 MySpace, SoundClick et autres Bebo.

Plus proche de nous, au début de la décennie, le regretté A$AP Yams créé en quelques minutes un compte Tumblr afin de promotionner son collectif A$AP Mob. Plutôt que de se contenter d’en faire un simple fil d’actu, il se sert de RealNiggaTumblr pour attirer une audience qui dépasse le cadre des aficionados du crew en agrégeant différentes informations et photos sur l’histoire du rap, mais aussi sur le monde de l’art ou de la mode.

Hype toujours, quand Kevin ‘Caoch K’ Lee le boss de Quality Control Music perçoit tout le potentiel de Bad & Boujee des Migos, il décide de diffuser le futur hit de l’année 2017 sur SoundCloud avant même toute sortie officielle en single. L’idée est ici d’atteindre directement son cœur de cible, la plateforme audio orange étant la communauté la plus tendance auprès des jeunes générations

Enfin, et c’est peut-être le cas le plus emblématique, Snapchat serait-il devenu Snapchat sans DJ Khaled ? Quand en 2015 le roi de la playlist se filme smartphone en main perdu sur son jet ski dans les eaux troubles de Miami, la séquence atteint des sommets de viralité, chacune des deux parties gagnant en popularité.

Donner son numéro de téléphone

Dix ans après notre Doc Gynéco national qui intimait ses patientes de l’appeler au « trois-six-soixante-trois-soixante-trois-quarante » moyennant 2,23 francs la minute, en 2005 l’étoile filante Mike Jones balance son bigot, le (281) 330-8004, dans le premier couplet de son single Back Then.

L’artifice fera son effet puisque deux mois après sa sortie son premier album Who is Mike Jones? se verra certifié platine.

En revanche depuis ce tonitruant coup de pub, aucune nouvelle du emcee.

Se moquer de soi-même

Longtemps critiqué pour son homophobie la plus crasse, Eminem n’hésite pas lors de la cérémonie des MTV Movie Awards de 2014 à s’associer à Sacha Baron Cohen qui joue alors à plein-temps son rôle de Brüno, un journaliste de mode joyeusement gay.

Suspendu à un câble, l’acteur habillé pour l’occasion d’ailes d’ange et d’un string survole la foule avant de perdre de contrôle et de tomber la tête la première entre les jambes du rappeur, ce dernier se retrouvant nez-à-nez avec son postérieur. Le sketch alimentera les conversations pendant des semaines.

Autodérision toujours, comment ne pas mentionner Drake, alias l’homme mi-gif mi-mème qui jamais ne perd une occasion de donner du grain à moudre aux internets, que ce soit via ses pochettes l’albums que l’on dirait pensées dans le but d’être parodiées ou ses clips jouissifs à tous les degrés, Hotline Bling en tête.

Changer en permanence la tracklist de son album

La durée de vie des albums ayant tendance à se faire de plus en plus courte, quoi de mieux pour continuer de faire parler que de jouer au zinzin sur Twitter que de présenter au monde un projet en évolution constante ?

Pour son septième solo, Kanye West ne s’est ainsi pas contenté des figures imposées que sont en amont les reports de sorties et les changements de titres (So Help Me God, SWISH…), une fois The Life Of Pablo commercialisé il a continué de bosser dessus comme si de rien n’était l’inédit Saint Pablo est sorti de son chapeau, Wolves a vu ses invités Vic Mensa et Sia disparaître, les couplets de Famous ont été modifiés, un titre solo a échoué à Franck Ocean, une nouvelle version de 30 Hours a vu le jour…

Jouer sans retenue la carte de la controverse

Quand les N.W.A. reçoivent en aout 1989 une lettre signée de la main du directeur adjoint du FBI les enjoignant à y aller mollo sur la musique anti-flics, plutôt que de courber l’échine la bande à Eazy-E décide au contraire de rendre public cet avertissement, tout en profitant pour se renommer « le groupe le plus dangereux du monde ».

Dans un genre pas si éloigné, quand Ice-T et ses camarades de Body Count sortent le brûlot Cop Killer, l’album est livré par correspondance aux États-Unis dans des sacs mortuaires.

Pas mieux (ou pas pire, c’est selon), une édition limitée du classique The Fix de Scarface contenait un sachet similaire à ceux qui servent à empaqueter les doses individuelles d’héroïne.

S’inventer un personnage

Pas de vécu ? Pas de crédibilité de rue ? Pas de problème. Comme Rick Ross qui officia quelques années durant comme gardien de prison, n’hésitez pas à piquer votre pseudo de rappeur à une ancienne légende du crack game sans lui demander son avis, puis à partir de là, brodez à n’en plus finir des histoires aussi rocambolesques que cinématiques sur le trafic international de narcotiques, quitte à prétendre au passage connaître personnellement les plus grosses pointures du milieu telles « Pablo » ou « le vrai Noriega ».

Au final, peu importe que vous vous fassiez griller en flagrant délit ou que le principal intéressé vous intente un procès, ce qui compte c’est que votre musique soit des plus divertissantes.

Crasher un site de téléchargement

En 2011, en attendant la sortie de son album Ambition, Wale propose à ses fans une mixatpe gratuite, The Eleven One Eleven Theory.

Plutôt que de proposer le projet sur les plateformes de téléchargement traditionnelles, il envoie via Twitter sa communauté d’un million et quelques abonnés sur un site beaucoup plus confidentiel, Hulkshare.com.

Submergé par ce trafic nouveau, le site plante au bout de quelques heures… une information largement reprise dans la presse et sur les réseaux.

Le coup du dernier album

En 2003, Jay Z annonce à la surprise générale sa retraite du monde du rap au motif qu’il souhaite désormais se consacrer pleinement au business. Histoire de boucler la boucle comme il se doit, il sort dans la foulée son huitième et dernier solo le Black Album.

Le disque est un succès, d’autant plus qu’en habile stratège Shawn Carter capitalise au max autour de l’événement en sortant une paire de sneakers, un téléphone, une autobiographie ou en donnant un dernier concert au Madison Square Garden.

Trois petites années plus tard, il revient cependant dans le game avec un nouvel opus, le très faiblard Kingdom Come qui s’écoule comme des petits pains du fait de la curiosité médiatique qu’il suscite.

Devenu depuis un cas d’école, ce move va ensuite inspirer quantité de ses confrères, de Lupe Fiasco à Kid Cudi, DMX, iLoveMakonnen, Jean Grae, Waka Flocka Flame ou encore Lil Wayne.

Donner suite à un classique

Qu’il s’agisse de renouer avec une gloire passée ou d’une tentative de racoler à moindre frais, pouvoir de la nostalgie et envie d’y croire obligent, l’annonce ne passe jamais inaperçue.

Le premier à avoir initié ce mouvement fut Method Man en 1998 avec Tical 2000: Judgement Day, suivi entre autre par Dr. Dre avec son 2001 (qui initialement devait s’intituler Chronic 2001: No Seeds) ou Nas avec Stillmatic.

Bon attention toutes ces séquelles ne tiennent pas du Parrain II ou de Terminator 2, à l’image de l’indigeste The Marshall Mathers LP 2 d’Eminem qui comble du foutage de gueule treize ans après TMMLP1 ne proposait pas une seule prod de Dre.

Clasher à tout va

Encore relativement inconnu en 1999, 50 Cent dévoile le morceau How to Rob dans lequel il s’imagine braquer les plus grandes célébrités du game (Puff Daddy, Big Pun, ODB, Will Smith…).

Explication de l’intéressé : « Vous savez pourquoi j’ai fait How to Rob ? Parce que je n’avais pas le choix. J’étais signé chez Columbia Records, mon album était sur le point de sortir et je n’avais aucun buzz. Cela n’avait aucune importance de m’embrouiller avec le monde entier. Je me devais de prendre ce risque, c’était ma seule et unique chance. C’était ça ou retourner dans le ghetto. »

Heureusement pour celui qui se promettra de devenir riche à en mourir, l’onde de choc sera immédiate. À sa grande satisfaction, bon nombre de ses cibles vont d’ailleurs lui répondre directement, dont honneur ultime Jay Z (« I’m about a dollar, what the fuck is 50 Cents? »), réputé alors pour ne contre-attaquer que lorsqu’il estimait ses adversaires dignes de valeur.

Croyant là avoir trouvé une martingale, Fiddy tirera ensuite sur la corde jusqu’à n’en plus finir.

Clasher en douce

Envie de faire parler la poudre mais pas trop ? Envie de faire la une des médias mais sans passer pour un fouteur de trouble ? Plus subtil que le point précédent, le diss subliminal ou « sub’ » est fait pour vous.

Plutôt que d’attaquer nommément un rival et d’en assumer ensuite les conséquences, l’idée est de disséminer çà et là dans ses textes des piques à la fois assez précises quant à son identité et à la fois assez vagues pour nier toute mauvaise intentioncf. Nicki Minaj qui s’en prend à un prétendante ex-stripteaseuse qui ne serait donc absolument pas Cardi B ou la guerre froide à laquelle Drake se livre depuis des années face à Jay Z et Kendrick Lamar.

L’exercice permet ainsi d’alimenter la machine médiatique à chaque nouvelle escarmouche, tout en s’assurant de garder les fans bases mobilisées.

Sortir son album le même jour que les grosses pointures

Roublard parmi les roublards, E-40 vit de son statut de la légende de la Bay Area depuis deux bonnes décennies déjà.

Pariant sur le fait que les fans de rap ne contentent pas d’écouter un seul et unique artiste, et que lorsqu’ils se rendent en magasins ils n’ont donc rien contre le fait d’acheter d’autres CD sur un coup de tête, il calquait l’arrivée dans les bacs de ses projets sur celles des plus grosses stars à l’échelle nationale (les Jay Z, les Nelly, les 50…) afin de figurer en bonne place à leur côté lors des mises en rayon.

E-40 ou le mec qui a compris le concept de sérendipité avant tout le monde.

Effacer tous ses posts Instagram

Un soir de novembre 2016, The Weekend supprime absolument tout son historique. La nouvelle fait le tour de la toile laissant bon nombre de ses fans pantois. Surprise, lorsque le crooneur se met à poster de nouveau, c’est pour afficher sa nouvelle coupe de cheveux, mais aussi et surtout annoncer la sortie prochaine de son album Starboy, ce qui lui vaut une seconde rangée d’articles dans la presse.

Dans une époque où le travail de journaliste se confond de plus en plus avec de la veille de réseaux, la technique a fait de nombreux émules, Future, Kendrick Lamar, Young Thug, French Montana ou encore Damso l’ayant depuis reproduite.

Changer de nom

Bien pratique quand votre premier pseudo est tout bonnement impossible à marqueter (Murda Ma$e, Killer Mike, Kokane…), cucul la praline (oui 2Pac se faisait appeler MC New York au début de sa carrière), ou que vous souhaitez signifier vos ambitions nouvelles (2 Chainz, Birdman…), voire un renouvellement spirituel (Snoop Lion, No Malice, Love…).

Et puis au pire, une fois le buzz retombé si la sauce n’a pas pris vous pouvez toujours revenir à la case départ, rares sont ceux qui s’en apercevront.

Sortir un nombre limité d’albums

À l’heure où la dématérialisation de la musique réduit l’objet cd à une vulgaire rondelle de métal entouré de plastique, pourquoi ne pas prendre la tendance en faisant de ce dernier une pièce de collection ?

Inspiré par livre Contagious dans lequel l’auteur Jonah Berger explique comment un restaurant de Philadelphie s’est attiré une clientèle de luxe en passant le prix de son steak sauce fromage à 100$, Nipsey Hussle sort sa mixtape Crenshaw gratuitement en digital, mais limite les copies physiques à 1 000 unités. La rareté faisant la valeur, chaque exemplaire est facturé 100$.

L’opération étant un succès, il renouvelle la chose en 2015 avec l’album Mailbox Money, là encore distribué gratuitement en téléchargement, mais cette fois-ci limité à 60 copies facturées 1 000$.

Plus minimaliste encore, en le Wu Tang Clan vend la même année aux enchères la copie unique de leur septième album Once Upon a Time in Shaolin. Le disque, dont l’exploitation commercial est interdit jusqu’à 2103, aurait alors trouvé preneur à hauteur de deux millions de dollars.

Se passer de toute promotion

Si Drake est en photo, sur ce coup tout le mérite en revient à Beyoncé qui a initié l’adage « no marketing is the best marketing » dans l’industrie du disque et inventé dans le même temps l’expression « to pull a Beyoncé ».

Lâché dans la nature le 13 décembre 2014 sans le moindre single ou teaser préalable (tout juste la chanteuse se contente-t-elle d’un post Instagram avant de retomber dans le silence), son cinquième album éponyme va faire crasher iTunes Store.

La ficelle sera reprise par Drizzy une nuit de février 2015 avec son If You’re Reading This It’s Too Late sorti sans aucune annonce préalable (535 000 copies écoulées en première semaine uniquement en digital), ou encore Bryson Tiller qui en avançant sans crier gare d’un mois son True to Self glanera son premier numéro un des charts.

[Et puis Niro, Médine, Booba et Nekfeu de notre côté de l’Atlantique]

Crier à la censure

En 2010, Kanye West fait appel à l’artiste-peintre George Condo pour illustrer la pochette de son cinquième album solo My Beautiful Dark Twisted Fantasy.

Selon ce dernier, le rappeur lui aurait expressément demandé d’être le plus provocateur possible afin de déchaîner les foudres de la censure, d’où cet homme noir nu chevauché par une créature blanche sans bras elle aussi nue.

Ainsi, au mois d’octobre, un mois avant la sortie du disque, Kanye pique une crise sur Twitter : « Yoooo ils ont censuré ma cover !!!! Interdite aux USA !!! Ils ne veulent pas me voir me détendre sur un canapé avec mon Phoenix »

Et de s’outrer que la chaîne de magasins Walmart a refusé de mettre son album en rayon : « Donc Nirvana peut afficher sur Nevermind un bébé nu, mais moi je ne peux pas mettre un PEINTURE d’un monstre avec une queue à pois et des ailes ? »

De son côté, Walmart a rétorqué que ladite cover ne lui a jamais été présentée et qu’ils étaient impatient de proposer l’album en rayon.

Qu’importe, désireux de se victimiser toujours un peu plus, West a finalement sorti MBDTF en pixélisant l’œuvre de Condo.

Se prendre un procès

En 1993, avant même de sortir son tout premier album Snoop est le gangsta rappeur le plus hot de la planète. Outre ses talents derrière le micro, le rookie du sulfureux label Death Row fait la une des journaux pour avoir épaulé son garde du corps dans un drive-by.

Son inculpation pour meurtre accentue alors le mélange des genres entre fiction et réalité, lui valant accessoirement d’être vu comme un « nouveau diable » par l’Amérique conservatrice.

Fort de cette réputation sulfureuse qui fascine le public, Doggystyle explose tous les records de vente en première semaine d’exploitation.

Et que dire de 2Pac qui incarcéré au moment de la sortie de Me Against the World en mars 1995 sera classé numéro 1 des charts ?

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Mourir

Une solution certes un brin radicale, mais qui a fait ses preuves si l’on juge les performances commerciales d’un Notorious BIG ou d’un 2Pac qui à coup de rééditions, best-of et inédits n’ont jamais autant vendu que depuis qu’ils nous ont quittés.

Dernier exemple en date, le jeune Lil Peep qui malgré une notoriété toute relative (10 millions de vues en moyenne pour ses plus gros singles avant sa disparition) et une discographie des plus chétives (sans parler de la qualité) a bénéficié d’une couverture médiatique mainstream internationale dont il n’aurait même pas osé rêver de son vivant.

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[BONUS] Quid du rap de France ?

Si le sujet mérite évidemment un article entier, en plus des artistes brièvement name droppés précédemment, contentons-nous de mentionner ici PNL (pour leur politique zéro média), Morsay (roi de la guérilla YouTube), Booba & Damso (pour choisir des titres d’albums cryptiques à la Lithopédion ou Nero Nemesis), Fianso (alias le bloqueur d’autoroute) ou encore l’inénarrable Matt Houston (dont l’achat de la version collector de son album Papa est back donnait droit à un diner en tête-à-tête avec lui).

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