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Toutes les pochettes de tous les albums de Kanye West expliquées

Toutes les pochettes de tous les albums de Kanye West expliquées

Qu’importe ce que l’on pense de Kanye West l’homme ou Kanye West l’artiste, il est une chose que l’on ne peut pas lui enlever : il sait faire parler de sa musique. Et les pochettes de ses albums font partie intégrante de cette stratégie.

Bien qu’il ait très tôt arrêté ses études dans une école d’art visuel au motif qu’il ne serait « jamais l’un des plus grands noms dans ce domaine », il se débrouille à chaque sortie pour que ses covers constituent de petits évènements.

Œuvres concepts, collaborations avec des artistes internationaux, coups d’éclat… scrutons sa discographie d’un œil nouveau.

Get Well Soon… (2002)

Avant que Kanye West ne devienne Kanye West, il y a eu cette première mixtape sortie l’année de ses 26 ans.

Pas encore adepte des coloris pastels et des coupes resserrées, il pose le regard incertain dans un uniforme en vigueur à l’époque : baggy délavé, t-shirt noir oversize, joaillerie un peu partout et chaîne Roc-A-Fella dans la main.

Sur le store derrière lui, le logo du label apparaît en gros tandis qu’un graffiti dessine la ligne d’horizon de Chicago, sa ville de cœur.

Le dos de la pochette reprend lui une photo prise sur son lit d’hôpital juste après l’accident de voiture qui a failli lui faire perdre la vie.

Très paradoxalement, il s’agit de la première et dernière fois qu’il se fait voir sur l’une de ses covers.

The College Dropout (2004)

Iconique s’il en est, le costume de nounours que porte ici pour la toute première fois Kanye West n’était pourtant absolument pas prévu au programme. Il a été déniché par le plus grand des hasards dans les locaux du lycée où s’est déroulé le shooting, le jour même où la photo a été prise !

Séduit par le sentiment de solitude qui se dégage lorsqu’il le revêt, Kanye a ainsi décidé de reproduire à l’identique un précédent cliché où il posait sur cette même tribune habillé de ces mêmes vêtements.

Pas uniquement là pour faire jolies, les dorures rajoutées en postproduction jouent un double rôle. Piquées dans un livre d’illustrations du 16ème siècle, selon Eric Duvauchelle, le designer en chef du Roc chargé du packaging de l’album, elles traduisent « une admiration pour l’art », tout en « rompant grâce à leur élégance avec l’image traditionnelle du rappeur gangsta moyen ».

Late Registration (2005)

Album jumeau de The College Dropout, ce deuxième solo remet logiquement Kanye en scène dans le même accoutrement. Toujours tout seul, toujours à l’écart.

Louis Marino, directeur de la création sur LR : « Ce nounours c’est l’alter ego de Kanye West. Il est constamment en retard à tous les cours. Il passe son temps à rêver d’être une star. »

Cette fois-ci réduit à la taille enfant, il est vu toquer à la porte de la prestigieuse université de Princeton.

Dans « une ambiance Harry Potter », le livret le montre ensuite étudier d’arrache-pied dans des salles de classe désertes, avant de quitter les lieux au verso de la pochette.

Point bonus : il porte cette fois un sac à dos Lois Vuitton spécialement fabriqué par la marque.

Graduation (2007)

En villégiature au Japon en 2006, Kanye West se rend au studio Kaikai Kiki, à Asaka, pour rencontrer Takashi Murakami, le « Andy Warhol japonais ».

Très vite, les deux hommes accordent leurs violons et se mettent à travailler sur la cover de cet album conçu pour propulser Kanye dans une nouvelle sphère artistique et commerciale.

D’où le canon et ce déluge de couleurs, mais pas que.

Takashi Murakami : « La pochette renvoie au thème de la vie étudiante cher à Kanye. L’école, c’est certes un endroit où l’on rêve et où l’on s’amuse, mais c’est aussi un endroit où l’on se confronte à la rigidité de la vie en société. Chez Kanye, sensibilité et agressivité se frottent comme sur du papier de verre. Son groove lui sert à alimenter cette tornade prise dans l’air du temps. Je voulais moi aussi que cette tornade m’emporte. »

Notez qu’en sus, Murakami a également créé l’animé de Good Morning, le morceau qui ouvre Graduation.

808s & Heartbreak (2008)

L’école est finie, et avec elle le temps de l’innocence. Le candide nounours des débuts fait ainsi place à un ballon dégonflé formant un cœur flétri.

Photographiée par Kristen Yiengst, designée par Virgil Abloh et Willo Perron, cette cover rouge et grise tranche avec les travaux précédents de West tant par son minimalisme que par son fatalisme, à l’image de la musique proposée.

Toute aussi culte, l’édition Deluxe de 808s (deux mains de Mickey qui déchirent le cœur en question) a été pensée par KAWS, l’auteur des figurines en plastiques préférées des amateurs de crypto monnaies.

My Beautiful Dark Twisted Fantasy (2010)

Ou lorsque Kanye West fait appel à l’artiste-peintre George Condo en l’enjoignant d’être « le plus provocateur possible ».

Bien que Condo concède préférer « le rap à l’ancienne », il est néanmoins pris d’inspiration au point de revenir vers lui avec cinq covers différentes !

La première, c’est celle que tout le monde connaît où l’on voit un homme noir nu chevauché par une créature blanche sans bras« un monstre avec une queue à pois et des ailes » dixit Kanye, « un mélange entre sphinx, un Phoenix, un fantôme et une harpie » dixit Condo.

« Choqué, mais ravi » par le résultat, West invente ensuite une polémique de toutes pièces en criant à la censure.

La deuxième représente une ballerine inspirée par la danseuse française Sylvie Guillem. La troisième, un portrait cubiste du maître des lieux toutes dents dehors. La quatrième, un prêtre en noir et blanc. La cinquième, la tête de West décapitée au sol, traversée par une épée.

Watch The Throne (2011)

Quoi de plus approprié pour illustrer l’album qui a ouvert l’ère du « luxury rap » que d’aller débaucher Riccardo Tisci, le directeur de la création de Givenchy ?

Sur la même longueur d’onde que Yeezy et Hov’, il reprend l’imprimé tropical Bird of paradise de sa précédente collection pour le couvrir d’or et décrocher là une nomination aux Grammy Awards dans la catégorie Meilleure pochette.

Pris par son élan, Tisci a également dessiné les tenues de scène de nos deux lascars (pantalon en cuir, kilts, t-shirts étoilés…).

Yeezus (2013)

« Vous savez, avec cet album, on ne sortira pas de single radio. On n’aura pas de grosse campagne NBA, rien de tout ça. Shit, on n’aura même pas de pochette. »

Quand, en juin 2013, Kanye West s’énerve tout seul sur la scène du festival Governor’s Ball, personne ne s’imagine alors qu’il va oser sortir quelques jours plus tard son sixième solo dans un emballage aussi minimaliste.

Un boîtier en plastique transparent, un CD que l’on croirait vierge, un bout d’adhésif rouge en guise de fermoir, un simple autocollant pour annoncer les crédits… Le message est clair : le fond (la musique), avant la forme.

Minimaliste ne signifiant en aucun cas modeste, trois ans plus tard, l’auteur de I Am a God se vantera d’avoir grâce à ce coup d’éclat enterré le format physique à lui tout seul« Yeezus a été un cercueil à ciel ouvert pour le CD » dans le texte.

The Life of Pablo (2016)

Œuvre de Peter De Potter, un artiste belge spécialisé dans les collages, cette cover orangée met en parallèle une photo vintage de la famille West assistant à un mariage et le corps sans tête de l’instagrameuse Sheniz Halil (à en croire sa bio, il s’agit là du pic de sa carrière).

Une symbolique pas des plus difficiles à saisir donc (la dualité, la tentation, tout ça),

Autre niveau de lecture, probablement involontaire : entre ce titre qui semble se répéter à l’infini et l’aspect bordélique du rendu, l’orientation musicale du disque est ici annoncée on ne peut plus clairement.

Ye (2018)

Initialement, Kanye avait jeté son dévolu sur un portrait du chirurgien esthétique responsable de l’opération qui a couté la vie à sa mère. L’idée était de promouvoir l’amour et le pardon… ce qui n’a guère plu à l’intéressé qui a manifesté son mécontentement sur Twitter.

Comme à peu près tout ce qui tourne autour de cet album (le titre, les thèmes, la tracklist…), Kanye a toutefois changé d’avis au dernier moment.

À en croire Kim Kardashian, il a pris cette photo avec son iPhone alors qu’il était en route pour la listening party de l’album dans son fief de Kelly dans l’état du Wyoming.

Il a ensuite ajouté lui-même le texte qui fait référence à ses déboires psychiatriques évoqués notamment dans le morceau Yikes (« Ma bipolarité n’est pas un handicap renoi, c’est mon superpouvoir »).

Bon après si vous trouvez la ligne hors propos, libre à vous d’écrire la votre en utilisant le Yenerator

Kids See Ghosts (2018)

De retour aux manettes, Takashi Murakami recycle une de ses anciennes créations, Manji Fuji, une aquarelle peinte en 2001, qui elle-même s’inspirait de la série d’estampilles Trente-six vues du mont Fuji du maître Katsushika Hokusai.

Plus encore qu’avec Graduation, Murakami propose un visuel qui synthétise parfaitement ce qu’est le Superflat, ce courant postmoderne dont il est l’instigateur qui fait le lien entre la culture mangas et l’art traditionnel nippon.

Ce sont, d’un côté, des couleurs vives en toile de fond et nos deux héros représentés sous la forme de fantômes chevauchant des créatures chimériques (à moins que ce ne soit l’inverse), et de l’autre, un cerisier au centre, le mont Fuji en arrière-plan et, en bas à gauche, une série de kanjis, ces signes issus de l’écriture chinoise repris par le japonais – outre les kanjis « désordre » et « confusion », on observe « chaos », un kanji qui écrit à l’envers signifie « enfant ».

Une pochette des plus poétiques donc, et dont le merch’ s’écoule aujourd’hui à des prix exorbitants.

Jesus Is King (2019)

Six ans après Yeezus, Kanye West nous refait le coup de la sobriété.

Le sens à donner à cette photo d’un vinyle bleu Klein rappelant les disques de gospel pressés dans les sixties/seventies est cependant diamétralement opposée : là où Yeezus se voulait un album d’anticipation (sonorités nouvelles, règne à venir du digital…), JIK a été conçu comme un retour aux sources (valeurs traditionnelles, élévation des esprits…).

Ceci posé, c’est un tout autre détail qui a mis en émoi les stans de Mr. West : le lettrage doré AR 1331 A qui renvoie au code utilisé par le chanteur gospel Rubye Shelton sur son 45 tours I Want The World To Know Jesus/God’s Going To Destroy This Nation (1970).

Donda (2021)

La rumeur a longtemps voulu que Kanye prenne pour cover de son dixième album titré d’après le prénom de sa mère décédée en 2007 la gouache rouge carmin FEMME peinte en 2007 par la sculptrice et plasticienne française Louise Bourgeois. Ce choix paraissait d’autant plus logique que Bourgeois a exploré tout au long de son œuvre sa relation avec sa propre mère, tandis que West s’habillait dans ces couleurs lors de ses listening party.

Et puis non. Au dernier moment, le rappeur a opté pour un carré noir somme toute assez décevant.

Volonté de singer le Black Album du big brother Jay Z ? Choix unilatéral d’Universal qui selon West aurait sorti précipitamment l’album sans son accord ?

Aucune explication n’a depuis été fournie.

Donda 2 (2022)

Diffusé exclusivement via une espèce de baladeur MP3 vendu 200 dollars, le Stem Player, Donda 2 n’a bénéficié d’aucun visuel.

Tout juste faut-il se contenter de différents flyers dévoilés lors des soirées d’écoutes dans le stade LoanDepot Park de Miami qui montrent la maison d’enfance de Kanye West du South Shore de Chicago ravagée par les flammes.

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