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Tawsen : « J’ai une histoire très bruxelloise » [INTERVIEW]

Tawsen : « J’ai une histoire très bruxelloise » [INTERVIEW]

Ayant grandi en Italie, le Belgo-marocain Tawsen fait le pont entre différents styles dans un délire très pop. Il se livre à l’occasion de la sortie de son projet « Al Warda ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Dur dur d’empaqueter tous les talents d’un Plat-Pays dans une seule et même case. En même temps, pourquoi s’y risquer quand on remarque rapidement que nos voisins savent tout faire, d’un rap agressif à de ritournelles urbaines qui tournent en boucle à la radio ? Aujourd’hui, c’est un nouveau venu qui est passé chez nous, Tawsen. Un artiste qui a fait du chant son arme favorite et qui performe non sans une certaine ambition. Rencontre sous le soleil de Paris entre une enfance en Italie, ses origines marocaines et sa vie à BX.

Qu’est-ce que ça fait de débarquer avec un premier gros projet, « Al Warda » ?

J’ai rêvé de ça pendant au moins deux ou trois ans, car j’ai commencé la musique assez tardivement en comparaison à d’autres artistes… Mais je rêve toujours de ça ! Tu sais, tu as toujours des moments dans ta chambre où tu te dis que tu l’auras ce putain de Grammy (rires). J’ai eu de bons avis, que ce soit du public, des médias ou de personnes de l’industrie… Là, avec cette sortie, c’est le moment de voir si ces bons avis sont concrets. A la sortie du projet, les gens ont bien aimé ! Mais bon du coup, tu cherches aussi la critique, tu essayes de trouver un commentaire négatif. Mais bon, j’ai le temps d’avoir des haters (rires).

Tu es issu de la scène belge, que tu représentes avec un style bien à toi, très porté sur le chant.

Je ne le fais pas exprès ! Oui je suis issu de la scène belge, mais ça, on le dit depuis que Damso et Hamza ont explosé. En fait, on se croise tous, on se connaît tous, mais on arrive à faire nos trucs chacun de notre côté. Quand tu fais quelque chose, encore heureux que ça vienne de toi, que ce soit une musique presque unique. Après, je ne vais pas mentir, je ne fais pas les choses tout seul dans mon coin en criant « fuck l’industrie » ou en espérant devenir le l’artiste préféré de ton artiste préféré, mais qui ne perce jamais. Je l’assume, je fais aussi de la musique pour qu’elle fonctionne, que les gens se retrouvent dedans… Mais je n’ai pas non plus envie de coller aux autres, j’ai envie d’avoir ma prod’, d’avoir mon âme. Dans la pop internationale par exemple, c’est très formaté, avec des équipes qui poussent les interprètes à coller à une tendance. Je n’ai pas de personne derrière moi qui me dit quoi faire, je travaille comme je le sens. C’est ce qui peut faire la différence.

Je ne veux pas devenir le l’artiste préféré de ton artiste préféré, mais qui ne perce jamais

Quand tu parles de réussite, cela fait écho aux artistes que tu cites souvent comme Stromae ou les Black Eyed Peas.

Oui, car avec tout le respect que j’ai pour elles, je ne vais pas te citer Katy Perry ou Taylor Swift. Elles arrivent en studio et tout est déjà fait. Ce sont des visages, des interprètes. Je n’ai rien contre ça, mais j’ai aussi envie de réussir. Stromae et les Black Eyed Peas l’ont fait avec leur propre style par exemple. Moi, c’est simple, je ne fais pas de la musique pour le plaisir, mais avec un certain plaisir.

Comment tu construis tes sons ?

C’est un peu bête comme réponse, mais tout se fait au feeling. C’est comme pour les interviews, si tu ne te sens pas d’en faire, mieux vaut éviter. Il n’y a pas de recette qui se répète à chaque fois. Par exemple, l’inspiration peut venir d’un simple message que je vais recevoir. Ce projet est très love, mais c’est venu naturellement. Des fois, je commence à écrire une petite phrase et tout le reste suit d’un coup. A d’autres moments, ça vient tout seul en studio grâce à une prod’ bien lourde. C’est la même chose qu’avec le tricot, tu commences sans savoir à quoi la suite va ressembler, car il y a plein de morceaux qui sont jetés à la fin. Moi, je manque tellement d’expérience qu’au final, je suis obligé de faire les choses au feeling.

C’est rare de tomber sur des artistes qui avouent leur manque d’expérience…

Je préfère le dire maintenant, car je suis quelqu’un de direct, je n’ai aucun problème avec ça. A un moment, on a peut-être peur d’être dans la musique sur un coup de chance. Mais je me rassure en me disant que c’est quand même du boulot d’en être arrivé là. Je suis honnête, je ne rappe pas depuis 20 ans, je ne gratte pas 10 textes par jour… Donc dire que mes morceaux viennent d’un choix en particulier, ça m’est impossible. Disons que ça vient tout seul, ce n’est pas calculé.

Je ne fais pas de la musique pour le plaisir, mais avec un certain plaisir

Même pour cet opus, te diriger à ce point vers le chant, ce n’est pas un calcul ?

Je l’ai fait son par son, très naturellement. Mon projet, je ne l’ai pas commencé au studio, ça c’est venu par la suite avec une plus grosse équipe. Au début par exemple, je rappais beaucoup, dans un délire plus street. Et ce sont des ingénieurs du son qui m’ont dit : « tu débites bien, mais ton truc, c’est ta voix. Donc maintenant, vas-y, à toi de chanter » ! Maintenant, le chant c’est mon truc. Ce qui est interessant, c’est que tu peux toucher beaucoup de monde avec. Il y a des artistes qui aiment bien rester dans leur petit coin, qui sont à l’aise simplement dans leur quartier… Ouais, c’est cool, mais si tu fais de la musique, c’est aussi pour toucher du monde. Je ne vais pas me tourner vers des sons trap, bizarres et hyper-glauques uniquement dans le but de ne faire plaisir qu’à moi-même. Je préfère essayer de partager ma musique, tout en gardant mon côté authentique.

Le climax de cette idée de partage, tu peux le trouver sur scène.

Oui, même si ce climax c’est le stade du Roi Baudouin ou le stade de France (rires). J’ai commencé par des petites scènes, de petits bars avec 50 personnes, j’ai vu que ça accrochait bien car je suis un mec plutôt drôle. J’arrive à gérer le truc, ça me fait marrer. C’est bizarre mais je suis quelqu’un qui ne stresse pas en général… Pourtant, deux jours avant mon premier vrai concert, j’étais paniqué ! J’avais l’impression que ma carrière allait se terminer ! Au final quand tu vois les gens bouger, sourire, ça change la donne. Je préfère faire ça plutôt qu’écrire ou trouver des mélodies. Genre mon but aujourd’hui, c’est vraiment de faire des tournées !

T’as une musique qui peut se prêter au live.

Oui, mais ça dépend. Je ne pense pas forcément au festival par exemple où les gens veulent sauter et faire la fête au maximum. Je pense à des moments où le public fait les chansons à ta place, ça doit être un gros sentiment. Dans mon écriture, j’essaye d’avoir un truc qui parle à pas mal de monde. Je ne veux pas trop parler de moi, sinon tu vas commencer à chanter que ton voisin te doit dix euros et ça, ça ne touche personne. Etre un minimum simple, facile à comprendre avec des refrains catchy, c’est mon truc.

Dans mon écriture, j’essaye d’avoir un truc qui parle à pas mal de monde

Une autre chose qui te différencie, c’est ton approche des clips.

On ne s’est jamais dit qu’on allait faire un clip de cité classique, avec les potes qui dansent, vu que les thèmes de mes morceaux ne collent pas forcément à ça. Des réalisateurs m’ont aussi proposé d’aller dans un hôtel avec une belle meuf… Mais j’ai trouvé ça nul. Du coup, on a voulu faire un truc assez différent en montrant des images et des couleurs différentes dans la pop urbaine. Vu qu’on trouve que j’ai une voix assez raï, ça colle avec le Maroc. Au final, qu’est-ce qui est plus vrai qu’un Marocain qui chante en français avec des vibes marocaines, et qui part faire un clip au Maroc ?

Tu as une histoire personnelle assez originale, mais très bruxelloise. Tu es passé par l’Italie avant d’arriver en Belgique à 11 ans. D’ailleurs, tu chantes aussi en italien.

L’année dernière, une étude démontrait que Bruxelles était l’une des villes les plus cosmopolites d’Europe. Il y a des gens qui viennent de partout. Je suis d’origine marocaine et quand j’ai quitté l’Italie à 11 ans, ça c’est joué entre Paris et BX. Finalement, je me suis retrouvé à Bruxelles. Ce n’est pas quelque chose que je raconte à chaque fois… Mais c’est comme ça, ça me permet de chanter aussi en italien. Le français, je l’ai appris sur le tas, en écoutant des sons notamment. Je trouve ça assez marrant comme histoire, c’est vrai que c’est très bruxellois (rires) ! Mais il n’y a pas que moi, tu peux aussi citer des mecs comme Soolking en région parisienne.

Pour boucler la boucle, tu peux nous en dire plus à ta participation à l’émission Rentre Dans Le Cercle.

Je suis hyper fan du concept et de Fianso, car il a une vraie notion de partage. Au début, lorsqu’on me l’a proposé, je n’étais même pas au courant que ça allait être tourné en Belgique. Même pour l’interprétation, avec mon délire avec le chant, je me disais que ça n’allait pas le faire. Il se trouve que lorsque j’ai entendu qu’il s’agissait d’un épisode spécial Belgique, j’ai direct été chaud. J’ai été prévenu juste avant dans le tournage, j’étais dans mon lit en pyjama et j’ai bougé tout seul, alors que l’ambiance était grave street (rires). Du coup, au final, après quelques conseils et le superbe accueil de Fianso, je l’ai fait en mode chant plus qu’en mode rap. Je l’ai fait en one shot… Il en y a pas mal qui ont tué ça, comme Kobo par exemple. Disons que pour moi ça va, personne ne m’est tombé dessus après (rires) !

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