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Suspect 95, l’agitateur de la scène ivoirienne [INTERVIEW]

Suspect 95, l’agitateur de la scène ivoirienne [INTERVIEW]

Signé chez Def Jam Africa, l’entertainer du game ivoirien poursuit son ascension.

Après avoir vogué au Cameroun et au Sénégal, Booska-P met aujourd’hui le cap en Côte d’Ivoire pour vous présenter l’un des nouveaux talents de l’écurie Def Jam Africa : Suspect 95. Un artiste au caractère bien trempé qui a fait de l’originalité sa marque de fabrique. Adepte de gimmicks loufoques et de sorties qui choquent, il est aussi à l’aise sur les réseaux sociaux qu’au moment d’enchaîner les hits. Un véritable personnage donc, qui s’est livré face à notre micro pour retracer son parcours, parler de ses projets à venir et de sa manière d’aborder le rap.

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Pour commencer, d’où est venue cette envie de rapper ?

Tout a commencé avec une histoire de vengeance (rires) ! Au collège, il y a avait une bande de types, des voyous qui faisaient leur loi. Ces gars-là écoutaient beaucoup de rap et un jour, l’un de mes meilleurs potes s’est ridiculisé en voulant faire une battle contre eux. Moi, ça m’a touché (rires) ! Et j’ai commencé à gratter des textes pour ne pas nous ridiculiser. C’est comme ça que je me suis mis dans le rap… Je n’en suis jamais sorti !

Mon état d’esprit, c’est chercher à faire la différence à chaque sortie

Tu as gardé cet état d’esprit basé dans le clash ?

Toujours ! J’ai commencé dans le clash, alors je continue dans le clash (rires) ! Même si je peux aller sur plusieurs thèmes, il y a toujours cette essence qui est présente. Cela fait partie d’une des bases du rap et moi, j’en ai fait une de mes armes.

Raconte-nous la suite de ton parcours.

Au lycée, on faisait des tournois de freestyles tous les vendredis. Moi, j’excellais tout le temps, je donnais tout et c’est comme ça que mon nom a commencé à tourner. Grâce au bouche à oreille, Bebi Philip a eu connaissance de ce que je faisais. C’est quelqu’un de très connu chez nous et il m’a dit simplement qu’il était prêt à me signer, à travailler avec moi. On a bossé des textes, en studio, etc. Tout a commencé naturellement, j’ai même collaboré avec le groupe Kiff No Beat. Ensuite, j’ai fait une pause pour mon bac et après l’avoir obtenu, ça a marqué un tournant. Là, j’ai fait une vraie entrée dans le show-biz.

Comment vis-tu ta signature chez Def Jam Africa ?

Je vois ça comme un tremplin. Moi, je ne vois pas non plus les majors comme des structures qui vont faire de la magie du jour au lendemain. Je vois plus ça comme des gens qui vont déployer une vraie énergie pour t’amener plus loin. Lorsque tu n’es pas signé, il y a des portes auxquelles tu ne peux pas avoir accès comme la promo, etc. Même avec internet ! Une major, elle est là pour t’aider à développer ton talent et pas pervertir ton art. C’est continuer à travailler ce que tu faisais déjà, te donner plus de force de ce point-de-vue là. Def Jam, c’est ça, c’est une maison qui va développer ce que j’ai déjà réussi à mettre en place.

Signer en major, c’est aussi continuer à apprendre

Quel regard portes-tu sur ton statut aujourd’hui en Côte d’Ivoire ?

Sans modestie aucune, je suis le meilleur (rires) ! Il y a beaucoup de talents ici, mais j’ai besoin de me sentir comme ça pour évoluer. Je l’ai déjà évoqué, si tu ne te considères pas comme le plus fort ou le plus hype, tu ne peux pas tenter de nouvelles choses. Moi je me considère comme le boss, c’est une manière comme une autre de me motiver (rires). Quand tu penses comme ça, plus rien n’est capable de t’arrêter. Quand tu te mets la pression, c’est là que tu peux tenter des choses. Mercon par exemple, mon dernier single, est une injure. C’est un titre qui est prêt à être censuré dans la minute, mais moi je m’en fiche. Si tu ne te considères pas comme un boss, jamais tu ne pourras te permettre des choses comme ça.

On a l’impression que tu cherches à marquer tes fans à chaque sortie.

C’est clairement mon état d’esprit, chercher à faire la différence à chaque fois. Il faut que je marque mon territoire et mon auditoire via ma musique et mes clips.

T’es un des seuls à Côte d’Ivoire à utiliser pleinement les réseaux sociaux… Cela t’est venu très tôt !

Contrairement à d’autres rappeurs, j’ai vite compris que c’est internet qui allait bouleverser le business. Pendant que tout le monde courrait derrière les chaînes de télé ou de radio, j’ai compris que les réseaux allaient rebondir sur tous les autres médias. J’ai lancé des débats sur les réseaux sociaux, ça a eu impact chez les people et même chez le premier ministre (rires) ! C’est ce genre de bail qu’un artiste normal n’oserait pas faire. Avec internet, tu peux être présent dans toute l’Afrique francophone, donc il faut s’en servir pour notre musique. Il faut innover à chaque fois, c’est ma méthode. Je me demande à chaque fois comment le teasing d’un son peut devenir viral.

Si tu ne te considères pas comme le plus fort, tu ne peux pas tenter de nouvelles choses

On sait que tu es particulièrement suivi, pas seulement sur les réseaux. Aurais-tu une anecdote avec un de tes fans ?

J’en ai une parmi d’autres, c’était au Niger et pas en Côte d’Ivoire. J’avais un meet and greet avec mes supporters et une fan m’attendait depuis des heures, mais a fini par me rater car l’évènement durait assez peu de temps. Finalement, à minuit on m’a dit qu’elle attendait encore alors que le meeting était terminé depuis 19h. Je suis finalement retourné sur place et ça a donné un moment plein d’émotion. Cela m’a fait prendre conscience de l’intérêt que les gens me portent, donc il faut prendre soin d’eux.

Comment se déroule l’enregistrement de ton album ?

En Afrique, on fonctionne en envoyant beaucoup de singles. Du coup, je voyais l’album comme une étape symbolique, je n’ai pas envie de balancer un projet comme ça, à la volée. Là, je bosse sérieusement. On va dire que depuis ma signature chez Def Jam Africa, je peaufine mon album pour qu’il soit disponible dans les meilleurs délais. Je vais faire en sorte de montrer toute la diversité musicale que je suis capable d’apporter. Je veux m’amuser, m’essayer à d’autres manières de fonctionner. Je suis ouvert à d’autres styles, techniques et méthodes… En quelques mots, je cherche de nouveaux flows et de nouvelles vibes car signer en major, c’est aussi continuer à apprendre. Je garde la même éthique, la même équipe de parasites (rires), mais maintenant j’ai de nouvelles personnes en orbite autour de tout ça. Les équipes de Def Jam sont top donc on reste dans une certaine continuité.

Avec qui tu te verrais désormais collaborer à l’international ?

Pour dire toute la vérité, je souhaite apporter la couleur africaine au monde, je ne vais jamais travestir mon flow. La France, c’est une des plus grandes terres de hip hop au monde, mais si je collabore avec un artiste hexagonal, il faut que ça colle avec ma culture. Si c’est pour venir rapper comme un français et me fondre dans la masse, ce n’est pas la peine. En France, quelqu’un comme Ninho a par exemple sa propre couleur, c’est quelqu’un qui ramène son propre délire dans ses featurings. L’autre qui m’a appris cette dualité entre le chant et le rap, c’est Soprano, il est arrivé dans un game bien à lui, mais j’apprécie ce qu’il fait.

On affirme nos cultures, nos accents, nos argots… C’est ce qui donne un bel éclat au rap africain !

Aurais-tu dernier mot sur l’évolution du rap africain ces dernières années ?

J’aimerais dire que je suis content de l’évolution du rap africain, de tout ce qu’il se passe dans le hip hop de notre continent. C’est lorsqu’on a commencé à s’affirmer culturellement qu’on s’est mis à monter. Même les majors s’intéressent à ce qu’on fait, donc je suis fier de faire partie de ce mouvement. Et je ne parle pas seulement du rap francophone, car jusqu’en Afrique du Sud il y a un réel élan ! Désormais, on affirme nos cultures, nos accents, nos argots, c’est ce qui donne un bel éclat au rap africain !

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