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Rappeurs/beatmakers : L’union sacrée ! [DOSSIER]

Rappeurs/beatmakers : L’union sacrée ! [DOSSIER]

Aux Etats-Unis, plusieurs beatmakers possèdent une notoriété équivalente ou supérieure à celle des « rap-star » avec lesquelles ils travaillent…

Dr Dre, Pharrell Williams et Timbaland constituent sans doute les exemples les plus frappants. En France, aucun compositeur spécialisé en matière de hip-hop ne peut se targuer de posséder une telle renommée. Néanmoins, cette situation pourrait ne pas rester figée à l’avenir. Etat de lieux.

La récente explosion de Kaaris est directement liée au travail de son architecte sonore attitré : Therapy. Pour preuve, le label Def Jam France vient de s’offrir les services de l’artiste originaire de Sevran (93). Ce transfert en provenance d’AZ (Universal) s’est accompagné de la signature de Therapy. Une nouvelle qui ne constitue pas vraiment une surprise, dans la mesure où « Talsadoum » a déjà expliqué à plusieurs reprises qu’il ne concevait pas son avenir musical sans rester fidèle à son « metteur en son ».

KORE x LACRIM : La combinaison gagnante !

Lacrim a pris conscience que je pouvais l’amener encore plus loin

Encore plus récemment, Lacrim s’est fait une place au soleil dans les charts, en montant sur la première marche du Top Album avec « Corleone« . Le succès de son premier véritable album, vendu à 28 000 exemplaires à l’issue de sa première semaine d’exploitation, s’explique en partie par le travail « en sous-marin » de Kore. L’ancien acolyte de Skalp (rebaptisé Skalpovitch, Ndlr) est à créditer d’une grande partie des productions de cet opus. « Je connais Lacrim depuis 6 ans, nous confie-t-il. Ces derniers temps, je n’étais plus trop en France, je m’étais expatrié aux USA. J’avais des échos de ce qu’il faisait, j’avais bien kiffé « Né pour mourir ». Par l’intermédiaire d’une relation commune, nous avons décidé de travailler ensemble pour « Corleone ». Lacrim est quelqu’un qui possède une grande ouverture d’esprit. Il a pris conscience que je pouvais l’emmener encore plus loin que le stade auquel il était déjà parvenu. Il lui fallait une personne en face de lui qui puisse entendre ses attentes. Car il savait pertinemment qu’il était attendu. De mon côté, personne ne m’attendait sur un tel projet. La dernière image que j’avais laissée en France, c’était le Raï’n’B. Pourtant, le rap a toujours fait partie de mon ADN. »

Le pari le plus important, c’est celui d’avoir fait chanter Lacrim

Le travail de Kore pour Lacrim ne s’est pas limité à la réalisation d’instrus. L’ancien leader d’Artop Records a également grandement contribué à la direction artistique de « Corleone ». « Le pari le plus important, c’est celui d’avoir fait chanter Lacrim, estime-t-il. Je savais qu’il pouvait le faire. J’étais même le seul à le savoir. Cela lui a permis de passer un cap, sans pour autant travestir sa musique. A un moment donné, un artiste doit savoir démontrer son envie de faire des choses différentes de ce qu’il fait habituellement. Sinon, il demeure prisonnier d’un point de vue artistique. Toutes les étoiles étaient alignées pour que ça fonctionne, on sentait qu’il allait se passer quelque chose. On a réussi à faire exactement ce qu’on avait envie. C’est un vrai album de rap, pas un disque édulcoré. Et le public l’a très bien compris. »

C’est avant tout le succès de Lacrim…

Malgré son travail d’orfèvre, Kore refuse de s’accaparer le succès de « Corleone ». « C’est avant tout le succès de Lacrim. Avant de travailler avec moi, il possédait déjà une signature vocale. Personnellement, je n’avais rien à prouver en partant sur ce projet. Je n’avais pas besoin d’oseille : cela m’a permis d’aborder la musique de manière plus épicurienne. D’autant plus que nous n’avons jamais eu de rapport de force avec la major qui a produit le disque (le label Def Jam France, filiale d’Universal, Ndlr). »

ORELSAN x SKREAD : Une relation durable !

Nous essayons de mélanger nos influences de la meilleure des façons…

Avant de produire des titres pour Booba, Rohff, Nessbeal ou Diams, Skread travaillait avec Orelsan. Le parcours de ces deux Normands est étroitement lié. « On se connaissait avant de faire de la musique, nous expliquait Skread au cours de l’été 2013. Nous étions dans la même école. A l’âge de 19 ans, j’ai acheté une MPC. Orelsan en a entendu parler et ça l’a intéressé. Je n’étais pas encore producteur à l’époque. Nous nous sommes mis à faire quelques enregistrements, à nous intéresser à Cubase (famille de séquenceurs musicaux, ndlr.). Ca fait maintenant 14 ans que nous travaillons ensemble. C’est une relation dans laquelle il n’y pas d’égos. C’est important de pouvoir anticiper les réactions de l’autre. On connait nos différences. Nos goûts ne sont pas les mêmes pour certaines choses… Nous essayons de mélanger nos influences de la meilleure des façons et je pense qu’on y arrive assez bien. »

Un producteur français pourrait atteindre la renommée d’un Booba ou d’un Rohff ?

Pendant que Solaar lisait ses livres en studio, je faisais ses sons…

MC Solaar – « Qui sème le vent récolte le tempo »

https://www.youtube.com/watch?v=MMOeePXGeIc

Remontons plus de 20 ans en arrière. Au début des années 90, Jimmy Jay a été le premier concepteur musical à connaître un immense succès commercial. A l’époque, il formait un binôme avec MC Solaar, binôme ayant accouché des classiques « Qui sème le vent récolte le tempo » (1991) et « Prose combat » (1994). « Entre Solaar et moi, c’était comme dans une histoire de couple, se souvient Jimmy Jay. Nous allions au Virgin Megastore ensemble : pendant qu’il se rendait au rayon des livres, j’allais chercher des vinyles à l’étage du dessous. On trouvait nos inspirations chacun de notre côté, avant de les réunir. En studio, il lisait ses livres pendant que je faisais les sons. Comme on écoutait la même musique, on était souvent d’accord. »

Aujourd’hui, comme pour le rap, tout le monde fait des prods.

Dans les années 90, Abuz formait le très efficace binôme D. Abuz System, en compagnie du beatmaker Mysta D. « C’était une réelle volonté de notre part d’avoir un tel duo, souligne Abuz. Je ne voulais poser que sur des sons de Mysta D, afin d’avoir une identité sonore propre à notre groupe. Aujourd’hui, comme pour le rap, tout le monde fait des prods. Ça s’est tellement généralisé… En cette période de société individualiste, les rappeurs cherchent avant tout à mettre leur image en avant. Ils n’auront pas de scrupules à aller piocher des beats un peu partout, ce qui est totalement compréhensible d’ailleurs. »

Dr Dre, Pharrell Williams et Timbaland sont des interprètes : c’est ça qui fait la différence !

Arsenik – Boxe avec les mots

En 1998, Arsenik a sorti le classique « Quelques gouttes suffisent ». Une réussite aussi commerciale qu’artistique derrière laquelle se trouve en bonne partie Djimi Finger, qui a effectué la quasi-intégralité des productions de cet album. « Mon travail avec Lino et Calbo était vraiment spontané, se remémore-t-il. On faisait de la musique comme on allait acheter du pain. » Pour qu’un producteur français atteigne un jour une renommée digne de celles d’un Booba ou d’un Rohff, faudrait-il qu’il devienne également interprète ? « Dr Dre, Pharrell Williams et Timbaland chantent et/ou rappent. C’est ça qui fait la différence ! Chez nous, des mecs comme Zoxea ou Sulee B Wax, par exemple, ont tenté de relever ce défi. Mais ils n’ont pas réussi à « tout exploser » dans les charts. Aujourd’hui, les gamins qui écoutent du rap ne s’intéressent pas vraiment à savoir qui a produit tel ou tel son du rappeur qu’ils apprécient. C’est une question de génération et de culture. Quand les rappeurs vont chercher des prods à droite ou à gauche, ils ont raison : la musique est l’une des rares choses où tu as le droit d’être polygame (rires). Et il y a tellement à consommer… »

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