De « Mélodie » de Ronisia, à « Baby » d’Aya Nakamura, « c’est Max à la guitare et Seny au piano » qui ont rythmé vos playlists. Qui sont les deux frères qui enchaînent les bangers afrobeat ?
À seulement 21 et 24 ans, les frères Max Silva et Seny Silva ont composé cinq morceaux du dernier album, DNK, d’Aya Nakamura. C’est le refrain du titre « Beleck » qui a fait connaître leurs noms au grand public : « Maintenant carrément quand on nous appelle, les gens nous chantent C’est Max à la guitare et Seny au piano, ou ils disent beleck ah-eh-eh-eh », s’amusent les frères, en reprenant l’air du morceau, reconnaissants de cette forte exposition.
Les inséparables
Ils grandissent dans le 77 (Seine-et-Marne) et sont bercés par la diversité des musiques écoutées par leurs parents : des musiques traditionnelles capverdiennes, le funana, le zouk capverdien, jusqu’à la variété française de Balavoine à M.Pokora. Dès l’école primaire, ils sont inscrits au Conservatoire. Max apprend la guitare, et Seny le piano : « On voulait être footballeurs. Au collège, quand j’ai voulu lâcher, ma mère m’a dit si tu arrêtes le piano, tu arrêtes le foot. Ça m’a tenu jusqu’à mes 16 ans ! Et aujourd’hui, on les remercie de nous avoir poussé. »
Il y a cinq ans, ils demandent à leurs parents un ordinateur et une carte son. Seny quitte sa prépa, Max passe le BAC, pour se lancer ensemble dans des études d’ingénieur du son. Le début d’une longue collaboration artistique de ces inséparables. « On n’est jamais l’un sans l’autre. Même les sessions studios, on ne les fait pas si l’un de nous deux n’est pas là, commente Seny, l’ainé de la fratrie, pourtant on est rarement d’accord, c’est comme ça les frères et sœurs. Des fois, on s’embrouille en chuchotant. C’est un combat pour arriver à la fin de l’instru », raconte Max tourné vers son frère.
« Je prends plus de plaisir à faire la passe D qu’à marquer le but. »
Ils commencent par la production d’artiste avec la jeune chanteuse Angelcy. En 2021, elle sort le tube, « Laisser faire », qui va cartonner sur TikTok. Seny est à l’instrumental, et Max à l’écriture. Ce sont les premiers pas de leur tag « c’est Max à la guitare et Seny au piano ». Le titre sera certifié single d’or en 2022. Ce fut à la fois une grande fierté pour ce morceau qui était l’un des premiers écrit par Max à 17 ans, la première fois qu’ils produisaient ensemble une artiste, et une récompense teintée d’aigreur pour les musiciens, qui sortent à ce moment tout juste « d’un an et demi de problèmes, dans le côté noir de la musique » racontent-ils à propos de la fin de la collaboration avec la chanteuse.
Après cette désillusion dans l’industrie musicale, ils préfèrent se focaliser sur la composition. Ils développent leur recette à banger : Seny compose les instrumentales, et Max écrit et pose des paroles dessus. « Parfois les prods’ ne parlent pas aux artistes, mais s’ils l’entendent avec des toplines ou des paroles, ils accrochent. Après, ils peuvent travailler le texte », explique Seny. Un travail de l’ombre que le jeune topliner et compositeur Max résume en une métaphore : « Je prends plus de plaisir à faire la passe D qu’à marquer le but. »
C’est la collaboration avec la chanteuse Ronisia sur le morceau « Mélodie (Tatami) » en janvier 2022 qui relance leur travail de compositeurs. « C’est la première instrumentale que j’ai réussi à faire après les problèmes qu’on a eus. J’étais trop content de la faire écouter à Max… et il me dit qu’il n’aime pas. Finalement, il a écrit un texte dessus en cachette. On l’a fait écouter à Ronisia, elle a kiffé. La preuve que des fois, il se trompe », taquine Seny, avec le single d’or remporté en trois mois.
« Le jour où Aya est venue à la maison, c’était un évènement ! »
Comme le titre de Ronisia, la mélodie est devenue leur marque de fabrique. C’est le morceau « Contact », une instrumentale zouk, qu’ils ont composé pour l’artiste Rsko qui a tapé dans l’œil d’Aya Nakamura. « C’est la seule qui nous a contacté avec autant de simplicité et sincérité. Sur insta, je vois un compte Aya Nakamura qui me dit salut ça va, j’aime votre travail, on peut collaborer », raconte Max, le regard rieur. « Je ne le croyais pas, enchaîne son frère Seny, mais quand j’ai vu la certification bleue… on a arrêté ce qu’on faisait, on a mis Djadja à fond dans le studio ! C’est une artiste qui nous inspirait donc c’est une consécration de travailler avec elle. Aya, c’est Aya. »
« Quand on a fait Beleck, il était 2 heures du matin, on venait de finir Baby. On hésitait à demander à Aya de dire notre tag. Alors qu’en fait, c’est une personne grave simple. Et au moment où on se posait la question, elle l’a annoncé d’elle-même dans la topline en plein milieu du son. On s’est dit là, c’est plus qu’un big up que tu nous fais… », se remémorent avec plaisir Max et Seny.
Il y a un an, avec l’aide de leurs parents, ils construisent un studio de musique professionnel dans le garage familial. Un outil pour produire leurs propres artistes. C’est là-bas que le morceau « Chacun », en featuring avec Kim a été enregistré. « Le jour où Aya est venue à la maison, c’était un évènement ! Ça nous a donné l’impression de la connaître depuis longtemps. Venir jusqu’à chez nous, un bled perdu dans le 77 et prendre le temps de manger avec nous, c’était fou. Elle nous a tout de suite fait ressentir qu’elle était comme nous. Ça fait plaisir de voir nos parents fiers. Ils se sont dit qu’ils ont bien fait de croire en nous, c’est le principal. »
Les deux frères ne sont pas devenus footballeurs comme dans leurs rêves d’enfants, mais ils ont déjà réalisé des rêves bien plus grands. Single d’or à l’étranger avec le morceau « T’as peur », un featuring entre Aya Nakamura et Mike Towers, collaborer avec Keblack, l’artiste qui a donné à Max l’envie de faire des toplines, produire leur petite sœur Victoria, jouer du piano à l’Olympia de Ronisia sous les yeux fiers de leurs parents… Et des rêves, ils en ont encore beaucoup en tête.