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Quand le rap français se fait hype ! [DOSSIER]

Quand le rap français se fait hype ! [DOSSIER]

L’avant-garde, la tendance ou autre, chacun a sa définition de la Hype. Un mot qui est d’ailleurs de plus en plus utilisé dans le rap… Booska-P a tenté d’y voir plus clair.

Hype, voilà un terme employé à tort et à travers. Depuis de nombreuses années, certains peinent même à lui trouver une vraie signification, comme si celui-ci était réservé à une poignée d’initiés. Peu à peu, celui-ci a d’ailleurs migré vers le rap, formant un nouveau game dans le game, avec ses codes, ses artistes, ses tendances, ses couleurs et ses thèmes. Comme chacun le sait, dans le hip hop comme ailleurs, tout est une question de posture ou presque. Alors, quand certains prennent le temps d’aborder leur style en se jouant des frontières stylistiques, cela mérite un petit focus. C’est donc parti pour un voyage du côté de la hype hexagonale en compagnie de quelques têtes bien faites, toutes prêtes à changer la donne pour de bon.

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Mais qu’est ce que la « Hype »?

Voilà la question que tout le monde se pose. Va pour le Larousse, autre dictionnaire connu de tous, pour une définition pure et dure du mot anglophone. Malgré tous nos efforts, la signification du fameux terme ne sortira pas de ses pages. On préfère alors une courte recherche sur les internets pour trouver notre réponse grâce au dico made in Wikipédia, le Wikitionnaire : « Hype; adjectif : 1.Avant-gardiste 2. Chic, branché, à la mode« . Voilà qui nous convient…

Dès lors, il est important de définir cette fameuse hype au sein même de ce que l’on appelle le rap français. Yoan Prat, co-fondateur du média Yard, va dans ce sens : « C’est difficile de mettre une définition sur le terme Hype. Chez nous, c’est peut-être la plus grande source de débat. Qu’est-ce qui est hype et qu’est-ce qui ne l’est pas?« . Côté rap, il plaide donc pour une signification lourde de sens : « Le rappeur hype, c’est celui qui ne va pas se baser sur sa street credibility, mais plus sur l’aspect visuel qui l’entoure« .

Proposer une image et un délire particulier ? Voilà ce qui intéresse. Les musiques urbaines, un domaine qui est traversé par une nouvelle génération d’artistes dont les influences divergent, mais restent marquées par l’apparition des connexions internet à haut-débit, la rencontre entre le luxe et le streetwear, mais aussi par des collègues américains qui ne reculent plus devant rien…

L’Amérique, point de départ

Loin de nous l’idée de placer constamment les Etats-Unis au-dessus de la France comme un grand cousin un peu gênant. Néanmoins, force est de constater que l’Amérique fait effet de miroir sur le rap jeu local. Ainsi, comment parler de l’avant-garde de notre contrée sans évoquer le nom de Kanye West ? Véritable briseur de barrières, l’homme est devenu une icône en n’écoutant que sa propre personne. Du beatmaking à la mode, en passant par le rap, Kanye West est passé pour tous les chemins pour imposer sa marque dans une pop culture aujourd’hui mondialisée, celle d’un hip hop sans frontières.

Aînés de celui qu’on surnomme Yeezy, les membres d’Outkast ont été de ceux qui font bouger les lignes. Ici pas de malaise adolescents sur les bancs de la faculté à la Kanye, mais une attitude décomplexée, loin du triumvirat gun, muscles et monnaie. Yoan confirme : « Pour moi, Outkast a régénéré le genre. Sur scène ou dans ses clips, le groupe tente des pas de danse, des grimaces, joue sur l’humour et les tenues« . Une autre manière, donc, de faire du rap un univers protéiforme, loin de se cloisonner à un style particulier. Désormais, l’Amérique affiche d’ailleurs de nombreux descendants d’Outkast et Kanye West. Des enfants terribles qui ne se cachent plus pour aller plus démonter les codes.

Le rap US, une caricature ? Loin de là. Pêle-mêle on peut citer des influenceurs identifiables entre mille, surtout lorsqu’il est question de style : ASAP Rocky, Lil Uzi Vert, Migos, Young Thug, Rae Sremmurd. Des artistes qui selon Yoan Prat « n’ont pas à se justifier, car ils viennent tous du hood« . Dès que l’on vient d’un coin réputé chaud, pas besoin, donc, de mythifier notre enfance, la porte se retrouve ouverte sur le champ des possibles. Ce n’est pas un Thugga Thugga amateur de jupettes qui dira le contraire. La remise en cause ? Très peu pour eux, donc. Le but est ici de kiffer et de proposer un rap presonnel, rien de plus.

Génération internet

Après l’épreuve du feu des défricheurs de tendance venus du pays de l’oncle Sam, c’est désormais au tour d’une nouvelle garde bien de chez nous de faire kiffer avec un rap « hors les murs ». Ici plusieurs influences se mêlent, de quoi amorcer une redéfinition du game avec de nouveaux codes. Bienvenue dans un univers fait de références à l’ère 2.0, aux imaginaires numériques et autres. Comme dans les clips de Yung Lean et Keith Ape, rendez-vous donc avec des néons dans tous les sens, des incrustations 3D et enfin des filtres à faire pâlir n’importe quel professionnel de l’application Instagram.

Du plus confidentiel au plus populaire des rappeurs, chacun balance des teintes rosées et des ambiances vintage à souhait avec des effets « cassette VHS ». Que ce soit chez Jorrdee, Sneazzy, Kekra ou encore Joke, nos bonhommes s’abreuvent de ce que la toile offre comme « exotismes ». La tête est tournée vers le continent asiatique, sa calligraphie, ses films et ses mangas. Loin, très loin même d’une sombre cage d’escalier ou des barres d’immeuble de votre quartier. La palme revient donc à celui qui saura, mieux que les autres, incarner ce qui est « cool » en balançant du neuf, de l’inédit.

où le vécu et la rue semblent l’emporter sur le reste

Yoan Prat arrive d’ailleurs à mettre quelques mots sur le phénomène face à une France du hip hop « où le vécu et la rue semblent l’emporter sur le reste« . Pour lui, il s’agit de trouver l’artiste pour lequel « il n’est pas compliqué d’être qui il est« . Débarquer avec son naturel, éloigné des lois en vigueur ? Voilà le challenge du moment pour quelques-uns de nos rappeurs. Take A Mic, artiste au style affirmé, met ainsi l’accent sur sa personnalité propre pour expliquer son rejet des codes établis : « Je fais les choses comme je les sens. Le style ? C’est une affaire qui regarde chacun de nous, chez moi c’est comme une éducation. Mon père s’est toujours intéressé à la sape. Très tôt à l’école, j’ai donc porté des choses que les autres ne portaient pas. En un sens, j’ai toujours eu mon propre style« .

L’art ce n’est pas juste la musique

Jorrdee confirme : « L’art ce n’est pas juste la musique. C’est aussi des clips, du graphisme, de sapes, des pochettes. C’est un tout. C’est ta passion, mais à 100%. Moi je me suis permis des trucs que d’autres ne feront jamais, le vernis sur les ongles c’est un exemple. Mais je ne juge pas, chacun a son histoire« .

Quand le luxe vient de la rue

Le luxe se cherche également un nouveau souffle, un ailleurs capable de redéfinir une industrie toujours à la pointe. Pas étonnant que les rappeurs occupent désormais les premiers rangs des défilés. Pas surprenant également, de voir des marques estampillés street s’acoquiner avec les enseignes les plus respectés. Comme exemple, on peut d’ailleurs citer Louis Vuitton qui a récemment fait confiance aux skaters de Supreme pour une collection surprise qui a fait grand bruit. Plus vraiment engoncé dans leurs capuches,les rappeurs font donc appel à des professionnels pour toucher à un autre idéal visuel et vestimentaire.

La styliste Léa Glaigevitch fait partie de cette classe de pros capable d’apporter sa touche dans le rap actuel. Collaboratrice de Nekfeu, Deen Burbigo ou encore S.Pri Noir, elle conçoit des pièces uniques pour les artistes. Dans l’hexagone, le phénomène paraît novateur, mais constitue un véritable tournant. Il n’est ainsi pas rare de croiser un MC vêtu d’un ensemble haut de gamme, spécialement pensé pour lui. De quoi donner une nouvelle voix à son art. Parfait cocktail entre street culture et couture, Léa nous a renseigné sur son parcours : « j’ai étudié dans une école de mode et je me suis vite dirigée vers les vêtements masculins. Je suis également une fan de rap et pour moi, les clips qu’on peut regarder sont comme les tableaux d’aujourd’hui« .

A la manière d’une peintre moderne, elle apporte de la couleur aux univers de ses clients en créant des tenues sur-mesure, le tout dans des couleurs, des coupes et des tissus bien précis : « C’est un travail d’équipe. On rencontre les réalisateurs et les rappeurs pour voir ce qu’ils demandent et après je vois. Il est important pour moi que les artistes soient impliqués dans le processus créatif de leurs vêtements« . On lui doit notamment les créations visibles dans les visuels de « Licence To Kill » et « Skywalker » de S.Pri Noir. Autre exemple, elle aura rendu le phénomène des sapeurs congolais accessible à tous grâce au tube « Sapés comme jamais ». C’est elle qui a en effet imaginé le costume de Maître Gims.

Le style comme signature

Pour Take A Mic, la hype est quelque chose de simple et lui ne s’affirme pas comme un « dictateur des tendances ». En toute franchise, il nous a expliqué le pourquoi du comment : « Je ne joue pas un jeu, quand j’apparaîs dans mes clips, c’est avec mes vêtements, c’est moi tout simplement. Après, la teinture, tout ça, cela agit comme une signature. Mais je ne suis pas là pour dire aux gens quoi porter ou autre. Non, ma musique, tout le monde a le droit de l’écouter. Je ne vise pas un public en particulier« . Une marque d’humilité qui force le respect, libre à nous de s’inspirer de son style ou non.

En partenariat avec la marque Alyx, Take lorgne aussi vers les dernières collections « Saint Laurent, Gucci et tout ce qui est un peu extravagant, qui apporte de la couleur« . Débarquer avec une nouvelle teinte pour le game, voilà ce qu’il tente de faire. Comme un gimmick, il nous répète qu’il faut « oser des choses comme Busta Flex ou Mac Tyer ont pu le faire« . Enfin, le rappeur originaire d’Orly n’oublie pas de nous rappeler que la fameuse hype peut venir de partout, même de là où on ne l’attend pas vraiment : « Jul ou encore PNL sont des influenceurs. Chacun dans leur démarche, ils arrivent à démocratiser un style qui vient essentiellement de la rue. Grâce à eux, tu peux porter un maillot de foot avec d’autres pièces« .

les personnes qui bossent dans les milieux créatifs contactent les artistes urbains

Ainsi on peut dire sans sourciller qu’aujourd’hui le rap et les cultures urbaines redéfinissent l’avant-garde. Le mot de la fin reviendra d’ailleurs à un Take A Mic inspiré : « avant même de chercher des modèles, les personnes qui bossent dans les milieux créatifs contactent les artistes urbains. L’influence vient de là, clairement. Toutes les marques se concentrent sur nos clips et nos comptes Instagram. Avant la mode n’avait pas besoin de nous dans les magazines« . Les kids, capables d’inonder les réseaux sociaux plus que de feuilleter les pages des mags, n’iront pas à l’encontre de cette idée.

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