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Les 10 titres les plus emblématiques du Secteur A [DOSSIER]

Les 10 titres les plus emblématiques du Secteur A [DOSSIER]

Retour en musique sur l’une des épopées les plus mythiques du rap hexagonal…

L’histoire de la Secte Abdulaï c’est l’histoire d’une bande de rappeurs dont les alias resteront à jamais gravés au panthéon du Hip Hop de France, et qui à compter de la deuxième moitié des années 90 va prendre d’assaut les charts pour faire vaciller les codes de l’industrie du disque comme personne avant eux.

Sous la houlette du malicieux manageur-punchlineur Kenzy, le collectif dont les membres aimaient à se surnommer les « 10 petits nègres » a su capitaliser sur son imagerie banlieusarde pure et dure, tout en ouvrant sa musique à de nouveaux réseaux.

Quasi omniprésent sur les ondes et sur les plateaux télés, le Secteur Ä inaugure un marketing de masse inédit pour l’époque en proposant alors à chaque type de public son rappeur préféré.

La formule qui sent le soufre bon teint et les paillettes permet d’empiler les disques d’or et amène le hashipéhasopé là où il n’était encore jamais allé.

Le point d’orgue du phénomène A tréma sera très certainement ces deux concerts donnés à l’Olympia les 22 et 23 mai 1998 à l’occasion de l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage.

L’histoire sera ensuite fatalement moins belle et prendra fin sur fond de guerres d’égos et de bilans comptables un peu trop embrumés.

Voici une sélection de 10 titres, pas forcément les plus connus ou les meilleurs, mais qui racontent ce que fut un certain R.A.P. tricolore à la fin du siècle dernier.

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Traîtres – Ministère AMER (1992)

Dans une France rapologique bercée de thématiques zulus à la peace, love, unity & havin fun, l’encore trio du Val-d’Oise annonce sans détour la couleur avec le morceau phare de leur premier maxi. Foin d’ambiance « hip-hopienne », le propos se veut novateur et engagé, la forme « vulgaire ».

Pas encore super-héros du ghetto, Passi et Stomy posent avec fougue, mais non sans une certaine candeur, la première pierre de l’édifice à venir.

Certes un quart de siècle après les faits, le titre n’a pas forcement aussi bien vieilli que dans nos souvenirs, mais il est tout de même labélisé classique.

Sacrifice de poulets – Ministère AMER (1995)

Convié sur la bande originale de La Haine, « monsieur Stomy laisse la place à Bugsy » sur une instru oppressante à souhait et vient narguer les forces de police armé de son flow psychopathe.

Après Brigitte femme de flic, cette nouvelle provocation vaudra à Gilles Duarte et son groupe d’écoper d’une amende de près de 40 000 euros.

Alors que certains médias s’imaginent le collectif sarcellois en pointe émergé d’une véritable secte religieuse et/ou d’un syndicat du crime, cette condamnation judiciaire marque un tournant artistique pour les rappeurs.

Désormais les mauvais garçons vont accepter de se plier un peu mieux aux règles du mainstream et commenceront à enchaîner les tubes radiophoniques.

Quand Bugsy et son gang dégomment – Stomy Bugsy feat. Ärsenik, Neg’ Marrons & Hamed Daye (1998)

« C’est juste le premier ceau-mor ». C’est sur ces mots que se conclue cette orgie rapologique qui sert d’introduction au premier solo de missile Mysto.

Accompagné du crew au quasi complet, cet egotrip exalté met « les points sur les A » dans un délire cinématographique tendance gomina et costumes croisés.

Le tout se veut scarla mais s’apprécie avec une once de second degré évidente. Ou quand les rappeurs ne faisaient alors que jouer aux gangsters…

79 à 99 – Passi (1999)

Second titre du carton solo Les Tentations, le remix de 79 à 97 s’inscrit dans la grande tradition des morceaux introspectifs.

Si question flow Issap n’a jamais vraiment été le rappeur le plus technique qui soit, il livre ici un texte sincère et accessible, bien que déjà truffé de références à son crew.

Sur un sample du Hollywood de Rick James, l’Altesse raconte « les profs, le rap, la rue » sans jamais tomber dans le voyeurisme.

Dans ma rue – Doc Gynéco (1996)

Bruno B. dresse avec le cynisme rigolard qu’on lui connait le portrait romancé de son arrondissement chéri sur fond de sirène californienne.

Plus quartier que cité (c’est pas l’été du Ministère), la mise en texte happe à l’auditeur jusqu’à lui donner l’impression de payer un loyer Porte de la Chapelle.

Alors certes dans la rue du Doc « ça vole » et « ça viole », mais on ne s’y ennuie jamais.

Étonnamment c’est l’un des rares morceaux de l’album dénué de la moindre référence au football.

Classez moi dans la varièt’ – Doc Gynéco (1996)

Morceau prémonitoire s’il en est.

Le gynécologue remet les pendules à l’heure pour tous ceux à qui « Afrika Bambataa l’a mis dans le baba », à coups de piques adressées tant à l’ancienne qu’à la nouvelle « ras le bol ».

Alors qu’on célèbre cette année la double décennie de la Première Consultation, le texte sonne toujours comme s’il avait été écrit la semaine dernière à peine.

Chantre de l’ouverture musical, Doc G. inaugure malgré lui ces générations à venir qui vont progressivement s’émanciper des figures imposées, quitte à rendre plus d’un État d’Amérique sceptique comme une fausse.

Oui la varièt’ c’est aussi un rappeur qui sample Barbie Girl d’Aqua…

Tout saigne – La Clinique Feat. Les Sales Gosses (1996)

La jeune garde du Secteur kicke la bave aux lèvres sur la légendaire compile Hostile. Un Papillon plus frénétique que jamais en remet une couche et fustige le « rap à l’eau », alias ces MCS qui ont « la virgule au-dessus de leurs semelles » en promo comme en studio.

Oui il fût un temps où les chiffres et les chiffres ne constituaient pas la seule finalité du rappeur moyen.

La petite pique envoyée aux Nick Ta Mère passe crème (« Tout n’est pas si facile, tout ne tient qu’à mon style »), tandis qu’un Gynéco surgi des ténèbres balance la punchline de l’année avec « le rap part en couilles et je lui prête mes boules ».

On fait les choses – Première Classe (1998)

Jacky et Ben-J des Neg’ Marrons s’unissent au nouveau venu et ex-Time Bomb Pit Baccardi pour lancer le label Première Classe dont l’objectif est de décloisonner le monde du rap hexagonal.

Single amiral du premier volume de la compilation du même nom, On fait les choses produit par le beatmaker maison Djimi Finger qui pour l’occasion rééchantillonne Les étrangers de Léo Férré tournera jusqu’à plus soif sur les ondes.

Une nouvelle démonstration s’il en était besoin de la puissance de feu médiatique et commerciale du Ä.

Boxe avec les mots – Ärsenik (1998)

Mètre étalon de la crédibilité de rue des années 1.9.9.X., Calbo et Lino signent là une démonstration d’écriture et de flow avec un thème qui flirte pourtant allègrement avec le déjà-vu (la parabole entre boxe et rap).

Sur un sample de Jean-Sébastien Bach, le duo de Villiers-le-Bel distille son poison façon « tueurs de clowns » et démontre qu’exigence artistique et succès commercial peuvent marcher l’un avec l’autre.

Affaires de famille – Ärsenik feat Assia, Doc Gynéco & Leeroy Kesiah (1998)

Les frangins croco clippent là le titre le plus « commercial » de leur opus certifié or et classique, Quelques Gouttes Suffisent.

Si l’humeur est à l’unité, la sortie du morceau coïncide à peu de temps près avec le début de la fin de l’âge d’or d’Abdulaï. Bientôt surgiront des embrouilles, les départs…

D’une certaine manière c’est tout le rêve de construire une alternative à cette industrie qui s’envole, une industrie qui broie jusqu’à ses enfants les plus appliqués.

Quelques 20 ans après les faits, il manque toujours « une phrase en eule eule eule » et personne n’a encore réussi à « quéma » ni la musique, ni le cinéma.

Ecoutez 10 titres phares du Secteur Ä sur la chaîne Booska-p d’Apple Music :

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