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Faut-il attendre la fin de la saison pour nommer Stephen Curry MVP ?

Faut-il attendre la fin de la saison pour nommer Stephen Curry MVP ?

Alors qu’il reste encore près d’un tiers des matchs à jouer, la question se pose avec insistance tant il est rare de voir un joueur dominer la NBA avec autant d’aisance…

L’ÉTAT DE GRÂCE PERMANENT

Impérial, époustouflant, grandiose, étincelant… les épithètes commencent sérieusement à manquer pour qualifier le niveau de jeu de Stephen Curry.

Alors que les Golden State Warriors affrontaient le weekend dernier le Thunder de Kevin Durant et Russell Westbrook, l’une des rares équipes en mesure de leur tenir tête, deux jours après avoir marqué 51 points face à Orlando, le meneur de jeu a terminé la rencontre avec 46 unités tout en plantant le shoot de la victoire à 11,7 mètres du cercle !

Mieux, en un match il a une nouvelle fois battu son propre record de tirs à trois points inscrits sur une saison (286), égalé le record de tirs à trois points inscrits sur un match (12) et dépassé le record de matchs comptant au moins un tir à trois points inscrit (129 rencontres d’affilées).

[Et accessoirement dépassé en sept saisons le record de carrière de son père, Dell Curry, autre gâchette qui a joué en NBA 16 ans durant.]

Stephen Curry, ou quand l’extraordinaire devient ordinaire.

SHOOT TO KILL

Détenteur du titre de Most Valuable Player, beaucoup d’observateurs avaient alors estimé que l’exercice 2015 signait l’arrivée à maturation du numéro 30, qu’il s’agissait là de sa saison de référence (23,8 points, 7,7 passes, 4,3 rebonds et 2 interceptions).

À la stupeur générale, il n’est rien. Stephen Curry a élevé son niveau de jeu dans quasiment tous les domaines, à commencer par son shoot dont il a même amélioré les pourcentages de réussite alors qu’il score désormais en moyenne 7 points de plus par match !

Avec 57,1% d’adresse à 2 points, 46,8% à 3 points et 90,8% aux lancers francs (!), il peut se targuer d’appartenir au club très fermé (sept membres seulement) des 50-40-90.

Sa réussite insolente dépasse cependant le cadre parfois trop réducteur des chiffres. Capable de scorer dans n’importe quelle position et à n’importe quelle distance (shoot à 9 mètre en contre-attaque, shoot après un step back ou en sortie de dribbles…), il bouleverse les règles établies, et pas seulement chez les développeurs de jeux vidéo.

Plutôt que de se farcir dans une soupe de statistiques vite indigeste pour les non-fétichistes du chiffre, voici un exemple qui résume bien la situation actuelle : quand il prend un tir en position les ‘Dubs’ célèbrent son panier avant même que la balle ne touche le cercle – quand ce n’est pas Curry lui-même qui anticipe et retourne en défense.

UN CASSE TÊTE INEXTRICABLE

Si Curry domine à ce point les débats c’est qu’il ne se résume pas à son shoot stricto sensu. Il accomplit sa meilleure saison en termes de rebonds (5,3) et de d’interceptions (2,1) – à l’heure actuelle son Player Efficiency Rating de 32,9 est d’ailleurs le plus élevé de l’histoire du basket.

Bourreau de travail, son excellente condition physique lui permet d’exercer une pression permanente en défense.

Véritable créateur offensif, il combine une excellente vision de jeu avec des qualités de dribbles et de passes qu’il emprunte à la fois à Allen Iverson et à Steve Nash.

Une équation quasi impossible à résoudre pour les défenses adverses : défendre trop haut c’est lui donner l’occasion de jouer en pénétration et de libérer des espaces pour ses coéquipiers, lui laisser trop de distance c’est risquer à chaque possession de prendre un panier facile.

Bien évidemment hors de question de se lancer dans une tentative désespérée de Hack-A-Curry quand le type sur qui vous faites faute intentionnellement pour l’empêcher de marquer rentre plus de 9 lancers francs sur 10.

Ne resterait donc qu’à reculer la ligne à trois points comme le réclament certains…

UNE NOUVELLE (R)ÉVOLUTION

On a tendance à l’oublier mais en 1979, quand les tirs à 3 points font leur apparition en NBA ils sont perçus comme un gadget et largement conspués par les puristes.

Signe de ce dédain, jusqu’au milieu des années 80, des marqueurs de la trempe de Michael Jordan et Larry Bird affichaient des pourcentages de réussite très modestes

Aujourd’hui le jeu s’est considérablement élargi et le tir à trois points a pris une place considérable. Plus encore que le tir à mi-distance, il est devenu un must dans l’arsenal offensif des arrières.

« À mi-distance, l’adresse est plus faible (38,7%) et chaque tir pris ne rapporte que 0,77 point. À trois points, l’adresse baisse encore (35,7%) mais comme le tir vaut plus, il rapporte 1,07 point par tentative. Et il crée plus de rebonds offensifs .» (Source : Basket USA)

Stephen Curry parachève en quelque sorte cette tendance. Comme d’autres avant lui dans d’autres domaines (Bill Russell au contre, Julius Erving au dunk ou Dennis Rodman au rebond), il accélère la mutation du basket.

JORDAN DANS LE VISEUR ?

À l’image de leur meneur, les Warriors jouent un basket offensif et soyeux où chaque joueur (Draymond Green, we see you) rempli à merveille le rôle qui lui est assigné. Résultat, après avoir compilé 67 victoires en saison régulière l’an passé, avec 53 victoires et 5 petites défaites les Dubs sont actuellement en lice pour améliorer leur bilan.

Mais le chiffre qui compte, celui qui est dans toutes les têtes, est celui du formidable record établi par les Chicago Bulls millésimés 1996 (Jordan, Pippen Rodman, Jackson…) qui avaient remporté 72 victoires.

Une rapide règle de trois montre que la franchise de la Bay Area est plus que dans les temps pour rentrer dans l’histoire.

QUID D’UNE MAUVAISE SURPRISE ?

Sauf scénario catastrophe (blessure, enlèvement par les extraterrestres…), qui pourrait empêcher Stephen Curry de devenir le premier meneur depuis Steve Nash à être sacré deux fois d’affilé MVP ?

Il arrive que les votes réservent parfois quelques surprises. On peut se souvenir qu’en 1962 le titre de meilleur joueur avait échoué à Bill Russell alors que Wilt Chamberlain affichait 50 points et 25 rebonds par match et qu’Oscar Robertson terminait sa saison avec des stats en triple double (!).

Plus proche de nous, la distinction a échappé à plusieurs reprises à Michael Jordan, notamment par lassitude des votants à son égard (ce qui l’a privé du triplé MVP à deux reprises).

Enfin, cette année d’autres joueurs méritent amplement de remporter le trophée Maurice Podoloff : Russell Westbrook et James Harden accomplissent en effet chacun leur meilleure saison (ce qui n’est pas peu dire), tandis que LeBron James (à qui on ne va pas se mentir, Curry donne quand même un petit coup de vieux) et Kevin Durant tournent à plein régime.

QUELLE PLACE DANS L’HISTOIRE ?

S’il est encore tôt pour juger du fait que Curry est le meilleur meneur de l’histoire ou même l’un des meilleurs joueurs (le simple fait qu’il y ait débat alors qu’il n’a que 27 ans est déjà énorme), la seule vraie question qui se pose est celle de savoir si Golden State va décrocher un deuxième titre en juin prochain ?

Si Stephen Curry enchaîne une nouvelle fois le combo MVP/champion NBA, il fera non seulement jeu égal avec Magic Johnson (seul meneur dont le palmarès compte plusieurs titres de MVP et de champions), mais surtout il deviendra seulement le quatrième joueur à réussir ce doublé (2 titres de MVP et 2 titres de champion en deux ans) aux côtés Bill Russell, Michael Jordan et LeBron James.

Toujours est-il en attendant que Stephen Curry ne retouche un jour le sol, alors qu’il est en train d’écrire l’une des plus belles pages du basket sous nos yeux, ne boudons pas notre plaisir et profitons sans retenue de cette cascade interrompue de prouesses.

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