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« Take Care » fête ses 10 ans : quand Drake c’était mieux avant

« Take Care » fête ses 10 ans : quand Drake c’était mieux avant

Le 15 novembre 2011, Aubrey Graham, 25 ans, sortait son magnum opus…

« Drake c’était mieux avant », en voilà un titre de boomer.

Et pourtant à la lueur de son récent Certified Lover Boy, difficile de ne pas se montrer nostalgique.

Certes, Drake ce n’était pas tout le temps mieux avant (sur son premier album Thanks Me Later sorti en 2010 ainsi que sur la série de mixtapes qui l’ont précédé il se cherchait), mais à compter de Take Care, le Canadien a mis tout le monde d’accord.

Sous la houlette de Noah ’40’ Shebib qui à la production a concocté ce fameux son « aquatique » (clarté des rythmiques, sonorités rnb lancinantes et effets d’échos), l’opus a réussi à mettre en équilibre 80 minutes durant tout ce qui auparavant était un peu bancal chez lui : le rap et le chant, son égotisme et sa sensibilité, sa candeur et ses aspirations à la grandeur…

Retour track-by-track sur ce classique qui a précipité le rap dans une nouvelle ère.

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1. Over My Dead Body

Quelques notes de piano qui se répètent, une voix féminine qui se fait entendre au loin (celle de Chantal Kreviazuk), un Drake que l’on devine soucieux malgré ses paroles pleines d’assurance… Take Care vient à peine de débuter que déjà se fait sentir cette douce mélancolie qui ne va par la suite jamais vraiment disparaître.

Une entrée en matière aussi sobre qu’élégante.

2. Shot for Me

L’un des grandes qualités de l’ami Aubrey c’est de pouvoir passer d’un Drake à l’autre sur commande, lui qui juste après se l’être raconté dans les grandes largeurs, redevient ce garçon doux et sensible qui lutte pour se défaire du souvenir de ses ex.

Un brin revanchard une fois le succès au rendez-vous, il n’en oublie pas de distiller quelques pointes d’agressivité passive à l’attention de toutes les Alisha et Catya de Toronto (« First I made you who you are and then I made it »).

Musicalement, il joue ici à fond de cette dualité : crooneur à l’entame et au refrain (« Uh-huh, uh-huh, oh-woah, oh, woah »), il rappe son deuxième couplet, puis récite une courte prière, avant de laisser l’instru conclure les débats sur une envolée du plus bel effet.

3. Headlines

Le premier single de Take Care impressionne par son énergie et sa rigueur.

Egotrip mais pas que, Headlines est l’occasion pour Drake d’admettre à demi-mots n’avoir pas toujours été à la hauteur des attentes générées, non sans ruminer les conséquences de sa célébrité nouvelle.

Pas encore roi des légendes Instagram, il n’oublie cependant pas de délivrer au passage quelques quotes de bon aloi (« overdosed of confidence », « realest on the rise », « the old Drake », etc.).

4. Crew Love (featuring The Weeknd)

Clairement, Take Care ne serait pas Take Care sans Abel Tesfaye.

À la manœuvre sur un bon tiers de la tracklist (The Ride, Shot For Me, Cameras/Good Ones Go, Practice…), il signe ici l’hymne ultime à la bromance avec des vocaux que l’on croirait enregistrés au beau milieu d’une cathédrale.

Oui, Crew Love c’était cette époque dorée où « that OVO and that XO were everything you believe in ».

5. Take Care (featuring Rihanna)

Riri et Drizzy, les Rachel & Ross des années 10, font parler leurs cœurs adolescents sur une reprise de Gil Scott-Heron et Jamie xx.

Inutile de jouer aux faux-cyniques, entendre Drake poser un genou à terre devant une Rihanna qui n’a peut-être jamais été aussi reine a quelque chose de franchement touchant.

Qui a dit que la romance et la monogamie étaient mortes ?

6. Marvin’s Room

Le morceau qui en a déculpabilisé plus d’un d’appeler éméché son ex en pleine nuit.

Triste et vulnérable, Drake monologue avec cette fille, dont on ne sait pas si elle est un coup d’un soir ou l’amour de sa vie, pour lui dire tout ce qu’il ne devrait pas lui dire – qu’il sait qu’au fond elle pense encore lui, qu’il vaut mieux que son mec du moment, que si ce n’est pas elle c’est une autre…

Plus « simp » que salaud, il ne cherche pas à se donner le beau rôle.

Marvin’s Room c’est de l’introspection, de la vraie, doublée d’une interprétation au diapason. Encore aujourd’hui l’un des moments forts de la carrière du Canadien.

7. Buried Alive Interlude (Kendrick Lamar)

Nouveau venu au microphone (sa discographie ne compte à cet instant T que Section 80), K.Dot se voit offrir une piste rien qu’à lui pour rapper sur les affres de la célébrité.

Les montagnes se rencontrent.

8. Under Ground Kings

Avant Started From The Bottom, il y a eu Under Ground Kings (le titre rend hommage au groupe du regretté Pimp C, UGK).

Torse bombé, menton qui pointe vers le soleil, Aubrey G. reprend sa casquette de rappeur pour revenir sur ses débuts et rassurer les foules que l’histoire va se poursuivre de plus belle.

Extrêmement confiant, il en profite pour imiter Lil Wayne pour plier le beat.

9. We’ll Be Fine (featuring Birdman)

Toujours dans son délire thug, Drizzy continue de s’y croire.

Une piste pas indispensable qui sert de prétexte à son boss d’alors Birdman pour pointer le bout de son nez dans les derniers mètres.

Mélange de premier et second degré (« Kill spray anything in the way (…) Toronto, stand up for one of the realest niggas »), son intervention relève néanmoins la sauce.

10. Make Me Proud (featuring Nicki Minaj)

Référencée précédemment, Queen Nicki débarque en majesté sur ce Best I Ever Had 2.

Bon attention, les flatteries dont Drake la couvre sont ici amplement méritées tant elle découpe tout sur son passage avec un seize mesures au faux-airs de best-of de ses capacités (changements de flow, changements de rythmes, changements d’intonations, chant…).

Si vous vous demandiez pourquoi Young Money dominait à ce point les débats au début de la décennie, Make Me Proud vous donne la réponse.

11. Lord Knows (featuring Rick Ross)

À l’heure où la rumeur d’un album commun entre Drake et Rozay ressurgit, rappelons-nous la palanquée de hits dont les deux lascars nous ont gratifiés : Stay Schemin, Aston Martin Music, I’m On One, Diced Pineapples

Moins connu, Lords Knows bénéficie pourtant d’une production incroyable de Just Blaze (« Just Blaaze! »), sorte de gospel triomphant rappelant l’épopée Roc-A-Fella.

Ajoutez quelques rimes passées à la postérité (Drake qui clame « ne pas rapper pour les renois qui ne se tapent pas de ch*ttes », ‘Freeze’ Renzel qui se vante d’être « le seul ‘fat nigga’ du sauna entouré de Juifs »), et nous voilà en présence d’un nouveau sommet de Take Care.

12. Cameras

Si vous êtes fan de la voix de canard de Drake période So Far Gone et de la vie par procuration (une vague histoire de jalousie et de couverture de magazine), pourquoi pas ?

Sinon c’est un skip.

13. Good Ones Go

Interlude sur lequel The Weeknd passe roucouler, pendant que le maître des lieux se lamente sur le fait que les meilleures partent en premier.

Il est possible qu’entre la première écoute en 2011 et aujourd’hui, le refrain prenne une signification différente, bon nombre desdites meilleures s’étant entretemps casées…

14. Doing It Wrong

Le featuring tant attendu avec Stevie Wonder… qui se contente de jouer de l’harmonica.

Pas grave, cela n’empêche aucunement cette balade douce-amère sur une relation qui n’en est pas une de toucher sa cible – quitter quelqu’un ce n’est jamais facile, quitter quelqu’un pour qui on a de l’affection c’est encore plus difficile.

Comme quoi, l’émo quand c’est bien amené et que ça ne se limite pas à de la pleurniche autocentrée, ça peut être très cool.

Top 3 de l’album ?

15. The Real Her (featuring Lil Wayne & André 3000)

Convié sur Thank Me Later, André 3000 avait décliné. Pas rancunier, Drake a renouvelé son invitation sur Take Care. Bien lui en a pris, la moitié d’Outkast se fond parfaitement dans le thème (une énième romance avec une énième stripteaseuse), allant jusqu’à admettre écouter Adèle quand il est triste « as hell ».

En prime, Weezy ramène brièvement sa fraise, ainsi que T-Pain qui back en toute discrétion le refrain.

Sans être impérissable, très agréable.

16. Look What You’ve Done

Croyez-le ou non, mais il arrive parfois à Drake de ne pas parler que de lui-même, comme ici avec ce titre qui rend hommage à sa mère Sandi, à sa grand-mère Evelyn et à son oncle Steve.

Malheureusement, bons sentiments et bonne musique ne faisant pas toujours bon ménage, ça sent un peu le remplissage.

La formule s’essoufflerait-elle ?

17. H.Y.F.R. (featuring Lil Wayne)

Retour à la « big dick energy » avec LE banger du disque : un Lil Wayne en pleine possession de ses moyens, un Drake qui oublie ses soucis pendant 3 minutes et un acronyme rentré instantanément dans la légende.

Ça, et puis aussi ce clip complétement déjanté qui voit Drake refaire sa Bar Mitzvah entouré du crew YMCMB.

« Hell Ya Fucking Right! »

18. Practice

Réadapter 12 ans après le tonitruant Back That Azz Up de Juvenile pour le tourner en slow jam, le pari était osé.

Étonnamment, Practice réussit à jouer habilement des références de l’orignal (le violon de l’intro, le flow de Juve, le texte du refrain…), sans pour autant se départir de son côté entraînant.

L’intéressé n’y a en tout cas rien trouvé à redire, bien au contraire.

19. The Ride

Une biographie expresse du Christ rythmée par la voix de falsetto de The Weeknd (« Faded-faded-faded-faded… »), de ses débuts à Toronto à ses dîners dans les meilleurs restaurants du monde.

Oscillant entre la première et la deuxième personne selon les couplets, The Ride conclut l’album, non pas sur un sentiment d’accomplissement somme toute légitime, mais sur une note presque agressive : comme s’il avait encore quelque chose à prouver, Drake prévient que ses essais suivants seront encore un ton au-dessus.

Verdict : un avant et un après Take Care

En 2011 brocardé de toutes parts pour son onctuosité, avec Take Care Drake n’a pas uniquement remporté la bataille, il a remporté la guerre. Tout ce qui à l’époque paraissait hors de propos à son sujet est devenu la norme.

Comme d’autres avant lui qui ont pavé la voie (Outkast avec The Love Below en 2003, Kanye West avec 808’s & Heartbreak en 2008), gloire doit lui être rendue, ainsi qu’à 40, d’avoir tracé son sillon sans se soucier des gardiens du temple.

Plus qu’un classique du rap, dix ans après sa sortie Take Care s’est imposé comme un grand album tous genres confondus.

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