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Ce jour où… Kris Kross a rendu les gosses zinzins

Ce jour où… Kris Kross a rendu les gosses zinzins

Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à ce jour où Mac Daddy et Daddy Mac se sont brièvement assis sur le toit du monde…

Trop souvent oublié dans les conversations où sont évoqués les Dr.Dre, Timbaland et autres Pharrell Williams, Jermaine Dupri mérite-t-il le titre de producteur rap/rnb le plus sous-estimé ?

Avec bientôt trois décennies d’activité au compteur, la question est loin d’être illégitime lui qui via son label So So Def peut se vanter d’avoir découvert quantité d’artistes certifiés platine (Da Brat, Jagged Edge, Bow Wow, Lil Jon, Dem Franchize Boyz…), mais aussi d’avoir étroitement collaboré à quelques-uns des albums les plus vendus du genre (CrazySexyCool des TLC, Confessions d’Usher, Emancipation of Mimi de Mariah Carey…).

Toujours est-il qu’au-delà des considérations sur la place qui lui revient dans les livres d’histoire, sa carrière n’aurait certainement pas été la même si au début de l’année 1991 il n’avait pas croisé par hasard la route des tout jeunes Chris Kelly (12 ans) et Chris Smith (11 ans), les futurs Kris Kross.

Le swag avant l’heure

À l’époque connu avant tout pour être le fils du président de Columbia Records Michael Mauldin, Jermaine Dupri Mauldin de son vrai nom, 19 ans, cherche à se faire sa propre place dans l’industrie musicale.

C’est alors qu’un jour où il se balade dans un centre commercial d’Atlanta, il flashe sur le style de ces deux collégiens hauts comme trois pommes.

« Air Jordan, dégradés frais du matin… ils étaient déjà des petites vedettes avant que je ne leur adresse la parole. Ils rendaient les filles folles, les magasins leur offraient des cookies gratuits… Ils étaient swag avant que le mot ne soit inventé. »

Frappé d’une vision, Dupri s’imagine faire d’eux les prochaines stars du rap quand bien même l’idée ne leur a pas spécialement traversé la tête.

« Ce qu’il faut comprendre c’est qu’ils ne cherchaient pas à devenir rappeurs ou chanteurs. Ils ne se baladaient pas avec leurs maquettes sous le bras. Quand je suis allé les voir et leur ai demandé ce qu’ils faisaient dans la vie, ils m’ont répondu ‘On est juste cools’. Direct je me suis dit qu’il fallait les faire enregistrer. »

Fans d’Ice Cube dont ils connaissent les lyrics par cœur, Smith et Kelly alias les Kriss Kriss comme JD les appelle s’empressent d’accepter la proposition.

Jump !

Un an durant, ce trio qui ne dit pas son nom cherche à concocter la formule gagnante pour s’imposer sur le marché de plus en plus concurrentiel des « babys emcees » – du sextet Another Bad Creation qui sous l’égide de Michael Bivins des Bel Biv Devoe a sorti en 1991 un premier album intitulé Coolin’ At The Playground Ya Know!, aux Da Youngsta’s, en passant par Illegal, un duo chapeauté par Dallas Austin.

Le déclic arrive avec le tout premier morceau dont Dupri se montre entièrement satisfait, Lil Boys In Da Hood, une variation du Boyz-n-the Hood d’Eazy-E qui permet à Chris ‘Mac Daddy’ Kelly et Chris ‘Daddy Mac’ Smith de décrocher un contrat chez Ruffhouse Records.

Quelques semaines plus tard, rebelote quand Dupri est de nouveau touché par la grâce lors d’un concert : « J’étais là à regarder la foule sauter dans tous les sens. Je me suis dit qu’il y avait un truc à creuser. Je suis alors retourné chez moi. Une heure après j’ai écrit Jump. »

Ou plutôt un premier jet de Jump serait-on tenté de rectifier puisqu’il est désormais de notoriété publique que Treach des Naughty By Nature a en réalité ghoswritté le texte de A à Z.

[Ce même Treach des Naughty By Nature dont le tube O.P.P. est samplé dans Jump et qui ghostwrittera Crewz Pop des Da Youngsta’s, un titre qui clash Kris Kross en référençant Jump !]

Il n’en reste pas moins que lorsque le single déboule dans les bacs le 6 février 1992 (et en cassette deux titres s’il vous plaît), c’est un raz de marée qui s’abat sur l’industrie.

Des cours de récré à Michael Jackson

Porté par la sirène piquée au Funky Worm des Ohio Players et l’énergie communicative de nos deux teens, Jump séduit immédiatement les programmateurs des stations radio et chaîne musicales, tant et si bien qu’en moins de deux mois le titre se retrouve en première place des charts et ce pour huit semaines consécutives. Du jamais vu dans le rap !

Évidemment ni Jump ne serait pas Jump, ni Kris Kross ne serait pas Kris Kross sans son clip où le duo est mis en scène habillé de fringues portées à l’envers.

Si aujourd’hui la mode prête au mieux à gentiment sourire, le « backward style » comme il était surnommé s’est sur le coup propagé comme une traînée de poudre dans tous les établissements scolaires du pays.

Surfant sur cet engouement sans pareil, leur premier album Totally Krossed Out sort le 31 mars et se classe lui aussi numéro 1 ! Entièrement produit par Jermaine Dupri, il fait l’effort de ne pas être un simple attrape-cash (cf. notamment, mais pas que, les singles Warm It Up et I Missed the Bus) et se révèle encore en 2020 étonnement agréable à l’oreille.

Quatre millions d’exemplaires écoulés plus tard (soit un score bien supérieur aux adultes Chronic, Predator et Bizarre Ride II the Pharcyde sortis concomitamment), le « miggida miggida miggida miggida Mac Daddy » et Daddy Mac sont partout.

Invités dans les clips de Run DMC (Down with the King) et TLC (Hat 2 Da Back), ils apparaissent dans les séries télé tendance du moment In Living Colors et Campus Show, sont interviewés par Oprah Winfrey et se voient même dédier un jeu vidéo rien qu’à eux sur Mega Drive, Kris Kross: Make My Video.

Consécration ultime : le roi Michael Jackson leur propose non seulement un caméo dans le clip de Jam en compagnie du dieu Michael Jordan, mais aussi et surtout de venir faire la première partie de son Dangerous Tour !

Plus dure est la chute…

Au zénith de leur popularité avant même d’avoir l’âge d’aller voter, Chris Smith et Chris Kelly battent l’année suivante le fer tant qu’il est encore chaud avec un second essai, Da Bomb.

Toujours de mèche avec Jermaine Dupri qui vient de lancer So So Def, ils changent à la surprise générale leur fusil d’épaule en s’aventurant sur les sentiers du gangsta rap.

Lyrics hardcores, comportements de durs, piques adressés à la concurrence… qu’ils s’agissent de leurs fans ou de les détracteurs, personne n’y croit vraiment, tandis qu’aucun single ne convainc cette fois les foules.

D’honnête facture, si Da Bomb parvient toutefois à accrocher une certification platine, le mal est fait et Kris Kross se voit assez injustement accoler l’étiquette de gadget marketing/phénomène de foire.

1996 marque ensuite leur chant du cygne avec Young, Rich and Dangerous, un tout dernier disque qui là encore sans être mauvais connaît toutes les peines du monde à dépasser la barre des 500 000 exemplaires.

La majorité en ligne de mire, nos deux lascars décident alors de voguer vers d’autres horizons. Kelly se tourne vers la production, tandis que Smith retourne sur les bancs de l’école pour étudier le business.

Un comeback qui n’aura jamais lieu

Si en en 2007 un retour est un temps envisagé (la rumeur évoque un LP intitulé Still Totally Krossed Out en partie produit par Kanye West), il faut attendre avril 2013 pour que Kris Kross remette le couvert.

Désormais trentenaires, les deux Chris se réunissent le temps d’un set lors du concert des 20 ans d’anniversaire de So So Def.

Malheureusement l’aventure prend subitement fin quelques jours plus tard, lorsque le 2 mai au matin Chris Kelly décède à 34 ans seulement après avoir été retrouvé inanimé dans sa maison d’Atlanta. L’autopsie pratiquée le 2 juillet conclu à une surdose médicamenteuse consécutive à une prise mélangée de cocaïne et d’héroïne.

Dévasté, Jermaine Dupri lui rend hommage sur Twitter en écrivant qu’il était « le fils qu’il n’a jamais eu ». Chris Smith de son côté publie un communiqué dans lequel il loue avec émotion « son meilleur ami de toujours », celui dont il « chérira à jamais les souvenirs partagés au sein de la C-Connection ».

R.E.P. Mac Daddy.

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