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« Enter the Wu-Tang » a-t-il passé l’épreuve du temps ? [DOSSIER]

« Enter the Wu-Tang » a-t-il passé l’épreuve du temps ? [DOSSIER]

Réponse morceau par morceau à l’occasion des 25 ans de cet album culte…

Dans l’histoire du hip hop, c’est peu dire qu’il y a un avant et un après Enter the Wu-Tang (36 Chambers). Sorti le 9 novembre 1993, cette première pierre à l’édifice Shaolin a redéfini dans les grandes largeurs ce qu’est un groupe de rap, ce qu’est le rap hardcore et ce qu’est de faire du business dans le rap.

Composé de neuf frères d’armes tous immédiatement identifiables, le Wu détonne alors en proposant un univers à la fois unique et cohérent où s’entremêle un patchwork d’influences inédites allant des vieux films de kung-fu asiatiques, aux comic books en passant par la secte des 5%.

D’une sécheresse inédite pour l’époque sans être pour autant être dénuées de musicalité, les instrumentales concoctées d’une main de maître par le shogun RZA s’imposent comme un nouveau standard.

Ainsi, sans être un immense carton commercial sur le moment, ce coup d’essai gagne très vite ses galons de coup de maître jusqu’à devenir encore aujourd’hui l’un des albums les plus chéris de sa décennie.

Un quart de siècle après les faits, il est donc temps de (re)découvrir pourquoi tout le monde aime le Wu-Tang, et même les enfants.

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1. Bring da Ruckus

Un extrait de dialogue du film Shaolin and Wu Tang, un break beat des plus dépouillés qui rappelle le boom rap de la Golden Era, quelques discrètes notes de piano saupoudrées de ça et là, un refrain qui appelle au bordel généralisé… ce premier morceau ouvre les débats de la manière la plus limpide qui soit.

Ceux qui n’aiment pas sont déjà passés à autre chose.

2. Shame on a Nigga

Énergique en diable, cette piste 2 est peut-être la plus fun de l’album (et la plus psychotique).

Responsable de deux couplets sur quatre et du refrain, Ol’Dirty Bastard ne se fait pas prier pour insuffler ce grain de folie qui fait tout son génie – si vous demandiez pourquoi le Clan a tellement souffert de sa disparition, au-delà des discours voici ici la meilleure explication.

Immédiatement reconnaissable, la production réussit à superposer les effets sonores sans jamais perdre de sa clarté.

3. Clan in Da Front

Presque solo du Genius GZA, ce titre ne lui rend pas forcément justice, beaucoup le considérant comme le plus faible de l’album (bon attention « faible » ne veut absolument pas dire dans le cas présent « mauvais »).

Malgré un sample Thelonious Monk, il est vrai que ce Clan in Da Front aurait gagné à être raccourci histoire de mieux tenir la distance. Car oui, une minute vingt d’intro, c’est vite un peu long et ce d’autant plus quand l’outro en rajoute.

4. Wu-Tang: 7th Chamber

Le Wu-Tang Clan est un certes un groupe, mais quand vient le moment de prendre le micro chacun de ses membres essayent de surpasser les autres tant en terme de technique, de flow ou d’originalité dans les lyrics.

Et plus les Killas Beez sont en nombre sur le beat, plus l’exercice prend des faux-airs de battle.

Excellente illustration ici avec cette 7ème Chambre où à un Masta Killa près tout le monde s’en donne à cœur joie.

5. Can It Be All So Simple

Plongée nostalgique dans les adolescences de Raekwon et Ghostface Killah, ce duo inaugure ce qui sera l’une des collaborations les plus fructueuses de l’histoire du rap – ce qui à la revoyure tombe sous le sens tant la complémentarité entre les deux emcees se fait sentir.

De « Rae and A », c’est cependant « Rae » qui marche le plus sur l’eau grâce à un couplet d’anthologie empreint de passion et de lucidité.

Oh et ne manquez pas la sortie de piste au cours de laquelle Method Man donne ce qui reste encore aujourd’hui la meilleure explication des différents blazes des uns et des autres.

6. Da Mystery of Chessboxin

« Une partie d’échec est comme un combat de sabres… Il est nécessaire de penser avant d’agir… »

Difficile de faire plus iconique comme intro, d’autant plus que se rajoute une ligne de basse des plus menaçantes ainsi qu’une entame tonitruante de U-God dont c’est la toute première apparition.

[Ce même U-God qui rappe ensuite sur « les diables blancs », mais bon…]

Et comment oublier ce clip complètement fou pour l’époque qui a depuis été parodié à toutes les sauces ?

7. Wu-Tang Clan Ain’t Nuthing ta Fuck Wit

Dans les mois qui ont suivi la sortie de Enter the Wu-Tang, il s’est longtemps répété que dans les vidéos clubs de Staten Island, les locations de films de kung-fu aient dépassé celle des films pornographiques.

Invérifiable, cette rumeur n’en renseigne pas moins sur l’impact qu’a eu le choix de RZA d’insérer à tout-va des samples de films des Shaw Brothers – le célèbre « Tiger Style » étant ici piqué aux Exécuteurs de Shaolin.

Sinon, un quart de siècle après les faits, le refrain donne toujours autant envie de sauter partout en n’en ayant rien à foutre de rien.

8. C.R.E.A.M.

L’acronyme le plus célèbre du rap (« Cash Rules Everything Around Me ») et le morceau de rap préféré toutes catégories confondues de beaucoup, et pas seulement des vieux croûtons de l’ancienne école.

Merci les Charmels pour cette boucle de piano aussi soulful qu’entêtante. Merci Raekwon et Inspectah Deck pour leurs couplets quatre étoiles qui dépeignent un quotidien des plus moroses, à mille lieux d’un rap apôtre du consumérisme à outrance.

La valeur attendant parfois le nombre d’années, notez que C.R.E.A.M. a mis quinze ans à décrocher un disque d’or, le single ne recevant la prestigieuse certification de la Recording Industry Association of America qu’en janvier 2009.

9. Method Man

Si l’homme de la méthode est le seul à avoir un morceau à son nom sur l’album, ce n’est pas sans raison.

Ni le plus doué, ni le plus technique des neuf rappeurs, il est cependant le plus charismatique. D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffit d’écouter ce solo.

En même temps, quand RZA vous concocte une instru aussi hypnotique ça aide.

10. Protect Ya Neck

Le tout premier titre du Wu, celui grâce à qui tout a commencé.

Financé et distribué par le groupe lui-même un an auparavant, il vaudra à la bande de recevoir quelques coups de fil des majors puis de signer chez Loud, non sans avoir obtenu auparavant que chacun des membres puisse s’engager là où bon leur semble.

Musicalement parlant, la question de savoir qui a posé le meilleur couplet n’a toujours pas été tranchée.

11. Tearz

Passage du rire aux larmes avec cette onzième piste des plus tragiques.

Malgré une instru bien pêchue qui emprunte à Wendy Rene, à Wilson Pickett, Roy Ayers et Barbra Streisand et les flows qui vont avec, l’ambiance n’est en effet pas au beau fixe : tandis que RZA raconte la mort de son petit frère, Ghostface rappe sur l’un de ses potes qui a chopé le SIDA.

Fan ou pas fan de textes storytellés, le bouton replay n’est pas une option.

12. Wu-Tang: 7th Chamber – Part II

Un remix du morceau précédent du même nom qui intervertit les couplets de l’original sans en modifier la substance et ajoute un extrait de Clan in Da Front en intro.

En vrai tout ça n’est pas désagréable, mais en vrai de vrai qui n’aurait pas préféré un titre inédit en bonne et due forme permettant à ceux que l’on le moins entendu (notamment U God et Masta Killa) de gagner en visibilité ?

Verdict : toujours gold ou un peu old ?

Pour les disciples les plus assidus du Clan, la question ne se pose même pas. Enter the Wu-Tang est un disque totem pour qui le moindre début de critique à son encontre relève du blasphème. Pour les plus jeunes (tendance fans de Lil Pump et Souncloud), pas dit que la recette ne leur parle plus que ça.

Sans donner complétement raison à ses derniers, la mort dans l’âme il faut quand même avouer que certains passages ont pris un petit coup de vieux.

Principal coupable, non pas le minimalisme des instrus, mais la qualité audio proposée – comparez avec leur essai suivant Forever sorti quatre ans plus tard et enregistré dans des conditions matérielles beaucoup plus confortables, vous verrez, la différence est flagrante.

Après que ce soit niveau énergie brute, qualité des schémas de rimes et expérience visuelle, rien n’a vraiment changé, cette 36ème Chambre mérite toujours autant la place qui est la sienne au panthéon des classiques.

Avis à tous ceux né dans les années 2000 donc : le petit effort nécessaire pour s’y replonger vaut largement la peine.

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