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Que sont devenus les reines et rois de la néo soul ?

Que sont devenus les reines et rois de la néo soul ?

La néo soul a-t-elle jamais existé ? Expression née de la bouche de Kedar Massenburg, le président de Motown Records de 1997 à 2004, elle était censée désigner cette nouvelle génération d’artistes qui à compter de la seconde partie des années 90 avait repris le flambeau supposément laissé vacant de la soul des années 70 (Marvin Gaye, Sam Cooke, Curtis Mayfield, Sly & the Family Stone, Stevie Wonder, Al Green, Donny Hattaway…) en y incorporant les sonorités hip hop du moment.

Ça, c’est sur le papier.

En vérité, comme c’est très souvent le cas dans la musique, les lignes sont floues et l’avènement d’un courant nouveau procède plus d’une évolution que d’une révolution. Là où en amont les Sade, Prince, Omar ou Teddy Riley ont participé à créer ce mélange des genres, pour compliquer les choses, la plupart des artistes étiquetés néo soul refusaient véhément cette appellation.

Il n’empêche que malgré toutes ces réserves, et encore plus avec le recul, parler aujourd’hui de néo soul renvoie bien à une communauté de chanteurs et chanteuses qui partageaient des influences identiques et qui se croisaient régulièrement sur disque et sur scène.

Et puis bon, au-delà des querelles somatiques ou de l’opposition quelque peu montée en épingle avec le rnb de la même époque, ces derniers ont participé à écrire une très belle page de l’histoire de la musique.

Largement valoir de quoi leur tirer le portrait donc.

D’Angelo

En 1995, à peine Brown Sugar entamée, la première piste éponyme du premier album de Michael Archer, 21 ans, quelque chose de différent se fait entendre.

Entre les notes de piano résolument jazz, la ligne de batterie que l’on croirait empruntée à De La Soul ou aux A Tribe Called Quest, et la voix de matou du maître des lieux, le moderne rencontre le vintage.

Ni clin d’œil trop appuyé au passé, ni grossière tentative de mise à jour, Brown Sugar vaut immédiatement à D’Angelo une réputation de petit prodige.

Il faut néanmoins patienter cinq longues années avant que ne lui soit donné un successeur, le chef d’œuvre Voodoo.

Fruit d’interminables sessions studio étalées trois ans durant aux côtés d’une dream team de musiciens au sommet de leur art (Questlove des Roots, le claviériste James Poyser, le trompettiste Roy Hargrove, DJ Premier…), Voodoo impressionne en fusionnant quarante ans de gospel, de funk et de rhythm and blues sous une identité propre.

Loué par tous pour sa profondeur et son harmonie, le disque se révèle malheureusement un fardeau beaucoup trop lourd à porter pour D’Angelo.

Écrasé tant par son statut nouveau de sex symbol (cf. le clip tout abdos dehors de Untitled (How Does It Feel?)) que par le poids de sa célébrité nouvelle et des responsabilités qui vont avec, persuadé d’avoir vendu son âme au diable, il plonge alors dans la spirale de la drogue, l’alcool et la dépression.

Arrêté en 2004 pour conduite en état d’ivresse, port d’arme et possession de cocaïne, le monde découvre effaré son mug shot où il apparaît grossi de plusieurs dizaines de kilos, l’œil vide et l’air hagard.

La descente aux enfers se poursuit ainsi tout au long de la décennie (accident de voiture, cures de désintoxication, arrestation après avoir tenté d’obtenir les faveurs d’une prostituée…), tandis que question musique, à l’exception de compilations de faces B et de lives, c’est le désert.

Au fil du temps des rumeurs de retour fusent néanmoins de çà et là, et le 15 décembre 2014 l’impensable finit par se produire : un troisième album arrive dans les bacs, Black Messiah.

Sorti sans aucune promotion préalable, il réussit l’exploit de s’élever au niveau de ses prédécesseurs avec un son, là encore inédit, mélange d’émanations rétro, d’énergie live et d’influences rock.

Du coup, qu’importe si depuis malgré les annonces aucun nouvel opus n’a vu le jour (réédition de Brown Sugar en double CD exceptée), D’Angelo peut se vanter d’être à la tête d’une discographie les plus essentielles de la musique noire moderne.

Pas dit toutefois qu’il n’écrive pas un nouveau chapitre à sa légende, lui qui à en juger par son Verzuz de février dernier se porte comme un charme à l’approche de la cinquantaine.

Erykah Badu

L’histoire officielle veut que Baduizm, le premier album d’Erica Abi Wrigh sorti en 1997, marque le second acte de l’ère néo soul.

Et quel album ! Là où le timbre de voix de celle qui deux ans plus tôt a été repérée par Kedar Massenburg lors d’une première partie d’un concert de D’Angelo inspire les comparaisons avec Billie Holiday, le succès de l’opus est tel que six mois après sa sortie, une version live est commercialisée.

Très vite surnommée Queen Erykah en raison de son aura sans pareille, elle intègre dans la foulée les Soulquarians, ce collectif fraîchement fondé par Questlove, James Poyser, J-Dilla et D’Angelo (tous nés sous le signe du poisson, « aquarius » en anglais, d’où le nom).

Sous leur couvert, elle enchaîne en 2000 avec l’excellent Mama’s Gun, « le point culminant » de sa carrière selon elle.

À sa décharge, ses essais suivants (Worldwide Underground en 2003, New Amerykah Part One en 2008, et New Amerykah Part Two en 2010), même si loin d’être mauvais, seront un ton en dessous.

Plus discrète dans les années 10, Erykah Badu qui se considère « plus comme une artiste de scène qu’une artiste de studio » se contente d’une petite mixtape concept, But You Cant Use My Phone (du nom d’une célèbre réplique extraite de son morceau culte Tyrone), et de quelques featurings (Tyler, the Creator, Rick Ross…).

Enfin, impossible évidemment d’évoquer son parcours sans mentionner ses nombreuses liaisons avec ses confrères rappeurs (Andre 3000, Common, The D.O.C., M1 des Dead Prez, Jay Elecronic, Drake…) et la réputation « d’ensorceleuse » que lui a valu l’emprise qu’elle a exercé sur eux, à la fois sur les plans artistique et personnel.

[Si vous vous demandez quel peut bien être son secret, le clip de Window Seat qui la voit en 2010 se dénuder dans les rues de Dallas, sa ville natale, offre un début de réponse…]

Aujourd’hui reconvertie en « O.G. du game », Fatbellybella (son pseudo sur Twitter) envisage la suite des évènements avec sérénité : « Vous pouvez m’appeler Godmother, vous pouvez m’appeler Auntie… Les autres continuent de prendre de l’âge, moi je reste la même. »

Raphael Saadiq

« Appeler ma musique néo soul, c’est me manquer de respect, c’est dire que je sors de l’œuf. Je comprends les raisons marketing derrière ça, mais les gens qui aiment vraiment la musique ne peuvent pas accepter ça. La soul ne s’est jamais arrêtée. Il y a ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas. »

Voilà en substance ce que déclarait Raphael Saadiq en 2002 lors de la campagne promo de son premier album, Instant Vintage.

L’ironie, c’est que plus encore que ses deux camarades précédemment cités, il est celui qui a posé les premières pierres du genre, quand en 1993 il a sorti Sons of Soul avec son groupe Tony! Toni! Toné!.

Il quitte ensuite l’aventure trois ans tard, tente de former un nouveau trio en compagnie de D’Angelo et Q-Tip, puis renoue avec le succès en 2000 avec l’album du supergroupe Lucy Pearl (lui, Dawn Robinson de En Vogue et Ali Shaheed Muhammad des A Tribe Called Quest).

Impliqué sur quantité de morceaux de ses congénères (Lady de D’Angelo, Soul Sista de Bilal, Love Of My Life d’Erykah Badu et Common…), ce n’est qu’à 36 ans, qu’il se lance en solo.

De là c’est un peu la démonstration, avec des galettes hyper travaillées qui à chaque fois revisitent une période passée dans un style bien à lui : le « gospaldelic » Instant Vintage donc (l’expression est de lui), le blaxploitation Ray Ray (2004), le sixties The Way I See It (2008)…

À tout cela s’ajoutent l’immense double live All Hits At The House of Blues en 2003, la production du troisième et très bon album de la Britannique Joss Stone en 2007 (sa copine de l’époque), la basse de l’album The Diving Board d’Elton John en 2013, la production exécutive de l’acclamé A Seat at the Table de Solange en 2016, etc.

Qui a dit GOAT ?

Maxwell

Plus traditionnel que D’Angelo et Erykah Badu, Gerald Maxwell Rivera décroche la timbale dès son arrivée dans le grand bain en 1996 avec Maxwell’s Urban Hang Suite, un album concept qui retrace la relation entre un homme et une femme, de leur première rencontre à leur demande en mariage.

Responsable à lui seul d’un mini baby-boom grâce à ses singles Ascension (Don’t Ever Wonder) et Til the Cops Come Knockin, il est en sus adoubé « Marvin Gaye des nineties » par le Washington Post et « nouveau Prince » par Vibe.

Cerise sur le gâteau, MTV le convie pour une session Unplugged de toute beauté, où il reprend il sublime This Woman’s Work de Kate Bush

Pas mal pour un disque qui a dormi un et demi dans les tiroirs de Columbia, la maison de disques ayant hésité tout ce temps à le sortir…

Maxwell peine cependant à confirmer avec Embrya en 1998, un album mi-figue mi-raisin où il délaisse le groove d’Urban Hang Suite pour tenter des sonorités proches de ses origines haïtiennes et portoricaines.

[Notez qu’avec le temps Embrya a été réévalué à la hausse.]

Fort heureusement, en 2000 Now remet les pendules à l’heure.

S’ensuit un break de huit ans au cours duquel il profite nonchalamment de la vie et se coupe les cheveux.

Pour son retour aux affaires en 2009 avec BLACKsummers’night, c’est peu dire que le succès est au rendez-vous : non seulement il réalise sa plus grosse première semaine, mais il décroche en sus son plus gros hit avec le délicat Pretty Wings.

Cette même année, sa carrière manque néanmoins de prendre fin à cause d’inflammations et de saignements chroniques de la gorge. Opéré en urgence, une rechute cause l’annulation de sa tournée en 2012.

Entre cet incident et sa continuelle « anxiété » face aux attentes qu’il génère, Maxwell disparaît à nouveau sans prévenir pour voguer entre Miami et Dubaï.

Et tant pis si BLACKsummers’night devait initier une trilogie d’albums amenés à sortir à quelques mois d’intervalle. Et tant pis si, faute d’actu, il est confondu dans les rues avec The Weeknd ou Lenny Kravitz.

Toujours est-il qu’en 2016, sept ans plus tard, le second volet blackSUMMERS’night finit par voir le jour. Fidèle à sa formule, Maxwell propose un album dense, dénué du moindre featuring de rappeur ou de producteur du moment. Le genre d’album qu’il pourra « chanter sur scène dans quinze sans passer pour un idiot ».

Ne reste plus qu’à croiser les doigts pour qu’il boucle la boucle dans un délai raisonnable avec Night, le troisième album de la trilogie. Annoncé en octobre 2018 par le single Shame, le projet erre depuis au point mort…

Jill Scott

Pour Jill Scott, tout commence fin 1998 lors d’une exposition dédiée à l’art africain à Philadelphie où elle vient réciter en public ses poèmes. Sa performance attire là l’attention de Questlove présent sur place, et qui, ni une, ni deux lui demande si elle gratte également des chansons.

Scott lui répond par l’affirmative, quand bien ce n’est absolument pas le cas.

Bien lui en a pris puisque quelques jours plus tard elle se retrouve en studio avec les Roots pour poser le refrain de leur futur tube You Got Me. Malheureusement, MCA, le label du groupe, impose au dernier moment qu’elle soit remplacée par Erykah Badu.

[Pas de panique, tout le monde reste copains : les Roots la réinviteront en 2001 sur le très doux Complexity.]

C’est alors qu’un autre artiste de Philly lui vient en aide : Jazzy Jeff. Non content de l’inviter sur The Rain, le morceau qu’il produit qui conclut l’album Willennium de Will Smith, il l’aide à obtenir un deal chez le label Hidden Beach.

Un an plus tard sort ainsi Who Is Jill Scott?: Words and Sounds Vol. 1 qui la consacre petite chouchou des médias, tandis que, sur le même modèle d’Erykah Badu, un live est publié 18 mois plus tard, Experience: Jill Scott 826+ « 826 » c’est pour la date du concert, le 26 août, « + » c’est pour les extras contenus sur le second cd.

Jill Scott poursuit sur sa lancée sa série Words and Sounds avec Beautifully Human en 2004 (dont est extrait le carton Golden) et The Real Thing en 2007 – plus la compilation Collaborations qui comme son nom l’indique réunit ses duos les plus notables (Common, Mos Def, Lupe Fiasco…).

Plus discrète à compter son cinquième essai Woman en 2015, elle se concentre sur sa carrière d’actrice et fait admirer son étincelant sourire dans des films et téléfilms tournés à l’attention du public black américain.

Côté vie privée, les choses sont beaucoup moins reluisantes avec en 2017 un divorce, son second, qui lui vaut de faire la une quand son ex se met à l’accuser sur la place publique de tous les maux (« diablesse », « manipulatrice », « castratrice »…).

Sinon, et cela nous concerne un peu plus, le 9 mai 2020 Scott et Badu ont pu se retrouver pour livrer un Verzuz de deux heures et demie. Détail qui n’en est pas un : parmi les 700 000 spectateurs présents ce soir-là sur Instagram, figuraient Spike Lee, Michelle Obama, Quincy Jones et Janet Jackson !

Angie Stone

Révélée au grand public en 1999 avec son premier album Black Diamond, Angela Laverne Brown n’en était pourtant pas à son coup d’essai dans le monde musique. Loin de là.

Rappeuse à ses débuts, vingt ans plus tôt, ‘Angie B’ formait avec ses copines de lycée Blondie et Cheryl The Pearl le trio The Sequence. Signées sur Sugar Hill Records, elles peuvent s’enorgueillir d’avoir été les toutes premières filles à avoir sorti un single rap, Funk You Up en 1979 – le morceau serait échantillonné par Dr. Dre sur Keep Their Heads Ringin’ en 1995.

Au début des années 90, elle intègre le groupe rnb Vertical Hold (deux albums, le hit Seems You’re Much Too Busy), tout en mettant en parallèle son talent d’auteure au service de Mantronix (un groupe électro/rap tombé aujourd’hui dans l’oubli bien que plutôt vendeur à l’époque) pour qui elle coécrit sept des onze titres de leur album The Incredible Sound Machine.

En 1995, elle rencontre D’Angelo avec qui elle participe à la composition de Brown Sugar. Choriste sur la tournée qui s’ensuit, elle se lie intiment avec lui avant de donner naissance à leur enfant, son second, en 1998.

Entendue sur l’album 5 de Lenny Kravitz (deux ans plus tôt, elle avait monté un nouveau groupe avec l’un de ses cousins), Stone est donc tout sauf une rookie quand elle se lance à 38 ans en solo.

Ceci explique peut-être cela, mais après avoir à nouveau assisté D’Angelo sur Voodoo (quatre crédits), en pleine possession de ses moyens, elle accomplit un sans-faute dans les années 2000.

Elle sort en 2001 l’hymne ultime à ses frangins, Brotha (merci Raphael Saadiq), débauche Eve et Alicia Keys pour un remix du tonnerre, choppe en 2004 Idris Elba dans le clip I Wanna Thank (mais lui colle un stop sur le plateau), se classe en 2007 numéro un des charts rap/rnb avec The Art of Love & War… tout en enchaînant les rôles sur petit et grand écran (The Fighting Temptations, Pastor Brown, Scary Movie 5, Moesha…).

Productive comme jamais dans les années 10 (quatre albums, dont le dernier Full Circle en 2019), elle se fait également voir dans des télé-réalités comme R&B Divas: Atlanta et Celebrity Wife Swap.

Sur le point de fêter ses 62 ans, Angie Stone, c’est ni plus ni moins que cinq décennies dans l’industrie qui vous contemplent les loulous.

Bilal

Convié à trois reprises sur Like Water for Chocolate de Common en 2000 (Funky For You/Nag Champa/The 6th Sense), Bilal Sayeed Oliver intègre chemin faisant les Soulquarians, avant de s’atteler en leur compagnie, plus J.Dilla et Dr. Dre (!) qui passaient par là, à l’enregistrement de son premier album.

Le résultat s’appelle 1st Born Second, un petit bijou d’éclectisme à l’énergie résolument unique, et dont l’influence se fait toujours sentir à l’heure actuelle (coucou Miguel, coucou Anderson. Paak).

Moins maniéré que Maxwell, plus dynamique que D’Angelo, Bilal, 22 ans, est à cet instant T considéré comme le chef de file de la seconde génération néo soul – quand bien même lui aussi rejette ardemment le terme.

Sauf que bon, au grand désarroi d’Interscope, pour son second essai intitulé Love for Sale, il préfère s’aventurer sur les voies de l’avant-garde. Un bras de fer s’engage alors avec son label qui interfère pour donner à sa tracklist une tournure « un peu moins dark et un peu plus sexy ».

Finalement, l’opus ne sortira jamais… ce qui n’empêchera pas le natif de Philadelphie de le défendre sur scène après sa fuite sur le net en 2006.

Si la séquence entoure Love for Sale d’un parfum de culte chez les initiés, elle pousse Bilal à envisager d’arrêter la musique.

Hyper sollicité en featurings (Nightmares des Clipse, Fallin’ de Jay-Z, Sweet Sour You de Sa-Ra, Common avec il forme un quasi duo…), il renonce toutefois à cette éventualité, puis s’engage en indépendant chez les Canadiens de Plug Research Music. En 2010, neuf ans après 1st Born Second, il sort ainsi Airtight’s Revenge.

En 2015, Bilal renoue avec les feux de la rampe, non pas avec son quatrième album In Another Life, mais en collaborant de près sur le monumental To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar : en feat sur Institutionalized et These Walls, il est entendu sans être crédité sur U, For Sale? (Interlude), Momma et Hood Politics.

En retrait depuis, le confinement de 2020 le motive à composer Voyage-19, un EP trois titres dont les sessions d’enregistrement ont été streamées sur Youtube.

On aurait dû aussi vous parler d’eux (beaucoup de love sur eux) : Musiq Soulchild, Amel Larrieux, Anthony Hamilton, Jaguar Wright, Raheem Devaughn, India Arie, Amp Fiddler, Leela James, Glenn Lewis, Davina que vous pouvez retrouver sur Linkedin, Calvin Richardson, Teedra Moses, Van Hunt qui vit sa meilleure vie avec Halle Berry…

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