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Rap et boxe, des liaisons pas si dangereuses

Rap et boxe, des liaisons pas si dangereuses

Après le foot, la boxe anglaise est probablement le sport le plus souvent cité dans le rap français. Les MC aiment tellement appuyer leurs figures de styles avec des références au noble art et à ses grands noms, que la métaphore du rappeur pugiliste qui « boxe avec les mots » est presque devenue un cliché.

Pour certains rappeurs, le noble art est en revanche une telle source d’inspiration, qu’elle mérite qu’on lui dédie un morceau entier. Et comme vous êtes friands de tout ce qui touche à Tyson Fury, Mayweather et consorts, voici une sélection de 12 titres dédiés au sujet. Rien de mieux pour ne pas se retrouver dans les cordes lorsque vos potes causeront du prochain combat du frenchie Tony Yoka.

Ärsenik : Boxe avec les mots (Quelques goutes suffisent…, 1998)

Cette image du rappeur qui « boxe avec les mots », on la doit évidemment aux deux frères d’Ärsenik : Calbo et Lino. Sur Quelques gouttes suffisent… en 1998, ils ont voulu traduire l’ambiance martiale d’une salle de boxe au micro. Sur la production de Jimmy Finger, ils envoient le rap français dans les cordes pour le mettre KO.

« Qui prétend faire du rap sans prendre position ? » s’interroge alors Calbo dans une phase devenue culte. Sans abuser du champ lexical du noble art, Ärsenik accentue le caractère revendicateur et combatif du hip-hop en le comparant à un moyen de se battre, et de gagner, contre les dérives de nos sociétés à l’aube de l’an 2000.

Disiz : L.U.T.T.E (Pacifique, 2017)

En 2017 Disiz écrira une véritable lettre d’amour au noble art intitulée L.U.T.T.E. Extrait de l’album Pacifique, le titre est un hommage musical à la boxe anglaise et à sa culture. Disiz y mélange deux de ses passions : la lecture et le pugilat. Entre Sun Tzu, Schopenhauer et Louis Ferdinand Céline, l’inspecteur invite l’auditeur sur le ring : « Esquive à la Pernell Whitaker, Jab, jab, jab Woody Woodpecker. Bras arrière boom, marteau-piqueur. Plexus ou foie, c’est l’abeille qui pique. »

Sur une instrumentale signée Soulchildren et Shady, il entame d’ailleurs son texte en rendant hommage aux piliers du noble art que sont : « Mike Tyson, Cus d’Amato, Marvin Hagler, Mohamed Ali, Battling Siki, Joe Luis ». Au refrain, il répète le nom de « Gennady Golovkin » aka GGG, célèbre champion Kazakh aux poings de pierre ainsi que les noms des champions français Tony Yoka et Sofiane Oumiha (médaille d’argent aux J-O de Rio en 2016). Disiz érige le noble art en mode de vie, qu’il revendique pour ses valeurs : « J’fais d’la boxe, eux, ils font de la muscu’. J’suis dans la mine de coltan, eux font de la sculpture »

Kery James : Mouhammad AliX (Mouhammad AliX, 2016)

Deuxième extrait de l’album du même nom sorti en 2016, Mouhammad AliX est un véritable sparring verbal. En moins de cinq minutes, Kery James retrace son parcours dans un texte teinté d’égo-trip rythmé par une production profonde de Wealstarr.

L’ancien de la Mafia K’1 Fry centrera son refrain autour de la célèbre phrase : « Vole comme un papillon pique comme une abeille » définissant le style percutant et aérien du grand Mohammed Ali à qui Kery dédie ce morceau. Dans le clip réalisé par Stéphane Davi, Kery n’hésite pas à enfiler les gants et monter sur le ring. Le rappeur fait l’analogie entre un combat de boxe et le combat de sa vie toute entière. Courageux, respectueux, fiers et noble, il marche dans les pas de son idole : « Je suis Mouhammad AliX ! »

Dooz Kawa : Guillotine feat Lucio Bukowski (Bohemian Rap Story, 2016)

Dès les premières secondes de Guillotine, Dooz Kawa et Lucio Bukowski utilisent l’introduction du combat de Mike Tyson vs Clifford Etienne par la voix du célèbre Jimmy Lennon Jr en 2002. À la fin de l’annonce du speaker, Lucio Bukoswski fait son entrée sur l’instrumentale et « transforme les anti-pops en sac de frappes ». Durant quatre minutes, les deux artistes déroulent un texte bourré d’allusions pointues au monde du noble art.

En bons connaisseurs, ils vont un peu plus loin que les traditionnelles références à Ali, Tyson et Mayweather. Ainsi, on notera par exemple l’hommage de Lucio au célèbre « jab » du champion Marvin Hagler (« Chaque mot précis comme le poing gauche de Marvin Haler ») ou au menton d’acier de Bernard Hopkins (« Comme Bernard Hopkins, je ne me couche pas »). Dès sa première rime, Dooz Kawa fait lui référence à Ralph “Tiger” Jones, boxeur connu pour sa victoire face à Sugar Ray Robinson en 1955 (« Comme Jones, j’suis un Tiger »). Quelques rimes plus tard, Dooz Kawa reviendra aussi sur un moment sombre de la carrière de Sugar Ray, lorsqu’il tua son adversaire Jimmy Doyle sur le ring en 1947 (« J’ai rêvé que je te tuais comme Sugar Ray Robinson »). 

Kamelancien : Hakim (Le Charme en Personne, 2007)

La boxe anglaise est également un thème propice au storytelling. C’est l’exercice auquel s’est prêté Kamelancien sur Le Charme en Personne en 2007. Hakim retrace l’histoire d’un jeune bagarreur connu dans sa ville pour ses exploits sur le ring. « Hakim à 24 ans, il boxe en anglaise. C’est son passe-temps, il n’y a que là qu’il est à l’aise » prévient l’ancien dès sa première rime. À travers ce texte, il rend hommage aux têtes brulées des rings qui vivent par passion avec panache : « Hakim a tout d’un grand, Pour perfectionner son style, Il prend le train descend n’importe où et défie le plus fort de la ville ». Mais petit à petit, le rappeur décrit une longue décente aux enfers sur l’instrumentale de Di Cee. Son poulain déraille et sombre dans la vie de rue : les drogues, l’alcool et la dépression : « Lui qui était fort, beau gosse, expert en boxe. Est devenu un pauvre sac d’os ». L’histoire d’Hakim finit mal, il s’éloigne des rings et perd malheureusement le contrôle de sa vie. 

Grand amateur de sports de combats, Kamelancien écrira également le texte de Danse de Guerrier sur le même album pour rendre hommage à toutes les disciplines sportives qu’il aime, du Muay Thai au Grappling en passant par les arts-martiaux mixtes.

Oxmo Puccino : L’un de nous deux (L’arme de la Paix, 2009)

Grand maître du story-telling, Oxmo Puccino n’a jamais caché sa fascination pour le noble art. Le rappeur parisien a eu à cœur d’intégrer ce sport à son univers musical. C’est ainsi que sur son album L’arme de la Paix en 2009, Black Jacques Brel signe le texte poétique L’un de nous deux. Il nous place dans la peau du boxeur et nous emmène avec lui « dans la bulle que forme la corde à sauter » aux côtés de gladiateurs des rings.

Grâce à sa plume d’or, le rappeur du XIXème décrit avec simplicité la poésie « des poids lourds dans une danse violente » porté par un piano solennel et grave. À travers son texte, Oxmo rend hommage aux combattants en soulignant l’esthétique de ce sport brutal : « Être une star à la sueur de son cœur. Le corps marqué par l’absence de la peur. » Le rappeur livre un instantané mêlant violence et beauté du geste pour essayer de retranscrire les sensations les plus intimes des boxeurs face à leurs adversaires : « ce soir, l’une de nous deux doit tomber en public. »

Médine – Victory (Djihad, le plus grand combat est contre soi-même, 2005)

En 2005, Médine dévoile Djihad, le plus grand combat est contre soi-même duquel est extrait le titre Victory. Fils d’un boxeur du Havre, il décrit dans son texte l’ambiance cinématographique des salles de boxe. Avec un sens aiguisé des détails, Médine rappe avec rage et violence en enchainant les images pugilistiques réussies, du « goût du sang dans la bouche qui devient bon » au « bruit des cordes » en passant par « le crissement de nos chaussures ».

Véritable ode à la victoire et au dépassement de soi, Médine accentue ses punchlines avec un timbre de voix presque grinçant et hargneux. Biberonné à la boxe et à la lutte, le rappeur du Havre emmène l’auditeur au milieu du ring. « Le protège-dent est mâché, dans la bassine recraché. La rage d’Ahmed Djaé et pour ‘Jihad’, Médine Bomayé. ». Il fait ici référence au célèbre combat The Rumble in the Jungle d’Ali contre Georges Foreman au Congo en octobre 1974. Le public encourageait Ali en scandant : « Ali, Bomayé » c’est-à-dire « Ali, tue le ! », en Lingala. Ce slogan inspirera ensuite de nombreux artistes tels que 2chainz et Rick Ross, mais aussi Youssoupha qui fondera son label Bomayé Music en 2006.

Lucio Bukowski : Marvin Hagler avec un MIC (La Noblesse de l’Echec, 2013)

Sur ce son sorti sur le projet La Noblesse de l’Echec en 2013, Lucio Bukowski boxe l’industrie du rap sur une boucle old-school signée Mani Deiz. Dans un egotrip bourré de références pugilistiques, il cherche à envoyer la concurrence au tapis. « Imagine Joe Frazier contre un Ninja kid » résume Lucio.

« À cheval entre violence et poésie », il critique la posture commerciale trop présente dans le Game et regrette de voir ses confrères rappeurs courber l’échine face aux maisons de disque : « Du coup tu n’es qu’un wack avec un Mac. Moi, je suis Marvin Hagler avec un mic. »

IAM – Noble Art feat Redman et Method Man (Revoir un printemps, 2003)

Les Marseillais du groupe IAM sont, eux aussi, des grands amateurs de boxe. Sur l’instrumentale d’AKH samplée du film La 36ème chambre de Shaolin, le groupe français pose aux côtés de deux légendes du rap US : Method Man et Redman. Cette rencontre musicale donnera le titre Noble Art, un hommage à la boxe anglaise qui se concentrera plutôt sur le rythme que sur les allusions directes à la pratique sportive.

Sur une boucle old school, les MC se lancent dans un grand passe-passe dans lequel Akhenaton est « plutôt warrior comme Holyfield » pendant que Shurik’n préfère « placer la droite en sortie d’rotative ». Sans trop se concentrer sur le champ lexical de la boxe, les comparses franco-américains cognent le micro et s’envoient dans les cordes. Freeman prévient l’auditeur : « Mets tes mitaines, tes mythes aiment, (…) Chacun son combat ici l’beau mène ! » / « V’la du noble art, nos bars, nos pars, briseur d’bobards ».

La Fouine : Badr Hari (Hors-album, 2014)

Le 9 novembre 2013, le kick-boxeur marocain Badr Hari fait une entrée remarquée face à Alexey Ignashov. Dans les enceintes du stade, La Fouine encourage le champion marocain avec un remix de Bugatti d’Ace Hood, Future et Rick Ross. Le rappeur de Trappes dévoilera également un clip reprenant les « highlight » de la carrière du Golden Boy.

C’est ainsi qu’est né Badr Hari, un véritable hommage du rappeur à l’idole marocaine des rings, alors au sommet du kick-boxing mondial. Sur l’instru d’Ace Hood, La Fouine pose un texte violent et un refrain en anglais, comme pour prévenir le monde entier : « You can’t wake up with Badr Hari » (« Tu ne peux pas te relever, avec Badr Hari »)

Nekfeu : Jusqu’au bout feat S.Crew (Destins Liés, 2016)

En 2015, le film Creed L’héritage de Rocky Balboa sort au cinéma. La célèbre saga Rocky avait enfin sa suite officielle et pour la bande originale, les réalisateurs ont eu la bonne idée de faire appel à l’un des rappeurs les plus populaires du moment : Nekfeu. Le kickeur parisien décidera alors de faire engager toute son équipe du $.Crew, ce qui donnera naissance au titre Jusqu’au bout !

Présent sur l’album Destins Liés, le son vante la détermination et l’acharnement dont font preuve les boxeurs. Les rappeurs placent des références aux personnages de Rocky et d’Apollo Creed, les stars de la saga écrite par Sylvester Stalone. Produit par Hugz Hefner, le générique de la version française de Creed : L’Héritage de Rocky Balboa s’accompagnera également d’un clip réalisé par Tristant Trégant pour DAYLIGHT.

M.Gims : Mayweather (pilule rouge) (Mon coeur avait raison, 2015)

Présent sur le second album solo de Maître Gims, le titre Mayweather regroupe toute la Djuna Family (Gims, Dadju, XGangz et Saty). Avec une prod électrisée par les sonorités de Dany Synthé, le titre va plus vite qu’un boxeur et sa corde à sauter. Au refrain Maître Gims rend hommage à l’ancien champion invaincu Floyd « Money » Mayweather : « Gauche / Droite, Mayweather. » Dès son entrée sur le son, Saty en place une pour un autre boxeur iconique : le champion mexicain Oscar de La Hoya : « Jeu d’jambes Oscar De La Hoya. »

Sans oublier : Aux Etats-Unis, un certain Roy Jones Jr n’avait pas hésité à poser les gants pour entrer en cabine et enregistrer le hit Can’t be touched en 2004. En France, Ol’Kairy a par exemple rappé sur le noble art tout au long de sa carrière (sur des titres comme Au Max ou Nègre en selle par exemple) avant d’aller jusqu’à interpréter lui-même le rôle d’un boxeur dans un court métrage intitulé Shadow

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