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Quelle est la trace laissée par 13 Organisé ?

Quelle est la trace laissée par 13 Organisé ?

Si les français n’ont pas retenu le jour du 15 août 2020 dans leurs mémoires, ils se souviennent tous du morceau sorti à cette date. Il suffit d’entonner les trois premières notes de Bande Organisée pour que le public se remémore les couplets de Jul, SCH, Naps, Soso Maness, Kofs, Houari, Elams et Solda entrés depuis dans la culture populaire.

Jul et sa clique avaient dévoilé, cette nuit-là, la première pierre de l’édifice 13’Organisé, l’un des plus gros tours de force du rap français ces dernières années. Mais plus d’un an après, que reste-t-il de ce projet ? On vous explique tout maintenant avec Henzy, rédacteur en chef de Ventes Rap.

Le SNEP et le « casse du siècle »

Le triomphe du projet marseillais se matérialise avec les multiples certifications obtenues depuis sa sortie. Et qui d’autre que Bande Organisée pour prouver cette réussite ? Plus besoin de présenter le titre, toute la France y compris le public hors rap a chanté l’hymne provençal. Le morceau dévoilé en août 2020 a raflé tous les records possibles : single de platine, de diamant et de double diamant (100 millions de streams) les plus rapides de l’histoire de la musique française. Il a aussi battu un record de longévité en restant 69 jours consécutifs dans le top Spotify monde. Un succès inattendu sur le papier« Le morceau est hors format de ce qui a marché ces dernières années. Les sons qui fonctionnent ont tendance à se raccourcir et ici, nous avons un morceau de cinq minutes avec huit artistes » explique Henzy.

Et si ça ne suffisait pas, le clip, dévoilé le même jour, a été un carton immédiat. Les plans dans les vestiaires du stade Vélodrome, le faux mariage de Kofs et la danse de Soso Maness ont dépassé le cadre de Marseille afin de toucher tout l’hexagone. Encore une fois, les chiffres parlent d’eux-mêmes avec 220 millions de vues cumulées l’année dernière. De quoi faire du clip la vidéo française la plus regardée sur YouTube en 2020.

Cet engouement autour de la scène marseillaise a permis au projet de faire un départ canon en première semaine. La compilation avait réalisé le 2ème démarrage au monde derrière l’anglais Headie One et son album EDNA sur Spotify. Au premier comptage des ventes (première semaine), la cinquantaine de rappeurs menée par Jul a enregistré 20 071 exemplaires écoulés et comme par magie, le disque de treize titres est certifié disque d’or en… treize jours. Il a été la troisième plus grosses sorties rap en 2020 (en ce qui concerne la fameuse première semaine), battu seulement par Damso et… Jul lui-même. Un bilan comptable dépassant toutes les attentes initiales pour un projet n’ayant aucune autre prétention de base que de rassembler et partager une culture commune, celle du rap made in Marseille.

Le retour en force des artistes du 13

La hype de Bande Organisée et de l’album a encore un peu plus ancré Marseille sur la carte du rap en France dans les mois qui ont suivi. La cité phocéenne, omniprésente dans les années 90 avec Iam et la Fonky Family, avait pu revenir grâce à la troupe culte des PSY4 de la rime dans les années 2000 et les gros succès en solo d’Alonzo et de Soprano, mais les années 2010 ont marqué un tournant. On note le renouvellement du rap global et également de la scène marseillaise avec ses nouvelles spécificités : un BPM élevé, des paroles festives et un refrain entêtant. Une nouvelle ère portée par Jul, mais pas seulement. Car oui, 13’Organisé a redistribué les cartes et le variant marseillais a contaminé les oreilles des auditeurs en 2020 et 2021, comme l’analyse Henzy : « La compilation n’a pas modifié le paysage de Marseille car les stars étaient déjà là, mais certains sont entrés dans une nouvelle dimension. Hormis Jul, la plupart figuraient dans le top 20 des ventes et ils trustent désormais le top 5. Et les artistes émergents ont commencé à sortir de l’ombre»

THABITI dépasse le million de vues sur ses dernières sorties, Naps et Soso Maness ont tout cassé avec La Kiffance et Petrouchka, respectivement le premier et le second titre les plus streamés de l’année sur Spotify. Un retour en force, limite une prise d’otage des charts qui a apporté son lot de détracteurs. Henzy se penche son effet : « On savait qu’il y avait des rappeurs à Marseille, mais maintenant on connaît toutes ses spécificités. La scène faisait son boulot sans prendre de critiques avant, il y a désormais un vent contraire à cause de son omniprésence. C’est la première fois qu’SCH recevait des critiques et son public engagé se retrouvait divisé»

Le cas du rappeur aubagnais démontre comment 13’Organisé a su donner un coup de projecteur unique sur une carrière. Depuis la compilation, l’interprète d’Otto a explosé son nombre quotidien d’auditeurs, son COLORS est le plus vu de la chaine berlinoise en 2021 et il a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec 63 851 exemplaires vendus en sept jours, soit un disque d’or décroché en quatre jours. Une réussite assurée par SCH, l’artiste s’étant ouvert musicalement avec des titres solaires. Est-ce qu’on aurait eu Mode Akimbo sur une composition de Zeg P avec Jul en featuring sans 13’Organisé ? Rien n’est certain, mais le morceau est le premier single de platine du tome II, hors Marché Noir dévoilé avant la sortie de l’album.

Contrecoup de cette ouverture au grand public, le morceau a été qualifié de « zumba » par quelques-uns des auditeurs. Et si dans une interview datant 2019, SCH dissertait sur la question de ce « genre », son avis s’est aujourd’hui plutôt mâtiné, comme on a pu l’entendre chez GQ : « La musique de Marseille que les trois quarts de la France considèrent comme de la zumba est celle que leurs jeunes écoutent dans les fours. La zumba réunit plus aujourd’hui que d’autres courants musicaux. Je trouve qu’on rabaisse cette culture qui n’est pas reconnue à sa juste valeur. » Comme on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis

Qui ne saute pas n’est pas marseillais

La scène marseillaise semble soudée comme jamais elle n’a été auparavant et le public s’en est aperçu avec la multiplication des featurings intraphocéens. Les amateurs de rap marseillais rêvaient de voir des collaborations entre les nouvelles têtes d’affiche phocéennes des années 2010, mais c’était parfois sans succès. « Jul a permis de réunir tout le monde et de mettre de côté les différends pour aller au service de la musique » continue Henzy. 

Et la compilation a facilité des rapprochements que l’on n’aurait jamais soupçonnés. SCH et son univers singulier se sont mélangés à la Guirri Mafia, Alonzo, Naps et surtout Jul. Le courant est si bien passé entre les deux artistes qu’ils se sont retrouvés sur huit morceaux depuis la sortie de la compilation marseillaise et ils envisagent un album ensemble. Pour continuer dans ce sens, Alonzo a invité sept artistes marseillais sur les 15 collaborations présentes dans Capo Dei Capi vol. 2&3. Une unité qui s’explique facilement : l’appartenance commune à Marseille, une ville qu’on revendique avec fierté. « C’est un devoir et je ne fais pas semblant de porter le maillot de l’Olympique de Marseille pour me donner un style » analysait Alonzo durant sa dernière promo.

Forcément, la réussite de 13’Organisé fait rêver et donne des envies chez d’autres rappeurs de créer quelque chose de similaire. Rim’k a annoncé récemment être à la manœuvre d’un album commun autour d’artistes de la capitale, nommé « Ici c’est Paris ». Lacrim vise un projet européen avec les têtes d’affiche de chaque pays.

Côté date de sortie, encore rien d’annoncé, mais les auditeurs se consolent pour le moment avec Le Classico Organisé, dévoilé en novembre dernier. Cette nouvelle compilation, organisée par l’infatigable Jul, a regroupé 157 rappeurs des Bouches-du-Rhône et de la région parisienne. Une belle preuve d’unité entre les deux capitales du rap français… 

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