Dans son ouvrage, « Comment réussir, échouer et tout reconstruire », 50 Cent, ou plutôt
Curtis Jackson se livre comme il ne l’a jamais fait auparavant. Analyse d’un artiste devenu modèle de réussite des deux côtés de l’Atlantique.
Encore aujourd’hui, beaucoup d’auditeurs nostalgiques ne jurent que par le 50 Cent de Get Rich or Die Tryin’, le gangster au destin hors norme qui avant de devenir un rappeur au succès planétaire a survécu à neuf balles d’un pistolet 9mm. Cette suite d’événements décisifs a eu lieu il y a plus de vingt ans maintenant et depuis et même s’il n’a jamais renié son passé, le rappeur originaire du Queens est définitivement allé de l’avant. Il a même plutôt pas mal changé : auriez-vous imaginé à l’époque que celui que l’on nomme Curtis Jackson écrive un livre ? Non ? C’est pourtant bien ce qu’il a fait.
Il l’a même fait plus d’une fois et nous allons parler là de son dixième projet littéraire depuis 2005 : « Comment réussir, échouer et tout reconstruire » (Hustle Harder, Hustle Smarter) dans son titre original). Ce livre a été traduit de l’anglais et publié aux éditions OmaxBooks afin de rendre accessibles les enseignements de Fifty au public francophone. «Enseignement» : ce mot n’a pas été choisi au hasard, car le rappeur, entrepreneur, acteur et producteur nous propose en effet et contre toute attente, un pamphlet de développement personnel. Pour autant, n’allez pas imaginer que ce livre fera de vous « le nouveau 50 Cent », ce n’est clairement pas l’intention de son auteur. Ce qu’il souhaite, c’est accompagner notre réussite et nous donner les clefs pour devenir une meilleure version de nous-même.
A l’instar des accords toltèques de Don Miguel Ruiz, la philosophie de Curtis Jackson s’articule autour de neufs commandements aussi importants les uns que les autres : 1) Soyez sans peur, 2) Cultive l’âme d’un hustler, 3) Construis une équipe solide, 4) Connais ta valeur, 5) Évolue ou meurt, 6) Façonne ta perception, 7) N’aie pas peur de concourir, 8) Apprends de tes défaites et enfin 9) Évite le piège de l’autosatisfaction. Si au premier abord, ces conseils semblent quelque peu clichés avec une vision très « américaine » du succès, les réflexions de Curtis autour de tous ces aspects se révèlent en fait d’une vive profondeur et d’une étonnante sagesse. Pour la simple et bonne raison que dans ce livre, Fifty, ne vous crache jamais sa réussite à la figure. Il reste lucide et précise bien qu’il n’aurait jamais pu toucher des sommets et rebondir maintes fois comme il a su le faire, sans les échecs, les doutes et les défaites qui ont jalonné sa carrière.
Dans la mesure où cet ouvrage a également une vocation autobiographique, le lire, c’est aussi l’occasion d’en apprendre plus sur la carrière, la vie et le parcours hors du commun de cet artiste et businessman légendaire. Vous qui croyez tout savoir sur Fifty et Curtis Jackson, voici quelques anecdotes méconnues et enrichies sur l’un des hommes les plus « successful » de son époque.
50 Cent face aux balles
Sur la pochette de Get Rich or Die Tryin’, 50 Cent apparaît torse-nu, sans peur et impassible à l’épreuve des balles. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il lui fallait forcément cultiver cette image de figure dangereuse et impitoyable s’il souhaitait s’imposer dans le game. Mais ne vous êtes-vous jamais demandé quelle sensation il a ressenti après s’être fait transpercer neuf fois ? A ce sujet, il explique que la douleur ne s’est manifesté que quelques mois plus tard, une fois l’adrénaline estompée. Une douleur atroce :
« Quand j’ai su que j’étais sorti d’affaire, j’ai commencé à sentir l’effet des balles qui transpercent mes muscles et pulvérisent mes os, se souvient le rappeur. Je ressentais la douleur dans chaque partie de mon corps, là où le plomb avait fait chemin vers mon pouce ou à travers ma joue. A chaque fois que je devais me rendre chez le kiné et mettre du poids sur les jambes ou ouvrir les cicatrices sur mon pouce, ça me faisait un mal de chien. J’ai réalisé que je commençais à avoir peur de subir ça à nouveau. Ça m’effrayait plus que la mort elle-même ». Heureusement pour lui, Fif a su affronter et dompter sa peur pour continuer à avancer.
La fraude de The Massacre
Après le succès de Get Rich or Die Tryin’, le public a naturellement associé 50 Cent à une image viriliste, celle d’un artiste au corps musclé, viril et sans défaut. Conscient que cette posture avait montré sa capacité à vendre des disques, il a rapidement décidé de poursuivre dans cette voix pour la pochette de son deuxième album, The Massacre.. Et si je vous disais que celle-ci était complètement bidon, car trafiquée au montage ? En effet, contrairement à ce qu’on pourrait croire, le jeune Curtis Jackson était en surpoids et a dû batailler ferme pour avoir ce corps d’athlète. Une forme physique qu’il a perdue après sa première tournée :
« J’ai commencé la tournée en ressemblant à une tête d’affiche et je l’ai fini en ressemblant à mes gardes du corps […] Je n’étais pas obèse, mais la graisse avait tout de même remplacé mes abdos. Je devais entretenir ma marque et je ne pouvais pas mettre un tee-shirt. J’ai donc pris un feutre et j’ai dessiné mes muscles, redéfinis mes pecs, mes épaules et mes bras. J’ai même mis des gants pour donner un aspect BD à la photo. La diversion a fonctionné et personne ne parlait du « gros 50 Cent ». On ne parlait que de musique. J’ai écoulé 1,5 millions d’albums en première semaine et 11 millions dans le monde, mais je me suis promis de ne plus jamais me compromettre de la sorte ».
Les dessous de la confrontation Fifty Vs. Kanye
Le 11 septembre 2007 était un moment historique pour le rap US. Ce jour-là, Kanye West et 50 Cent sortaient leur nouvel album, Graduation et Curtis, le même jour. Évidemment, les fans et les médias se sont régalés de cette confrontation à l’époque, et même si l’Histoire se souvient que Kanye a remporté la guerre commerciale contre le New-Yorkais, Fifty révèle qu’il avait tout judicieusement calculé, à une époque où son aura commençait progressivement à perdre de sa superbe :
« Quand j’ai vu que nos dates de sorties étaient proches l’une de l’autre, j’ai réalisé que nous pouvions réaliser quelque chose d’exceptionnel, en transformant notre sortie en affrontement direct. Je lui ai proposé de sortir nos albums en même temps et lui, en tant que libre-penseur, a compris la valeur de ma vision et a accepté. Il a compris que nous pourrions générer plus de buzz en hypant notre duel plutôt qu’en faisant des promos individuelles. […] Nous avons tous les deux joué le jeu à fond, en faisant des apparitions ensemble et en adoptant le rôle de deux boxeurs avant un grand combat. Pour être clair, il n’y avait pas de conflit réel entre nous. Nous nous respections mutuellement et nous étions juste deux personnes à l’aise à l’idée de se concurrencer l’une l’autre ». Il poursuit : « Notre compétition a transformé un lancement difficile pour moi (faute d’un soutien suffisant de son label Interscope ndlr) en une semaine très respectable (691 000 ventes). Si j’avais seulement laissé ma maison de disques faire ce qu’elle voulait, je n’aurais sûrement vendu que 400 000 exemplaires. Au lieu de ça, j’ai réussi à sauver une situation difficile et créer un moment historique ».Avoir toujours un coup d’avance, telle est la marque des plus grands.
Fifty sur l’échec du G-Unit
50 Cent n’a jamais caché les remords qu’il éprouvait à l’égard de ses deux collaborateurs, du G-Unit, Lloyd Banks et Tony Yayo. Quoi de plus normal après tout ? Il s’est toujours battu pour leur permettre de connaître le succès, mais ces derniers n’ont rien fait pour le conserver. Selon lui, c’est avant tout parce que chacun à leur manière, ils ont refusé d’évoluer : « Banks à beau être un excellent lyriciste et punchlineur, il n’est pas un grand performer, un mec au style extra ou même un personnage de caractère. Selon moi, les réseaux sociaux étaient un moyen d’améliorer son interaction avec la culture […] « Il faut que tu te lances sur Instagram », l’ai-je encouragé[…] Non, j’ai pas envie ! », m’a-t-il répondu. Pourquoi pas ? Tu peux écrire des punchlines sous tes photos et utiliser ce que tu maîtrises pour te faire des nouveaux fans ! « Nan, c’est gênant, Tupac et Biggie ne faisaient pas ces trucs ». […] Je ne raconte rien que je n’ai jamais dit à Banks. Il s’opposait à ce genre d’évolution, son esprit était bloqué dans les années 90 et il n’était absolument pas pressé de se libérer. […] Quand il m’a répondu ça, j’ai réalisé qu’il avait atteint son maximum. C’est quelqu’un en qui je ne peux plus investir une minute et un dollar de plus. J’ai vraiment tout essayé avec lui, mais on ne peut pas aider quelqu’un qui est coincé dans le temps ».
Concernant, Tony Yayo, son manque d’évolution est quant à lui dû, toujours selon Fifty, son tempérament déchaîné et imprévisible. En d’autres termes, il s’est montré incapable d’embrasser un autre style de vie que celui de la rue : « La transition entre la vie de rue celle et d’un personnage public nécessitait une nouvelle mentalité. Yayo ne comprenait pas ça. Si j’étais en désaccord avec un artiste, sa mentalité était « Viens, on les défonce », ce même réflexe que si nous avions été dans la rue. Si nous étions payés 100 000 dollars pour une série d’apparitions en boîte de nuit, Yayo ne pensait pas à déposer l’argent à la banque. Son premier réflexe, c’était : « On pourrait pécho trois kilos et demie de C, allons les récupérer, les vendre et récolter notre fric ». Je devais constamment lui dire « non Yayo, on ne doit pas faire ça, on n’avancera jamais si on continue à faire de la merde et on va se faire virer aussi vite qu’on est arrivé ». Pour lui, rien à faire, c’est l’attitude qui avait fait notre buzz alors pourquoi est-ce que ça devrait changer ? »
A l’inverse de ses acolytes, et ce malgré l’échec du label G-Unit, Fifty a su évoluer pour atteindre de nouveaux sommets. Lorsqu’il a compris que l’industrie changeait de cap, et que par conséquent, ses ventes d’albums commençaient à chuter, il a choisi d’anticiper et d’agir :« Plutôt que d’attendre l’inévitable coup de massue, j’ai préféré devancer Interscope (son label). J’étais déjà concentré sur l’avenir. Un avenir qui me verrait devenir très présent au cinéma et à la télévision ». Ainsi est née la société G-Unit Film et Television Inc qui a produit de nombreux programme audiovisuels à succès, dont la série Power. La suite fait partie de l’Histoire.
50 Cent féministe ?!
Preuve que l’évolution et la remise en question ont toujours été au cœur de la démarche artistique et intellectuelle de Curtis Jackson, le rappeur / entrepreneur s’est même mis à défendre des points de vue féministe. Ça paraît rien dit comme ça, mais pour un artiste dont la proposition musicale s’est forgée sur des bases gangstas, viriles et plutôt masculinistes, c’est un sacré pas en avant !
« Je parlais avec un ami du fait que le vice-président Pence ait dit qu’il n’irait pas dîner avec une femme sans que son mari ne soit présent. Les gens n’appréciaient pas cette remarque, mais je ne comprenais pas l’indignation : « Qu’y a-t-il de mal à ça ? », ai-je demandé à mon ami. « Quand il a dit ça, une partie de moi s’est identifiée à lui ». […] « Écoute Fifty, il faut que tu analyses la situation en te mettant à ma place, m’a-t-il dit : j’ai deux filles… Imaginons que l’une d’elles excelle à l’école et veuille faire de la politique. Elle travaille dur pour être la meilleure et se retrouve confrontée à un problème : on lui donne la chance de rencontrer le vice-président pour dîner, sauf qu’on finit par lui annoncer que sa femme doit être présente, sans quoi le rendez-vous ne peut pas avoir lieu. Ça n’est pas juste ! » Pourquoi ?, ai-je demandé ? Il essaie simplement de rester concentré et est conscient de ses défauts. On ne devrait pas l’attaquer, mais le féliciter pour ça. « Non, il mérite d’être critiqué ! », m’a-t-il répondu. Tout d’abord, il se rend à ce dîner en tant que vice-président et non comme un simple individu. Or, en agissant ainsi, cela signifie qu’il la voit comme un objet sexuel, pas comme une lobbyiste, une experte en politique ou une sénatrice ».
« Il marquait un point, mais mon ami n’en avait pas pour autant fini avec moi : « Autre problème Fifty : tu sais que l’énergie est différente quand deux personnes parlent business et que l’épouse de l’une d’elles est présente. Quand une discussion implique uniquement ces deux personnes, elles peuvent entrer dans le vif du sujet et parler de choses dont elles ne parleraient pas en présence d’autres personnes. Mais quand une épouse est présente, l’énergie change. On parle des enfants, des vacances ou de la série que tout le monde a regardé, on ne rentre pas dans le dur. Or, si ma fille échange avec le vice-président, je veux qu’elle soit en mesure de le faire. Je veux qu’elle puisse parler de vraies actions avec une personne en position de pouvoir. Je ne veux pas que le fait d’être une femme la pénalise, ni qu’elle s’empêche de parler de sujets dont les hommes eux, peuvent parler librement »
« Oh merde, comment ai-je fait pour ne pas penser à tout ça ?; ai-je demandé à mon ami. Quand il l’a formulé de la sortie, c’était comme si une bombe avait explosé dans ma tête. Jusqu’à présent, je n’avais vu le problème qu’en noir et blanc et mon ami m’a aidé à le voir en Technicolor. […] Je vis pour ce genre de moments, quand je peux identifier les points sur lesquels j’ai eu tort et commencer à évoluer dans ma façon de penser ». Voilà une leçon que devraient retenir pas mal de monde… Comme on dit, il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis !
Retrouvez les conseils de vie de Fifty et d’autres anecdotes à son sujet dans le livre « Comment réussir, échouer et tout reconstruire ». L’ouvrage est disponible à la vente sur le site d’OmaxBooks ainsi que chez tous les autres revendeurs en ligne.