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TH, le 93 dans la peau

TH, le 93 dans la peau

Rencontre avec le Séquano-Dionysien à l’aube de son premier projet.

Crédits photos : Antoine Ott

Tout droit venu de Bondy nord, TH fait partie de ces jeunes pousses prêtes à faire perdurer la légende du 93 sur l’ensemble du rap hexagonal. Adepte d’un style cru, le Séquano-Dionysien a fait parler de lui via sa série de freestyles nommée Macabre, démarrée lors de l’été dernier. Fraîchement signé au sein du label Noviceland, le newcomer continue de prouver sa valeur et livre, semaine après semaine, toute une panoplie de titres inédits à sa fanbase, en témoignent les clips 24h du Mans ou encore Fédéraux. Une belle productivité qui devrait logiquement déboucher sur la sortie d’un premier opus pour l’artiste courant 2021. Voilà qui méritait bien une entrevue en toute intimité dans nos locaux.

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Tout d’abord, qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans la musique ?

J’ai commencé le rap très jeune, à l’âge de douze ans. J’avais un pote qui faisait déjà du rap, je l’ai suivi dans son délire et j’ai commencé à poser avec lui. Un jour, on a posté une vidéo sur YouTube, c’était mon tout premier clip. Quand j’avais dit 17 ans, j’ai fait un clip avec un gars de ma cité, Magass140. Tout le monde avait kiffé le délire. Et du coup, c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à m’y mettre sérieusement. Mes parents aussi font de la musique. Ma mère jouait du piano à l’église tandis que mon père faisait de la batterie. Tout cela pour te dire que je suis un bébé de la musique. Je baigne dedans depuis que je suis tout petit. En Martinique, j’habite rue de la Musique carrément (rires).

Justement, comment tes parents ont pris le fait que tu te mettes au rap ?

Ma mère a apprécié, ça ne la dérange pas, elle m’encourage même. Elle a fait en sorte que je me documente bien sur l’histoire du rap afin que je sache rapper dans les temps, etc. C’était très important pour elle que je me renseigne un maximum sur la discipline.

Je suis un bébé de la musique

Quelles sont tes influences artistiques ?

Je suis beaucoup influencé par le rap américain. Plus jeune j’écoutais énormément d’Asap Rocky. Après, comme tout le monde, j’ai saigné 2pac et Biggie. Du rap de New York, du Tennessee, d’Atlanta avec Migos. Ma mère m’a aussi fait écouter du Bob Marley, Otis Redding. J’ai grandi avec de la soul et du jazz. Un gros mélange de genres, pour moi, il faut que tu apprennes l’histoire de la musique si tu as envie de faire du bon son.

En dehors de la musique, j’ai l’impression que tu as un fort attrait pour le sport ?

Oui c’est vrai, j’ai fait beaucoup de football américain. J’y ai joué à peu près sept ans. De manière générale, je kiffe le sport, qu’il soit mécanique, extrême ou collectif. Je peux regarder tous les sports. J’aime aussi en parler. J’ai fait du football américain afin de sortir de ma cité. J’en ai aussi fait parce que j’aime tout ce qui gravite autour du rap américain et avec ce sport, j’avais l’impression d’être en direct des universités américaines qu’on voit dans tous les films (rires).

En un mot, comment tu qualifierais ton style musical ?

Macabre. Des fois, je trouve que ce que je dis dans le fond peut paraître triste et mélancolique. Dans mes textes, il y a toujours des phrases qui te rappellent la dure réalité de mon quotidien. Après tout, je rappe ma vie de tous les jours.

De quelle manière construis-tu tes morceaux ?

J’essaye de faire des morceaux très imagés. Je regarde des mangas pendant l’écriture de mes textes. Death Note, Baki, One Punch Man ou encore Cowboy Bepop… ça m’inspire beaucoup. Il m’arrive de lancer un épisode d’un manga, couper le son et écrire des textes juste avec les images de l’animé. J’ai écrit beaucoup de texte en regardant Baki et Cowboy Bebop. Je me bute aussi beaucoup aux séries. J’ai regardé The Wire, Oz et Breaking Bad. Dans une série comme The Wire, tu vois tout ce qui peut se passer dans une ville et le système lié au trafic de stupéfiants est clairement expliqué. Même vis-à-vis des forces de l’ordre, j’ai compris tout un tas de choses et j’ai été plus à même de comprendre certains comportements des policiers. Pourquoi un tel ne veut pas lâcher telle affaire ou pourquoi un autre est prêt à sacrifier sa propre vie de famille pour mener à bien son enquête.

Il m’arrive de lancer un épisode d’un manga, couper le son et écrire des textes juste avec les images de l’animé

Bondy s’est fait connaître par le biais d’artistes et de groupes cultes tels que Grand Banditisme, Fat Cap ou plus récemment Lartiste. Est-ce que tu as l’impression qu’avec votre nouvelle génération, incarnée par Diddi Trix, Zikxo et toi, vous êtes capables de propulser la ville à un niveau encore plus supérieur ?

C’est faisable et c’est aussi le but. Il faut perpétuer le travail qui a été fait par les anciens même si je ne considère pas vraiment Lartiste comme un ancien encore (rires). Mais oui avec Zikxo et Diddi Trix, on se doit d’élever encore plus le niveau pour qu’on reconnaisse la vraie valeur des gars de Bondy, que ce soit à l’échelle régionale ou même nationale.

Quelque part, j’imagine que c’est stimulant d’avoir une ville voisine comme Sevran, désignée par certaines comme une « capitale du rap français » ?

C’est vrai, ça nous motive et c’est le même état d’esprit. La mentalité du 93. On ne fait pas un truc juste pour le faire, on le fait parce qu’on le kiffe. On est toujours solidaires entre nous. Preuve en est, Diddi Trix m’a invité à son Planète rap sur Skyrock.

Dans un de tes morceaux tu rappes : « le 93 ne va jamais se coucher ». Comment tu expliques que le 93 exerce une telle souveraineté sur l’ensemble du rap hexagonal depuis un bon nombre d’années ?

Notre histoire, ce qu’on vit, c’est vraiment dur. Il faut le voir. T’as l’impression que peu importe d’où tu pars dans le 93, c’est toujours plus dur que pour les autres. Et on nous le montre aussi. Comment on nous parle, de quelle manière on est perçu lorsqu’on fait le moindre geste. Le 93, c’est l’endroit où les gens se battent pour de vrai, en tout cas celui qui ne se bat pas aura plus de difficultés que les autres à gravir les échelons. C’est pour ça qu’on ne se couche pas, tu ne peux pas te permettre de trop dormir. Il faut que tu te lèves le matin, que tu charbonnes et que tu sois toujours actif. C’est ça la mentalité 93.

C’est quoi la suite pour toi ?

Ca va forcément déboucher sur un projet, mais pour l’instant, il faut que je me développe. Je dois faire des sons, des morceaux que les gens vont commencer à écouter et apprécier. J’ai vraiment envie de faire ma carrière, c’est pour ça que j’essaye de la construire bien comme il le faut. Le jour où j’arrive avec un projet, il faut que ça soit lourd. Il ne faut pas non plus se précipiter. Je crois en moi. Le projet sortira quand j’aurai fait ma place et que j’aurai fait parler de moi. Quand ça sera le bon moment, je sortirai le projet direct. Je suis prêt. Je me lève tous les jours pour ça. On va tout donner pour qu’il sorte cette année en tout cas.

Le 93 c’est l’endroit où les gens se battent pour de vrai

Avec qui tu te verrais collaborer dans la scène actuelle ?

Dans la scène actuelle ? Déjà mon gars Diddi Trix ! Il y a aussi Stavo, j’ai déjà eu l’occasion de le rencontrer et j’aime bien son délire. Après il y a beaucoup de rappeurs que j’apprécie, mais ça va dépendre aussi de l’évolution de la musique. Je kiffe aussi Freeze Corleone, Djalito.

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