Actualités Musique

Quand PNL débarque à la Fac ! [DOSSIER]

Quand PNL débarque à la Fac ! [DOSSIER]

A l’heure de la sortie de son dernier clip, le groupe PNL a franchi les murs de la fac de Saint-Denis via une conférence dédiée. Intrigué, Booska-P s’est ramené à l’université…

Comme tous les jours de l’année ou presque, on déroule notre fil d’actu Facebook. Rien ne vient bousculer nos habitudes jusqu’à cette phrase « PNL & Le traitement médiatique du rap en France ». Il s’agit là d’une table ronde organisée à la faculté de Saint-Denis. PNL à l’université ? Pas mal comme idée… Une occasion de parler rap dans un cadre inédit et de réfléchir, ensemble, à la façon dont il est traité dans l’hexagone. Le casting de ce freestyle universitaire est composé de journalistes, mais pas seulement. Ainsi, on retrouve Jean Morel de chez Nova, Thomas Blondeau des Inrocks et le sociologue Louis Jesu. L’événement se classe dans les « Tables Rondes Thématiques » proposées par les étudiants du « Master 2 Industrie Musicale » jusqu’au 23 février. Après des conférences sur la question des femmes dans l’électro ou celle du Big Data dans l’industrie du disque, rendez-vous donc avec Peace’N’Lovés et les médias.

Rap et Médias, faux amis?

Le rendez-vous est pris au bout de la ligne 13, jeudi 9 février à 18h30. Place à la salle B234, tout aussi bondée qu’une bonne vieille rame de métro à l’heure de pointe. Dans la pièce prévue pour la fameuse conférence, un micro et un rétroprojecteur qui balance des images sur un tableau sale. Ne manque plus que nos intervenants pour débuter. La maîtresse de cérémonie, Laura Cuissard, déroule le menu des débats, on attaquera par un état des lieux du rap dans les médias avant de poursuivre sur le phénomène PNL et de savoir, enfin, si le groupe a pu changer la donne.

Les rappeurs étaient les seuls à devoir se démerder

Il est 18h34, début des hostilités. Thomas Blondeau rappelle que le rap n’a été, dans un premier temps, que le « clown » des médias généralistes. Que ce soit chez France Télévisions ou TF1, les rappeurs n’étaient invités que pour faire frissonner la ménagère et rien d’autre : « Les rappeurs étaient les seuls à devoir se démerder, ils n’avaient pas le droit aux taxis payés par les chaînes et devaient se contenter des loges les plus dégueulasses ». En un mot, le rap des débuts n’a pas eu de traitement de faveur. Les exemples sont légion, de l’épisode de Fabe vs Nagui jusqu’au Ministère Amer face à Jean-Luc Delarue.

Depuis ce temps-là, les choses ont bien sûr évolué… Sans pour autant changer complètement. Nekfeu, La Fouine, Booba et Kaaris peuvent passer chez France Inter, RTL, Canal Plus ou D8, mais sans qu’on ne parle réellement de leur musique. Un camouflet pour Jean Morel, défenseur des médias spécialisés. Il regrette qu’en 2017, on ne sache pas encore analyser correctement un morceau de peura. L’auditoire est embarqué dans un cours sur l’écriture rapologique et la science de la mesure. Pas sûr que cela plaise à certains chroniqueurs actuels qui considèrent encore ce style comme de la « musique de sauvage »…

Bientôt l’heure du renouveau

L’évolution des rapports entre les médias et le rap réside dans un renouvellement des générations. Les personnes biberonnées au rap vieillissent et accèdent désormais elles aussi aux postes clefs de l’establishment médiatique. Rien de plus, rien de moins. Au milieu de tout cela, on se demande si le sujet PNL va bien arriver sur la table ou s’il ne s’agissait que d’un prétexte pour attirer la foule. Finalement, le débat dérive et on termine par se questionner sur les frères des Tarterêts sans forcément se pencher sur leur reflet télévisuel. Ici, le néophyte est le bienvenu, des jeunes fans débarqués dans l’audience jusqu’aux personnes plus âgées. On fait un point sur les influences d’Ademo et N.O.S, leurs textes, leurs dégaines, leurs clips, leurs prods… Reste à retourner sur les rails et savoir enfin en quoi les fondateurs de QLF Records ont cassé les codes médiatiques du genre.

quand Kaaris sort le clip de Tchoin, il ne s’attend pas à avoir une bonne note dans Télérama

Pas de promo, pas de circuit classique. Voilà sans doute ce qui a excité la sphère médiatique dans son grand ensemble. Car si le sujet PNL a été abordé dans rien de moins que France Culture et Le Monde, le phénomène était déjà passé par la case des médias spécialisés avant de se retrouver à la une du quotidien Libération. La hype appelle la hype, après avoir constaté le succès du groupe dans les charts, M6 et consorts n’ont fait qu’attraper le train en route. Une façon de donner une place plus importante à un rap en constante mutation ? Peut-être, le tout est de comprendre la façon dont il est traité. Dans le lot, L’Équipe s’est penchée sur les maillots de la Thaïlande portés par PNL, pendant que le magazine Elle s’est concentré sur les coupes de cheveux de nos acolytes… Rien de bien terrible en effet. Surtout quand on sait que les deux frères ont par exemple réussi réussi le pari de partager leurs derniers clips sous forme de série. Une preuve de plus que le phénomène peut bien être analysé « artistiquement » par les médias.

PNL, véritable phénomène médiatique

Le docteur en Sociologie Louis Jesu réchauffe alors l’ambiance avec une sortie sur la presse : « Il y a un paradoxe dans la façon dont les médias culturels et généralistes parlent de PNL. En général, ils parlent du sexisme ou de l’homophobie des rappeurs. Et pour PNL, dont certains propos sont fortement sexistes ou homophobes, ils n’en parlent jamais, et préfèrent faire une critique esthétique de leur morceaux. PNL génère une sorte de fascination sociale forte chez ces journalistes, qui préfèrent ne pas parler des éléments de leurs morceaux qui rentrent le plus en confrontation avec leurs propres valeurs ».

Thomas Blondeau, ancien rédac’chef du magazine Radikal, contextualise les lyrics et revient sur le traitement de la musique dans la presse : « Que ce soit dans le rap, la pop, le rock, ou la techno, le résultat est souvent le même. On va parler énormément parler de certaines choses sans s’intéresser à la musique proposée ». A partir de là, tout le monde s’accorde y compris Louis Jesu qui conclut la conférence d’une punchline bien sentie : « En même temps, quand Kaaris sort le clip de Tchoin, il ne s’attend pas à avoir une bonne note dans Télérama ».

Le table ronde se termine avec quelques sourires et une séance de question-réponse. La centaine de personne venue à l’événement semble satisfaite. L’initiative est à saluer, de bon augure avant de croiser Booba à Harvard ou de se farcir un semestre de cours sur le génie de Kanye West à l’université Washington de Saint-Louis (Politics of Kanye West : Black Genius and Sonic Aesthetics). Petit regret néanmoins, pourquoi ne pas avoir invité quelques plumes venues des médias généralistes ?

Des bancs de la fac, le duo PNL en est aujourd’hui bien loin. Son tout dernier clip, Bené, compilera environ trois millions de vues en 24 heures. De quoi s’offrir de nouvelles rimes et encore imposer sa marque dans un paysage médiatique toujours friand de grapiller un peu de la légende du groupe…

À LIRE AUSSI 
PNL, le clip Bené, l'heure de la vengeance a-t-elle sonné ?

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT