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Himra, le plus américain des rappeurs ivoiriens [INTERVIEW]

Himra, le plus américain des rappeurs ivoiriens [INTERVIEW]

Rencontre avec un artiste dont l’originalité détonne en Afrique.

Dans la caste des rappeurs ivoiriens qui comptent, Himra est en très bonne place. Pas franchement du genre à rester en place, il oscille entre différentes langues pour des morceaux énergiques, capables de livrer une part d’un vécu pas comme les autres. Batailleur et exigeant, Hirma est d’ailleurs de ceux dont l’inspiration vient des USA, le tout pour un rap moderne à souhait qui a su plaire aux décideurs de chez Def Jam Africa, où il est désormais signé. La première pierre d’un parcours qui s’annonce brillant, assurément… Voilà qui valait bien un entretien.

Comment tout a commencé pour toi ?

J’ai commencé très jeune, à l’âge de 9 ans. On rappait à l’école, avec des freestyles dans la cour, etc. C’était notre truc, ça s’est poursuivi au collège et juste avant le BEPC, en troisième, mon groupe a participé à un concours, Fire Flow. On a terminé au pied du podium, à la quatrième place, puis chacun a fait sa route. Certains sont devenus beatmakers, d’autres ont continué leurs études et moi, je n’ai pas lâché le rap. Je suis le seul à ‘être lancé en solo.

Aujourd’hui, ce qui marque le plus chez toi, c’est que tu as développé une imagerie presque américaine.

Je tire mon inspiration de là-bas. Je suis tout ce qui vient des US, car c’est la base de la culture hip hop. C’est toujours mieux de s’inspirer de là où tout est originaire. Par rapport à ce qui se fait ici, ça donne un côté un peu futuriste à ma musique. J’aime être à l’avant-garde, c’est pour ça que je tiens beaucoup à prendre exemple sur les artistes américains. Quand on regarde mon insta, on peut même confondre (rires) !

Qui est-ce qui t’inspire désormais ?

A la base, j’ai commencé le rap en écoutant La Fouine. C’est grâce à ses morceaux que je m’y suis mis. Je connaissais Reste en chien par coeur… Puis j’ai choisi de modifier ses textes, de rapper sur ses instrus. Au bout d’un moment, on a commencé à me cramer alors j’ai écrit entièrement mes propres textes. Aujourd’hui, je suis plus porté sur l’image donc je vais aller regarder ce que font Travis Scott, Young Thug, ASAP Rocky… Le visuel est très important dans le rap et je me concentre énormément là-dessus.

Ton rap est toujours marqué par une certaine violence. Ta musique sonne comme une revanche, comment tu l’expliques ?

Mon parcours a été très compliqué, avec des passages de label en label. Beaucoup de gens ont mis leur nez dans ma carrière pour finalement ne jamais rien en faire. Cela m’a rendu dur, donc prouver ce que je vaux c’est aujourd’hui un devoir. On trouve ici que j’ai parfois mis trop de temps à percer. Mais Def Jam, ça sonne aujourd’hui comme une récompense.

Def Jam Africa, c’est les Avengers !

Signer chez Def Jam c’est donc une sorte de suite logique pour toi ?

D’un côté, peut-être que oui. Mais de l’autre, je me dis surtout que tout vient de commencer, que ce n’est que le début de quelque chose. Je vais pouvoir mettre en application toutes mes idées, car quand tu es indépendant, tu as beau avoir des idées plein la tête, tout ne peut pas se réaliser sans moyens. Avec Def Jam, ça va être plus poussé, c’est maintenant à moi de prouver ce que je vaux.

On a beaucoup parlé d’image, mais comment définirais-tu ton rap ?

Je ne veux ne pas être limité à mon continent. J’essaye de rapper de façon à ce que tout le monde m’écoute, notamment des français. Alors je rappe dans différentes langues, en anglais, en français… L’idée de c’est de s’exporter. Le rap ivoire, lorsqu’il est trop rappé, avec notre accent, il se limite parfois au pays (rires). J’essaye d’élargir mon public pour un jour encore collaborer avec des artistes hexagonaux. J’ai fait une première partie de Niska en Afrique, j’ai signé un feat avec Hache-P que j’aime beaucoup.

Quelles sont tes connexions avec les rappeurs français ?

Avec Hache-P, tout s’est fait simplement, on a échangé sur les réseaux. Je suis également en contact avec Le Juiice, mais on n’a pas encore eu l’occasion de collaborer.

Avoir les deux pieds en Côte d’Ivoire et puiser ton inspiration ailleurs, c’est ta marque de fabrique.

C’est ce que je fais également aujourd’hui avec la drill. J’essaye de vraiment poser mon visage dessus, qu’on m’identifie à travers ça. Quand on parle de drill ici, on parle de Gazo, mais je veux aussi qu’on pense à moi. En Côte d’Ivoire, j’ai été le premier à poser sur de la drill et c’est d’ailleurs ça qui a pu attirer l’attention de Def Jam.

En Côte d’Ivoire, j’ai été le premier à poser sur de la drill

Quel regard portes-tu sur la scène africaine ?

Pour ce qui est de la scène africaine, je pense que Def Jam a bien fait les choses en donnant sa confiance à des artistes respectés. Quand je pense à Suspect 95, c’est quelqu’un qui a du poids chez nous. Pareil pour Nasty C en Afrique du Sud. C’est vraiment être un honneur pour moi de rejoindre cette structure et d’être aux côtés de ces Avengers. C’est une équipe type (rires) !

D’une manière plus générale, est-ce que cette signature a changé ta manière de bosser ?

Pas vraiment, je fais toujours confiance aux beatmakers. Moi, j’écoute une prod’ et je laisse l’inspiration venir. Ici, le public n’aime pas trop le kickage ou quand ça rappe fort, donc il faut trouver le moyen de kicker tout en faisant bouger les gens. En Côte d’Ivoire, quand les auditeurs vont en boîte, ce n’est pas pour écouter du rap pur et dur donc il faut essayer des alternatives… Mon but, c’est d’arriver à me différencier, mais aussi d’exploser.

Et pour exploser, quelles sont tes ambitions ?

Mon truc, c’est la scène. J’aime bouger, donner vie à ma musique. J’adore Michael Jackson car lorsqu’il montait sur scène, c’était un évènement, tout le monde s’attendait à quelque chose. Il y a sa musique, ses clips… Mais aussi et surtout son look sur scène, sa manière de danser, son show… J’aimerais que mon propre délire sur scène soit dans la tête des gens. Impossible de penser à Michael sans son moonwalk ou à Pop Smoke sans ses pas de danse. Il faut que j’essaye d’apporter un truc dans le genre.

Je ne veux ne pas être limité à mon continent. J’essaye de rapper de façon à ce que tout le monde m’écoute

Justement, où en es-tu en ce moment ?

Là, je vais me concentrer sur une série de freestyles et ensuite envoyer plusieurs morceaux en lien mon véritable projet. Je vais essayer de m’en servir pour trouver ma place, pourquoi pas la première. C’est pour cela qu’il s’appelle Nouveau Boss. Mon but est de mettre le paquet dedans, de tout faire pour m’installer du mieux possible.

Pour terminer, aurais-tu une anecdote à nous livrer sur ton public ?

C’est justement au sujet de la scène. J’ai été envoyé en concert au Sénégal alors que personne ne me connaissait. Au début, le public ne bougeait pas et captait un mot sur deux car je rappais vite. Au bout d’un moment, j’y ai mis toute mon énergie et le public a basculé de mon côté. C’était une belle expérience et cela m’a apporté de la visibilité au Sénégal avec des feats, etc. C’est ce qui m’a donné envie de m’exporter.

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