Actualités Musique

Cheu-B : « Je ne veux pas me fondre dans la masse » [INTERVIEW]

Cheu-B : « Je ne veux pas me fondre dans la masse » [INTERVIEW]

L’artiste se confie dans une interview exclusive.

Connu pour sa réussite au sein du XVBARBAR, Cheu-B continue de cultiver un engouement certain autour de son personnage et de sa musique. Un artiste qui ne ressemble à aucun autre sur le territoire français, mais à qui l’on trouve de nombreux points communs avec certains grands acteurs de la scène américaine. Rencontre avec celui qui vient de sortir son tout nouvel extrait clippé : Valentine.

À LIRE AUSSI 
Cheu-B ride aux côtés de sa « Valentine » [VIDEOCLIP]

Comment tu t’es lancé dans la musique ?

Je fais de la musique depuis que j’ai 17 ans, ça doit faire cinq ans. Je me suis lancé par hasard en vrai, on était dans notre quartier et beaucoup de mecs de ma génération commençaient à rapper en solo, du coup après on a formé un groupe avec le XVBARBAR et en amont, il y avait le PSO Thug aussi. A la base, vraiment, c’était un délire en famille. On aimait beaucoup ce qui se faisait à Chicago, chez la nouvelle génération d’Atlanta, donc on a voulu faire le même concept. C’était pour nous de base, mais les gens ont bien aimé l’idée par la suite, donc ça a bien pris. A ce moment-là, j’écoutais beaucoup de rap américain, mais après moi j’écoute de tout franchement. Par exemple, j’écoute beaucoup de house, genre Fly Facilities.

Cheu-B, ça veut dire quoi ? On semble beaucoup à se poser cette question…

C’est vrai que beaucoup se le demandent, alors que c’est rien de spécial. C’est juste mon prénom à l’envers. Après quand je dis Cheublacheuw c’est pour mon quartier, La Fourche.

Je préfère qu’on me compare à un artiste américain qu’à un autre français

On te compare souvent à A$AP Rocky, tant dans ton image que dans ta musique, comment tu le prends ?

Comme je dis souvent, je me compare à personne. Mais je préfère que tu me compares à un artiste américain qu’à un autre français, ce serait comme si je copiais. Là, je m’en fous, parce que tout le monde s’inspire des States, c’est pas un secret. En plus c’est des gens que j’écoute et que j’apprécie. Puis A$AP Rocky franchement… C’est un compliment.

Comme A$AP Rocky justement, tu sembles faire attention à ton image et à ton style…

Franchement, ça c’est quelque chose qui était en moi bien avant la musique. Même en étant au quartier, j’ai toujours aimé bien me saper, c’est les parents qui nous ont éduqué comme ça aussi. C’est une façon d’être, c’est naturel, je vais pas me prendre la tête le matin pour savoir ce que je mets non plus. J’aime beaucoup les choses simples, les ensembles par exemple.

Tu collabores avec certaines enseignes ?

En ce moment, je collabore avec beaucoup de marques, même si j’ai plus d’affinités avec des marques comme True Vision ou DPLR. Elles m’ont aidé, elles m’ont poussé et je les ai poussé en retour. Après, évidemment, il y a d’autres labels que j’apprécie et avec qui j’ai travaillé comme Nike, Converse, Asics etc. C’est lourd, avant on devait charbonner pour acheter ces fringues, maintenant on nous les donne gratuitement (rires). Contrairement à d’autres rappeurs, j’ai cette chance-là. A savoir parfois, il y a des gens qui n’aiment pas ma musique mais qui aiment comment je me sape, donc je vais pouvoir les influencer par rapport à ça.

IMAGE ERROR

Tes clips sont également bien distinctifs et diversifiés. L’image d’artiste, ça passe par ces visuels également ?

Moi tu sais, j’suis dans mon délire, j’suis dans une matrix. Ca veut dire qu’à chaque fois que je fais un son, il y a des images qui me viennent en tête, c’est toujours très imagé. J’essaie ensuite de donner toutes mes idées au réalisateur et de voir avec lui pour qu’on puisse composer ensemble. C’est un peu comme des tableaux, on se dit il faut qu’il y ait ce décor là, ci, ça… On essaie de créer une harmonie avec le son, comme ça, on capte mieux le morceau. C’est un travail d’équipe, je ne suis pas le genre d’artiste qui vient et à qui on dit « mets-toi comme ci, mets-toi comme ça ». Je bosse avec des stylistes qui me suivent depuis un an, ils savent ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Les réalisateurs savent que je donne mon opinion, parce que je suis comme ça en fait, même dans ma musique, je ne fais rien qui ressemble aux autres. Le premier qui doit être satisfait c’est moi, une fois que je le suis, le reste… C’est que du plaisir si les gens aiment bien.

Un artiste, ce n’est pas une machine. Il faut kiffer ce que tu vis et ce que tu fais

Toi qui a connu l’aventure en groupe avec le XVBARBAR et aujourd’hui lancé en solitaire depuis plus d’un an, t’as une préférence entre travailler seul ou à plusieurs ?

Je fais toujours les deux et j’ai pas forcément de préférence pour l’un ou pour l’autre. Il y a des moments où je fais plus kiffer l’un, des moments ou je vais préférer l’autre. Parfois, quand j’étais avec mon groupe, j’avais besoin d’espace, je voulais kicker plus mais comme on était beaucoup, on devait faire 4 ou 8 mesures. Sur d’autres périodes où j’étais en solo, à force d’être seul en studio, l’inspi’ s’écourtait. Je ne savais plus trop quoi dire et à ce moment-là, je me rappellais que j’aimais bien quand mon pote était à côté et me disait : « ah ça, ce serait bien ». Faut savoir bosser dans les deux cas, je sais que maintenant quand j’ai du mal tout seul, je vais inviter trois, quatre potos à moi en studio, on va écouter mes sons et quand je vais passer derrière le micro, je vais être bien parce qu’il y aura eu un bon mood autour de moi, une bonne ambiance. C’est important, parce qu’un artiste ce n’est pas une machine, faut kiffer ce que tu vis et ce que tu fais. Il y a des moments où t’es dans une mauvaise passe et l’inspi’ n’est pas là, comme tout être humain. Ca peut arriver quand t’es trop seul ou trop entouré par ton groupe, avec la pression. C’est complet, de la même manière que je peux amener mes potes au studio, je vais parfois préférer rester qu’avec l’ingé.

IMAGE ERROR

Après vous être imposé avec le XV, le but était de commencer chacun vos carrières solos pour s’imposer et revenir encore plus forts en groupe par la suite. C’est toujours le cas ?

C’est toujours l’objectif. On est en train de préparer un projet déjà en discret, il est pas mal. On veut toujours tout n*quer ensemble, mais on le fait vraiment pour le délire, parce qu’en plus on sait qu’on a amené quelque chose dans le rap français. C’est un moteur le XV, on est toujours ensemble, toujours le S qui est là pour tirer le groupe. Et puis on n’a plus 17 ans, on a grandi, ce n’est plus pareil. On comprend maintenant quand l’un veut partir faire son bout de chemin seul, alors qu’avant, jamais on se serait dit qu’on allait se quitter un jour.

Concernant tes textes, tu n’écris toujours en amont, avant d’aller enregistrer en studio ?

Je fonctionne toujours comme ça. Ce n’est pas que je n’arrive pas à écrire, je peux le faire, mais je vais pas faire plus de 4 mesures maximum. Je vais commencer et après tout va se dérouler dans ma tête, j’ai besoin du son pour me lancer et ça sort tout seul. Après, quand on fait de la trap c’est plus facile, on te raconte ce qu’on fait, on n’est pas des écrivains à la Dosseh ou à la SCH par exemple. Je vais quand même peut-être me laisser aller à l’écriture sur certains titres, je le vois moi-même en avançant que je me livre plus certains que sur d’autres, mais je vais pas faire une carrière sur les textes. C’est pas mon délire à moi, je ne suis pas un écrin et je ne le serai jamais, je suis un mec du turn up frère ! C’est tout un ensemble, faut que tu kiffes mon flow, ma vibe, mon monde : Skyland.

Dans l’un de tes derniers clips, Mafioso, on aperçoit pas mal de rappeurs de la nouvelle génération. Qu’est-ce que tu penses de cette relève ?

La plupart d’entre eux me connaissent d’avant la musique, comme Landy, que je fréquentais avant même qu’on commence la musique. Maes, je l’ai connu dans un concert de 13Block, il faisait la première partie et le feeling est bien passé. On était seuls sans nos managers et il y avait Ninho, la loge était petite, c’était à la Bellevilloise. Maes était tout seul et pas très confiant, c’était sa première, donc je suis allé le voir pour le motiver. On est restés en contact et ça fait plaisir. Pour la plupart, c’est vraiment des relations humaines comme ça, je suis pas dans les relations d’apport, je m’en fou. Tout le rap game se connaît, nous on sait qu’on a révolutionné le rap avec des mecs comme Niska, on n’a même plus besoin de le dire, tout le monde le sait. J’ai plus besoin de prouver, je vois les rappeurs normalement avec un regard différent qu’à mes débuts. Toute cette nouvelle génération, je trouve que c’est lourd, parce que dans le fond, je le sais qu’ils s’inspirent un peu de ce que le XV et le PSO ont fait. Quoiqu’il arrive, on ne peut qu’être contents. Aujourd’hui, il n’y a plus de statut dans le rap, il y a des petits et des grands, t’as pas besoin de connaître un tel ou un tel ou de venir de tel ou tel quartier, tout le monde peut réussir et se mélanger. Ca c’est depuis que le XV et au PSO, même si d’autres sont arrivés juste derrière. Des gars comme 4Keus, Q.E Favelas, je les ai rencontrés on a fait une date ensemble et le respect qu’ils t’apportent wallah ça fait plaisir. Ca va trop vite, je te parle déjà comme si j’étais un ancien alors que bientôt c’est ces mecs là qui en inspireront d’autres. (rires)

Des featurings pourraient se faire entre vous alors ? Du genre avec Maes ou le 4Keus ?

Franchement, ouais. Sur le deuxième projet, je ne sais pas encore ce que je vais faire exactement, mais des feats qui sortiront soit sur le projet de l’un ou de l’autre, il y en aura forcément. Pour l’instant, un seul featuring a été fait, c’est avec Cinco. Justement, ce n’est pas un mec que j’aime pour ses millions de vues mais parce que je kiff ce qu’il fait, je sais que demain il va péter, il est trop fort pour que ça ne marche pas. En plus le son qu’on a fait est grave lourd.

Sur Welcome to Skyland il y avait déjà pas mal de featurings (Hamza, 13Block, Black D, The S, Leto…), on a l’impression que t’aimes pas forcément être seul et que c’est peut-être dû à cette habitude d’avoir évolué en groupe ?

Voilà, en fait c’est ça. Avec le 13Block, on s’est connectés via Instagram parce que maintenant, ça va vite. Il y a des featurings qui sont logiques à mon sens et pour le public surtout, que t’es obligé de leur donner. Moi ce que j’aime faire c’est apporter cet esprit cainri, de pas rester dans son coin. Tout à l’heure tu m’as parlé de Koba La D, je suis sûr que les gens rêveraient d’une connexion Koba La D, Zola, Cheu-B, ils péteraient les plombs. Si tu le fais, tout le monde b*ise tout le monde et chacun prend de l’exposition. Mais après, en France on est toujours un peu bloqués, il faut que ça change. Quand t’es rappeur, faut pas oublier ton objectif, faut prendre de l’exposition, prendre des sous et faire des choses qui vont avec ton image. Avec le public c’est simple, si deux rappeurs qui sont dans le même délire ne sont pas affiliés ensemble, ça veut tout de suite dire qu’ils sont ennemis, alors que si tu fais une connexion, les gens sont contents et ils consomment. C’est que j’avais fait il y a quelques années avec le XVBARBAR et Niska, en disant « c’est nous le futur du rap, venez on fait un son. » Pareil pour mon featuring avec 13Block, on a fait Pesos et ça a explosé. Avec Hamza on s’est envoyés « yo » sur Insta et tout est parti de là, encore une fois c’était logique.

Ce que je trouve stylé aux Etats-Unis, c’est les connexions faciles mais sans que l’un soit là pour s*cer l’autre

C’est vrai que par rapport à d’autres artistes, on sent que t’as envie d’aller vers les autres…

En fait, moi j’ai vécu trois ans de rap où on n’avait aucun featuring avec le XV, on était déjà huit. On répondait toujours aux autres qu’on ne pouvait pas feater parce qu’on était déjà assez entre nous et que c’était trop difficile déjà de nous trouver de la place à tous pour pouvoir inviter quelqu’un en plus. C’était trop compliqué. Du coup, ce que je trouve stylé aux Etats-Unis, c’est les connexions faciles mais sans que l’un soit là pour s*cer l’autre. Pour moi, les gens qui font les grosses têtes en mode « je me connecte pas », c’est parce qu’ils n’ont pas les contacts ou pas les c*uilles d’avouer…

Quelle était la visée de ton premier projet en solitaire, Welcome to Skyland ?

Avec le XV, on était vraiment inscrits dans une trap très orientée vers la rue et avec ce projet j’ai fourni ma trap à moi. J’ai mis que du vocodeur, chose que personne ne faisait à part mon gars Hamza, mais dans un autre délire. Je voulais créer mon monde, j’aurais pu revenir en solo dans le même délire qu’avec le XV, mais les gens se seraient lassés au bout d’un moment, ils auraient dit : « c’est la même tout seul ». Je suis arrivé avec mon monde et il y a même des gens qui ne me connaissaient pas et qui m’ont connu tout seul en tant que Cheu-B. Je suis arrivé avec des sonorités que tu trouveras pas ailleurs, je ne veux pas me fondre dans la masse.

20 morceaux sur Welcome to Skyland, le second sera aussi massif ?

Honnêtement, je ne sais pas. Sachant que j’ai beaucoup de tracks de côté, les trois premiers sons que j’ai sorti récemment (Mafioso, Sans toit, 100 doigts et Valentine), ce sera des bonus, tellement j’ai d’autres morceaux sur le côté. Ce n’est pas comme l’année dernière, j’ai testé l’intérêt des gens en envoyant plusieurs tracks et une fois que j’ai capté l’engouement, j’ai pu balancer le projet et les mettre dedans. Ca veut dire que je l’ai gonflé avec des morceaux que les gens avaient déjà kiffer, plus des nouveaux, ce qui est arrivé à un total 20. Au moins c’est complet au final, si il y a des sons qui te saoulent, tu changes. C’était une première carte de visite, maintenant je vais pouvoir être plus sélectif et ce qui est sûr c’est que tout les morceaux qui seront dans le projet ne seront pas sortis avant à part peut-être le dernier clip avant la sortie. Les trois extraits lancés ces derniers mois annoncent déjà la couleur.

En te lançant en solitaire, tu cherchais à ce qu’on t’identifie en dehors du XVBARBAR et que le public cerne réellement ton univers. Tu considères que c’est le cas aujourd’hui ?

Ouais. Je suis content, en une année, c’est pas mal. Et pourtant, j’ai pas été développé au maximum de la capacité du projet etc. Avec la réputation qu’on avait avec le XV, c’était difficile au début parce que de nombreuses portes étaient fermées. Mais le travail a été fait et a fait parler de lui, j’ai fait de bonnes rencontres qui m’ont aidé à avancer. Je les remercierai toujours. Ce qui me manque aujourd’hui, ce serait peut-être un petit disque d’or, de bons résultats… Je suis réaliste, je sais que ma musique est spéciale et que toute la France ne va pas aimer, mais si j’y arrive, ce serait magique.

Crédits photos : Antoine Ott.

Top articles

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT