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404Billy: « Impossible de se trahir si on reste soi-même » [INTERVIEW]

404Billy: « Impossible de se trahir si on reste soi-même » [INTERVIEW]

Rencontre avec l’artiste à l’occasion de la sortie de son projet « Process ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Avec son projet Hostile balancé en 2018, 404Billy avait posé les bases d’un personnage comme aucun autre, sombre et disposé à tout découper instru après instru. Un an plus tard, voilà que le rappeur de Villiers-le-Bel (95) revient avec Process, un album qui le place du côté des inclassables. Fidèle à un style qui ne tient qu’à lui, il distille a travers ce disque une écriture toute en nerfs, arrosée de saillies toujours tranchantes… Mais sur des réalisations avec refrain, loin du Billy The Kid de ses débuts. Focus, avec le principal intéressé, sur le processus de ce fameux Process.

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Quel est ton état d’esprit à l’heure de la sortie de ce second projet ?

J’ai hâte de savoir comment le public va ressentir tout ça. Franchement, je suis vraiment fier de Process, je vais le défendre comme il se doit.

Ta manière de bosser a changé sur « Process » ?

Non, j’ai continué d’écrire derrière le micro, directement dans la cabine. En studio je suis comme ça, il faut que je pose dès que j’arrive. Ce qui a changé, c’est tout se qui concerne l’impact de mes morceaux, de ce que j’ai envie de donner au public. C’est surtout grâce à ce qui m’est arrivé récemment. En faisant la première partie de Damso, t’arrives à voir ce qui fonctionne ou pas. Le facteur scène rentre forcément en compte maintenant, alors qu’avant ce n’était pas le cas. Avant, je cherchais juste à performer. Aujourd’hui, je veux surtout faire de bons morceaux.

En faisant la première partie de Damso, t’arrives à voir ce qui fonctionne ou pas

Tu es comme un boxeur qui sait encaisser et maîtriser ses coups !

C’est exactement ça ! Aujourd’hui, j’arrive avec un rap qui est plus maîtrisé. Quand tu arrives dans le rap, c’est comme si tu débloquais une force qui tu n’arrivais pas à contrôler. Maintenant, je pense que le temps a fait son oeuvre. C’est comme une sorte de maturité artistique.

Et justement, partager des scènes avec Damso, c’est une sacrée étape quand même…

C’est bien simple, tu passes de rien à 10 000 personnes. C’est ouf, je n’avais aucune pression, j’ai préféré y aller comme ça. Je me suis dit un truc simple : « si je suis fait pour ça, autant le faire comme tu le sens ». Cela s’est bien passé. Les gens ont kiffé, le public sautait dans tous les sens… C’est une très belle expérience.

Tu n’as jamais collé aux tendances et pourtant tu as franchi des paliers. C’est un message, comme si tu disais : « restez vous-mêmes, c’est possible ».

Que ce soit dans l’industrie, dans le public ou autre, il y a peut-être des personnes qui ont cette curiosité par rapport à moi. On peut se demander si avec mon état d’esprit, il y a vraiment moyen d’y arriver. En fait, si je réussis à tout niquer en gardant ma façon de faire, tout bascule. En vrai, c’est un message. Si j’y arrive, ça aura un impact de malade.

Avec Hostile, on a pu me placer dans la catégorie des kickeurs, mais avec Process, personne ne saura plus où me mettre

C’est toujours un plaisir d’être qualifié comme « inclassable »?

C’est vraiment un plaisir et j’en ri ! Process, c’est vraiment moi. Hostile, c’était comme une frappe… Alors que ce nouveau projet sonne plus comme une feinte de frappe. Si on suit ce chemin, l’album, ça va être le but. Avec Hostile, on a pu me placer dans la catégorie des kickeurs, mais avec Process, personne ne saura plus où me mettre. Dans Preuve, je chante, dans 404 Freestyle ça kicke, dans Rageux il y a un délire un peu hit… Tu as de tout en fait.

Tu peux varier les ambiances alors que les propos restent toujours très sombres…

Le propos, c’est moi. Si je commence à changer mes mots, ça veut dire que j’ai donné mon cul. J’aurais par exemple aimé parler de meufs sur ce projet là, sur tout un son. Mais je n’ai pas encore trouvé la bonne manière de l’amener. J’aurais pu ne pas me prendre la tête et parler simplement d’une relation entre une femme et moi… Mais ça ne m’intéresse pas, je veux aller plus loin, être plus profond, plus réel.

Cette volonté d’aller plus loin s’est illustré avec tout le délire autour de la pochette, du teasing de Process.

Pour moi, chacun reste maître de son art. Moi j’aime me prendre la tête, j’éprouve du plaisir à me poser des questions. Quand c’est trop facile, je n’aime pas. Il faut qu’il y ait un concept à chaque fois. Peut-être que pour l’album il y en aura encore un autre. C’est ce que les plus grands font. Kendrick Lamar ne se contente pas de faire de simples albums, il y a toujours une histoire derrière.

Moi j’aime me prendre la tête, j’éprouve du plaisir à me poser des questions. Quand c’est trop facile, je n’aime pas

A l’heure actuelle, c’est plutôt osé de fonctionner comme ça.

J’aime me prendre la tête, mais je suis aussi conscient que je rappe pour les jeunes. Et de base, les jeunes, ce qu’ils aiment, ce n’est pas se prendre la tête. Donc au final, on ramène quelque chose de différent, certes, mais sur des sonorités modernes, dans l’air du temps. Je m’adapte à mon temps, comme quand je rappe « autant puriste que futuriste ». C’est une manière de dire que je ne suis aucun des deux, je ne suis pas là pour dévoiler la mode de demain, ni pour ramener des trucs old school. Je vis juste le monde d’aujourd’hui à ma manière. Mon but, c’est qu’on ne me mette dans aucune case car je ne ressemble à personne. Après, c’est normal de trouver des similitudes, ça ne me gène pas. Damso, on me compare à lui depuis le feat RVRE, mais les univers collent, c’est sûr. Un feat Billy Damso, tu n’es pas choqué. Mais en France, dès que t’es sombre et que tu aimes écrire, on te classe dans le même délire.

Et comment tu fais pour rester toujours aussi sombre ?

Je ne sais pas ce qui me pousse à écrire, disons que dès que je me mets derrière un micro, ça sort comme ça. Au studio, tu obtiens quelque chose de spontané, alors que chez toi t’as le temps de réfléchir. Là, tu rappes, si ça sort bien, c’est parfait, t’as gagné. J’ai choisi cette méthode de travail car c’est moi, c’est ma culture, ce que j’ai vu, écouté…

Justement, qu’est-ce qui t’as le plus marqué ?

Mon père en prison, forcément, ça m’a marqué. Il faut savoir que la première fois qu’on se rencontre, c’est au parloir. Après j’ai galéré avec ma mère, on a connu des épisodes de fou. Lorsque ton passé ressemble a ça, tu ne peux pas débarquer et dire que tout va bien. Ma musique, c’est donc moi et le micro. Je ne rappe pas dans ma chambre avec une série Netflix dans le fond.

Lorsque ton passé est dur, tu ne peux pas débarquer et dire que tout va bien

D’ailleurs, tu ne tombes presque jamais dans le name-dropping.

Je peux avoir une ou deux phases, mais c’est moi qui fait ma propre série. Stephen King, lorqu’il écrit un livre, tu vas reconnaître son style, même si les histoires changent. Si j’avais voulu que ce projet ressemble au précédent, je l’aurais appelé Hostile 2. Mon but, c’est que le prochain change encore de couleur.

Tu serais prêt à aller vers des sons beaucoup plus ouverts sur un prochain projet ?

Tout dépend… Le morceau Sombre fan par exemple, tu le prends comment (rires) ? Il y a forcément des moments dans le titre pendant lesquels tu es obligé de sourire ! C’est comme la dernière feinte de la tracklist, je kiffe fonctionner comme ça, prendre le public à contre-pied.

Enfin, comment tu vis avec les retours de tes auditeurs ?

Franchement, je kiffe. Pour un artiste comme moi, composer avec les retours du public c’est une bonne chose. Je pense que si un jour je pète, j’aurais une putain de fanbase. Quand tu fais quelque chose de différent, les gens se rallient à ta cause. Ils ont envie de te pousser, car ils savent pertinemment que tu n’es pas là pour un projet et te casser. J’espère être là pour un bon moment. Ils sont avec moi, je pense que j’arrive à faire ressortir le côté bressom des gens… Même s’ils ne faut pas qu’ils s’enterrent dans des délires trop sombres, ils vont déprimer sinon (rires) !

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