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Kim Kardashian Superstar : l’histoire de la sextape qui a changé le monde

Kim Kardashian Superstar : l’histoire de la sextape qui a changé le monde

C’était il y a 15 ans. Depuis, rien n’est pareil…

Sans exagération aucune, c’est l’un des évènements majeurs, non pas de la pop culture du 21ème siècle, mais du 21ème siècle tout court.

Imaginez en effet un instant ô combien l’époque serait différente si ce petit film des ébats entre une aspirante starlette et un chanteur de seconde zone était resté dans les tiroirs.

La naissance du plus grand des empires de télé-réalité, la quête de célébrité comme seul but dans l’existence pour toute une génération, l’oisiveté érigée en modèle de réussite, la propagande sur les réseaux sociaux, la redéfinition des canons de beauté/la démocratisation de la chirurgie esthétique, les nudes dans tous les téléphones, l’Arménie, la peopolisation du rap… c’est bien simple, sans Kim Kardsahian (et Ray-J), ce sont des pans entiers de notre quotidien qui ne se seraient pas retrouvés chamboulés.

Et dire que tout cela est arrivé par hasard ou presque.

Quand l’histoire se fait sans se savoir

2002. Kimberly Noel Kardashian, 22 ans, n’est à cet instant qu’une cadette de la haute société californienne comme il en existe tant d’autres.

Fille de la star du barreau Robert Kardashian (sept ans plus tôt, il participait à faire innocenter l’ex-footballeur O.J. Simpson pour un double meurtre dont il était très probablement coupable), elle a quitté l’université sans aucun diplôme en poche et travaille à ses heures perdues comme assistante de la chanteuse r&b Brandy.

Mariée deux ans plus tôt au producteur Damon Thomas (Chris Brown, Pink, R.Kelly…), elle n’en tombe pas mois raide dingue du petit frère de la diva, Willie ‘Ray J’ Norwood, 21 ans.

Les deux amants entament alors une liaison des plus fusionnelles.

Des papillons dans le ventre, au mois d’octobre, ils s’en vont fêter les 23 ans de Kim dans un complexe hôtelier de luxe à Cabo San Lucas au Mexique.

Équipés d’un caméscope, les deux tourtereaux immortalisent leur séjour comme il se doit : ils filment les paysages, ils se filment en train de faire les foufous, et accessoirement, ils se filment en train de faire l’amour.

De là, quatre années passent.

Kim divorce de Thomas en 2004 (elle l’accuse en justice de violences physiques et d’emprise psychologique, il lui reproche d’être une « fame-whore »), se sépare de Ray J en 2006, puis se met en couple avec Reggie Bush, le running back des San Francisco 49ers.

Bien qu’elle soit encore à mille lieux d’être le personnage public qu’elle est aujourd’hui, elle est désormais une régulière des colonnes de la presse à scandale, notamment en raison de son « amitié » nouvelle avec Paris Hilton.

Héritière du groupe hôtelier du même nom, cette dernière s’est fait un prénom en 2004 grâce à sa sextape 1 Night in Paris, puis sa télé-réalité The Simple Life où en elle s’initiait aux joies de la vie champêtre en compagnie d’une autre privilégiée, Nicole Richie.

Sorte de Kim K. avant l’heure, Paris Hilton est celle qui inaugure le concept de célébrité « connue pour être connue ».

Caméo régulier The Simple Life, complice de soirées, Kimberly ronge cependant son frein : la fille dont tout le monde doit parler, ce doit être elle – et pas celle qui se fait remettre à sa place sans ménagement ou qui masse les pieds de sa patronne.

Certes, entretemps elle a monté un petit business (elle revend sur eBay des vêtements récupérés dans les placards de ses voisines de palier comme Serena Williams et Cindy Crawford), mais rien de tout cela n’apaise son ambition.

À en croire Kevin Dickson, un ancien éditorialiste du tabloïd In Touch Weekly avec qui elle est devenue « amie » (oui, le mot « ami » est très souvent entre guillemets dans cet article), « Kim l’appelait chaque semaine pour lui parler d’elle et voir comment elle pourrait faire l’actu ».

[Genre, (supposément) avertir les paparazzis de son date avec Nick Lachey sitôt sa rupture consommée avec Jessica Simpson – bordel, qui sont ces gens ?]

En quelques semaines, la donne va toutefois être bouleversée.

Le big bang

« Un jour, quelqu’un a appelé notre bureau pour nous dire qu’il avait en sa possession la vidéo d’une célébrité. Nous avons organisé un rendez-vous avec cette personne, et elle nous a montré sur son ordinateur une sextape montée de A à Z. D’habitude, c’est à nous de faire ce boulot. Là, tout était prêt » raconte Steven Hirsch, le patron et fondateur de Vivid Entertainment, une société de production de films pornographiques.

« De notre côté, nous avons fait quelques recherches pour savoir qui était la fille que l’on voyait à l’image. Il s’est avéré qu’elle était la belle-fille de Bruce Jenner, un ancien champion olympique de décathlon, que son père avait été un avocat renommé, et que son petit copain était un petit peu connu, tandis que sa sœur était elle une véritable star. Au fur et à mesure que les pièces du puzzle s’assemblaient, je me disais ‘Wow, c’est de plus en plus intéressant !’ »

Il n’empêche que lorsque la nouvelle arrive aux oreilles de Kim, chez les Kardashian on voit rouge : le 21 février, Steven Kurtz, l’avocat de la famille, dépose plainte contre Vivid Entertainment pour atteinte à la vie privée afin de prévenir toute diffusion.

D’âpres négociations s’engagent alors entre les deux parties. Le clan K. finit néanmoins par lâcher du lest et accepte que soient commercialisés les galipettes de Kim contre rémunération – la rumeur évoque 5 millions de dollars, une somme démentie de part et d’autre.

Et c’est ainsi que le 21 mars 2007, Kim Kardashian, Superstar arrive dans les bacs, changeant le game à jamais.

Sans rentrer plus que ça dans les détails (d’autres sites sont là pour ça), les internets découvrent ébahis 41 minutes durant un corps qui ressemble à ceux fantasmés dans les bandes dessinées. Chaînon manquant entre une vixen de vidéoclip et une actrice porno, Kimberly Kardashian attire tous les regards.

Très vite, compteurs de clics et chiffres du pay-per-view s’emballent pour atteindre des hauteurs inédites.

Si l’on en croit le très souvent bien informé TMZ, en 2017, dix ans après sa sortie, Kim Kardashian, Superstar a dépassé la barre des 210 millions de vues sur les plateformes payantes, générant un chiffre d’affaires de plus de 100 millions de dollars.

Des chiffres colossaux qui lui valent, loin devant la lune de miel de Pamela Anderson et Tommy Lee, le titre de sextape la plus lucrative ever.

La naissance du Kardashian universe

Propulsée sur le devant de la scène, Kim Kardashian bénéficie alors d’un soutien de poids pour capitaliser sur cette gloire nouvelle : celui de sa mère, Kris Jenner.

Désireuse de saisir la balle au bond, celle qui se fera rapidement surnommé « momager » (la contraction de « Mom/Maman » et de « manager », une expression depuis déposée) en profite pour relancer auprès des chaînes télé son projet de « sitcom non scénarisé » (sic) centré sur elle et ses cinq filles.

[Un concept soit-dit en passant largement pompé aux Osbournes qui de 2002 à 2005 suivaient les tribulations du chanteur du groupe rock Black Sabbath et de sa petite famille…]

Flairant la poule aux œufs d’or, le 14 octobre 2007, huit mois après le leak de Kim Kardashian, Superstar, la chaîne câblée E! programme sur son antenne le tout premier épisode de Keeping Up with the Kardashians.

Entretemps, Kim et Paris ont cessé d’être « amies » (un hasard sûrement) et, comme un passage de témoin, MTV a officialisé le non-renouvellement de The Simple Life.

À qui profite le crime ?

Évidemment, avec le recul, après 20 saisons de KUWTK, des spinf-offs en veux-tu en voilà (Kourtney and Kim Take New York, Kourtney and Kim Take Miami, Kourtney and Khloé Take Miami, Kourtney and Khloé Take The Hamptons, Khloé and Lamar, Rob and Chyna, Kocktails With Khloe…), la mise en orbite de Kendall et Kylie, les millions des marques de fringues (Skims, Good American…), les milliards des marques de cosmétiques (Kylie Cosmetic, KKW Beauty, KKW Fragrance…), difficile de ne pas se dire que ce coup du sort était un coup monté.

En 2016, le journaliste canadien Ian Halperin s’est penché sur le sujet dans son livre Kardashian Dynasty: The Controversial Rise of America’s Royal Family. Auteur de précédentes enquêtes sur la mort de Kurt Cobain ou les derniers jours de Michael Jackson, sa conclusion est sans appel

« Un ami commun de Paris et Kim a conseillé à Kim de faire cette sextape pour se faire connaître. Kim en a parlé avec sa famille au préalable, et c’est Kris qui en coulisses a orchestré le deal avec Vivid Entertainment. C’est elle qui a permis sa commercialisation. »

Bien que ne s’appuyant sur aucun début de preuve, l’hypothèse peut séduire, d’autant plus que, non-contente d’avoir encouragé sa progéniture à poser nue pour Playboy en 2007, la matriarche s’octroie 10% de tous les profits générés par les business de ses filles via sa société Jenner Communications.

Toujours est-il qu’elle est vivement contestée par chacune des parties, qu’il s’agisse de l’intéressée (« Personne n’est prêt pour que ce genre de chose arrive à sa fille »), Steven Hirsh (« Je n’ai jamais été en contact de près ou de loin avec Kris Jenner »), ou Kim (« Qui voudrait humilier sa famille de cette manière ? »).

Et Ray J dans tout ça ?

S’il est établi qu’il n’est pas la personne à l’origine de la fuite de la sextape comme il a longtemps été murmuré (en 2015, Kim a avoué savoir qui elle était), il a tout de même su surfer sur la vague, ne serait-ce que parce que l’accord financier passé avec Vivid lui a garanti jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de dollars mensuels.

Auteur de quelques hits mineurs dans la seconde partie des années 2000 (Sexy Can I où il balance « Lemme go get my camera », le très distingué I Hit It First dont le clip met en scène un sosie de K.K…), il joue en parallèle de son image de player dans diverses télé-réalités sordides à la For the Love of Ray J (un Bachelor du pauvre) et Love & Hip Hop.

Reste que pour plus ou moins reprendre les mots de Kanye West sur La Vie de Pablo en 2016, il n’évolue clairement pas dans la même catégorie que son ex.

Tantôt beau joueur (« Ce qui est passé est passé, ce n’est que de l’amour »), tantôt amer, à 41 ans, il s’en est récemment pris avec véhémence aux Kardashian dans une interview donnée au Daily Mail, reprenant notamment la thèse de l’inside job.

« Je suis resté dans l’ombre pendant une décennie et demie pendant qu’eux ont abusé de mon nom et ont gagné des milliards de dollars. »

Le génie de Kim

Bien que Ray J n’ait ici pas totalement tort, il est une chose qu’il lui échappe peut-être : des deux, il n’est pas celui qui pendant des années a dû endurer de se faire quotidiennement traiter de tous les noms.

Reléguée au rang d’arriviste sans scrupules, insultée en continu sur les réseaux, bannie des défilés de mode, snobée par les marques qui refusaient ne serait-ce que de lui prêter la moindre pièce… Kimberly Kardashian revient de loin.

Certes, depuis 2007 elle n’a toujours ni appris à danser, ni à chanter, ni même à faire quoi ce soit d’intéressant de ses dix doigts, mais elle a su à force d’abnégation transformer en carburant pour ses ambitions un évènement qui sur le papier aurait dû mille fois ruiner son image.

Aujourd’hui femme la plus célèbre de son temps, une place lui est réservée dans les livres d’histoire.

Pas dit que ce soit pour le meilleur, mais en soi la performance est inédite.

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