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Naza : le phénomène Creillois sur lequel il faut miser [DOSSIER]

Naza : le phénomène Creillois sur lequel il faut miser [DOSSIER]

On s’est questionné sur la naissance du phénomène Naza et on a tiré des conclusions.

Naza est un rappeur français originaire de la République Démocratique du Congo (RDC) et du Congo Brazzaville. En l’espace de quatre ans, le jeune artiste de Creil dans l’Oise a su s’imposer comme l’une des nouvelles têtes à suivre dans le rap français. Bénéficiant de l’explosion des sonorités afro en France avec notamment l’avènement de l’Afro Trap de MHD, il propose une musique composite, mêlant avec aisance le côté brut de la rue Isarienne et les sonorités chaudes du Haut-Katanga. À 24 ans, Naza s’apprête à publier son tout premier album dans les bacs et sur les plateformes de streaming. Comment en est-il arrivé là ? Pourquoi les yeux sont rivés sur lui ? À quoi doit-on s’attendre par la suite ? Tentative de réponse dans cette analyse du phénomène.

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De la rue au studio : des débuts prometteurs

Au coeur du 60100, à Creil, Naza écrit ses premières rimes au début des années 2010, dans le silence le plus total. À cette époque, le produit est brut, simple, pas encore arrivé à maturation. Lorsqu’on le découvre pour la première fois sur le remix du morceau « Paname Boss » de La Fouine en février 2013, le rappeur est encore dans l’expérimentation, il est alors impossible de déceler un futur potentiel tel qu’on lui connaît actuellement. Un street clip puis un jump dans la salle du temps, on le retrouve 2 ans plus tard signé chez Bomayé Musik, après l’explosion de son pote Keblack avec son fameux freestyle « Tout va bien ». C’est d’ailleurs avec ce dernier qu’il fera ses débuts sur YouTube pour son premier clip. Désormais entouré d’une équipe de professionnels, Naza va consciencieusement polir sa pierre, avant de la placer à une place stratégique sur l’édifice du rap français.

Keblack et Naza se complètent parfaitement, le chant s’allie à la rue pour tutoyer le haut des charts

Son premier move dans le jeu se fait par l’intermédiaire du morceau « Comment » avec Keblack. Comme pour effacer d’entrée de jeu les potentielles railleries, Naza enchaîne deux semaines plus tard avec beaucoup d’auto-dérision sur le morceau « Gros Gras ». « Que personne ne s’étonne si le son n’est pas léger », le kickeur invétéré s’est reveillé et est bien décidé à laisser son empreinte sur le rap français. Pendant près de 2 ans, il va enchaîner les collaborations, d’abord avec son pote de longue date Keblack, mais également avec des artistes comme GLK ou Hiro. Si les prémices de sa fibre artistique se dessinent vaguement, ses apparitions sont encore trop timides. Il en est de même pour ses morceaux en solo : « Dans ma cave » et « T’es mort » bénéficient d’un succès nuancé, l’univers trop sombre développé par le rappeur creillois n’atteint pas encore son public. Pour transformer l’essai, Naza va devoir redoubler d’efforts. Au cours du deuxième semestre de l’année 2016, il enclenche la seconde avec la sortie de son premier projet « Tout pour la street ». Le buzz naissant autour de morceaux comme « Gater le coin » ou « Fais ta mala », en featuring avec Keblack, place Naza sur la rampe de lancement du succès.

La recette Naza : pourquoi le buzz ?

Pour comprendre le succès de Naza, il faut recontextualiser son arrivée. En 2015, l’Afro Trap de MHD explose en France peu après que Maître Gims ait ouvert la porte aux sonorités afro avec son tube « Sappés comme jamais ». À cette époque, Naza évolue dans un tout autre style. Même s’il est déjà adepte du chant, il se cantonne dans un premier temps à prouver ses qualités techniques sur des instrumentales assez « classiques ». C’est sa rencontre avec Christopher Ghenda qui va changer la donne. Dès son premier projet, on sent un changement de couleur notable dans les productions. L’exemple parfait est celui de « Gater le coin ». La formule est simple : la production sur les couplets est minimaliste, un kick/snare souvent accompagné d’une guitare et un Naza qui kick en utilisant des mélodies simples. Sur le refrain, la recette prend tout son sens : La production change d’allure pour adopter une rythmique afro basée sur les contretemps, ici Naza chante et l’accumulation de percussions donne l’impression d’un tempo plus rapide, terriblement efficace. Christopher Ghenda, que l’on citait plus haut, est donc le compositeur à l’initiative de tous les derniers hits de Naza : « La Débauche », « A Gogo » et « MMM ».

La force de Naza réside dans sa capacité à synthétiser ses diverses influences

Fort heureusement, le talent de Naza ne s’arrête pas aux productions sur lesquelles il pose. Comme dit précédemment, ses origines africaines transparaissent à travers sa musique. Le rappeur a baigné depuis l’enfance dans la rumba congolaise et c’est logiquement que l’on retrouve des chorégraphies ou des mouvements inspirés de danses comme le Ndombolo ou le Kwassa Kwassa, pour ne citer que celles là, dans plusieurs de ses clips. Le phénomène est assez rare pour être souligné, cela lui permet notamment de fédérer une communauté forte autour d’une culture commune. Mais cela ne s’arrête pas là encore une fois. On peut également citer son vocabulaire et ses gimmicks comme fil rouge à travers ses morceaux. En plus d’incorporer du lingala dans la majorité de ses titres, il se réapproprie, met en avant, puis popularise des expressions de la rue, parfois directement en lien avec ses origines. Pour finir, sa capacité à trouver des refrains accrocheurs, quasi imparables pour la plupart, lui assure un succès notable sur les plateformes de streaming et dans les clubs de l’Hexagone. On ajoute à cela sa voix nasillarde et son physique atypique et totalement assumé, on obtient un personnage bon enfant, plein d’auto-dérision, presque aussi connu sur Snapchat que sur YouTube et pour lequel la vie semble sourire malgré les galères inhérentes à la vie de quartier.

2017 : l’année de la consécration ?

La question qui reste en suspens est la suivante : Naza peut-il devenir un acteur majeur du rap français ? On vous parlait un peu plus tôt de ses atouts, sa musique en possède un fondamental : se glisser dans la majorité des clubs de France. Le rap a engendré ces dernières années une nouvelle économie centrée autour du streaming et des showcases. À l’image de ses aînés comme Jul, Gradur ou encore Niska, Naza tourne régulièrement en showcase dans les clubs ce qui lui permet d’avoir des retombées d’argent importantes et régulières. N’ayant sorti qu’un seul projet de 6 titres en digital jusqu’à aujourd’hui, il se repose également beaucoup sur le streaming. C’est dans ce sens qu’il a adopté le format du single et accumule les millions de clics sur les plateformes audio et vidéo. Avec l’arrivée de son premier album studio le 29 septembre 2017, le rappeur creillois fait son premier grand saut dans les bacs. S’il se repose aujourd’hui sur une économie peu stable mais s’en sort grâce à elle, il lui manque encore quelques trophées pour devenir un « grand » du rap français. Tout d’abord un classique. Naza dispose de tubes indiscutables mais n’a pas encore de morceau rappé qui a fait l’unanimité. À l’ère de l’intégration des streams dans la performance pour le disque d’or, beaucoup attendent également une certification dorée pour ce premier album à paraître. La véritable question qui semble finalement se dégager est : Naza veut-il devenir un acteur majeur du rap français ?

L’exemple même de cette nouvelle génération qui mélange les genres et participe à l’explosion des cases

La trajectoire qu’il emprunte indique le contraire. Ou du moins, il ne semble pas avancer dans ce sens. Arrivé dans le rap très tardivement, il ne revendique pas d’influence ou d’appartenance à cette culture en particulier, c’est d’ailleurs ce point qui en fait un personnage intéressant. Il développe le chant et les mélodies tout en gardant des textes crus et orientés vers la rue. Il ne met pas en avant la technique et n’a pas prétention à s’attribuer un quelconque trône dans le milieu du rap français. C’est l’exemple même de cette nouvelle génération qui mélange les genres et participe à l’explosion des cases. Porté par une culture africaine forte et fédératrice, Naza pourrait devenir une future machine à tube, à l’instar de son pote Keblack, avec le côté street dans les paroles comme plus-value. Cette même force pourrait également lui empêcher de passer le stade du « grand public » ou lui fermer certaines portes dans les grands médias comme les radios ou la télévision. Beaucoup de choses vont se jouer pour le lui le 29 septembre prochain avec la sortie d’ « Incroyable », son premier album. Les cartes sont entre ses mains, on attend de voir comment il va s’en servir.

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