Actualités Musique

Keny arkana : Interview Tout tourne autour du Soleil

Keny arkana : Interview Tout tourne autour du Soleil

A l’aube de la trentaine, Keny Arkana sortira son deuxième album le 3 décembre prochain, intitulé Tout tourne autour du soleil. Montée récemment sur Paris pour en faire la promotion, la rappeuse marseillaise nous accueille chaleureusement dans les locaux de Because Music, sa maison de disques. Chez elle, la rage est toujours perceptible. La jeune femme rappe comme elle parle : avec le cœur. Entretien avec une écorchée vive à l’esprit libre.

Il s’est écoulé six ans entre tes deux albums. Est-ce un choix délibéré ?

Franchement, non. Je n’ai pas fait exprès. Après ma tournée qui s’est terminée fin 2008, j’ai eu besoin de faire un break avec la musique. J’avais prévu d’arrêter six mois, mais cela s’est transformé en plus de trois ans. J’ai fait d’autres choses hors musique, jusqu’à l’année dernière. J’ai décidé de faire L’esquisse 2 afin de me donner une deadline pour l’album.

Pendant ce laps de temps, comment a évolué ton public ?

Toute ma tournée est complète depuis août, alors que les places ont été mises en vente en juillet et qu’il n’y a pas eu de promo. Il faut savoir que j’ai mis un petit coup de pression pour faire ces dates. Le public est encore là. Je ne suis pas quelqu’un « d’à la mode ». Je ne suis pas dans les tendances. La base est super fidèle, c’est une relation artiste/public. J’exprime des trucs hyper profonds et on se comprend.

Dans un numéro de Rap Mag paru en décembre 2007, tu disais : « J’ai une forte envie d’emmener mon hip hop beaucoup plus loin. On verra si jamais j’y parviens ». As-tu atteint cet objectif ?

Je ne sais pas, j’essaie de faire des disques différents. Après, il y a quand même beaucoup de musiciens sur la plupart des morceaux de l’album. Aujourd’hui, sur scène, j’ai un groupe. Je ne me mets pas de barrières. Je viens du hip hop, je rappe, mais je ne vais pas chercher à suivre les sonorités du moment. Demain, si une instru ska me parle, je vais poser un morceau dessus. J’essaie d’innover, de faire ce qui n’a pas été fait, de trouver des nouveaux flows. Même si le fond n’a pas changé, j’essaie de faire en sorte que la forme ne soit pas trop répétitive.

« Si demain ça va bien, j’arrête, donc j’espère arrêter de rapper »

A partir de quel moment as-tu commencé à travailler sur Tout tourne autour du soleil ?

Sérieusement, à l’automne dernier. Depuis la fin de ma tournée en 2008, je faisais quelques morceaux à droite à gauche. Sur ce disque, il en est resté trois : Fille du vent, Casse le schéma et Le retour de l’enfant prodigue, qui est un morceau caché. Celui-ci, je ne l’ai même pas retouché.

Tu es signée en major, chez Because Music. Le fait d’être sur une telle structure t’as-t-il obligé à faire certains compromis ?

Je n’ai jamais changé de ligne de conduite. Jamais, je n’ai fait de Planète Rap, même si Fred est quelqu’un que je respecte profondément. A l’époque des émissions spé, les seuls qui jouaient mon groupe État-Major étaient BOSS (animé par Joey starr, Ndlr) et Fred avec La nocturne. Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent, mais avec lui, il n’y aura pas de piston. Il est venu à Bogota, ville où je faisais un concert. Du coup, j’ai accepté de faire une émission avec lui, qui sera découpée comme un Planète Rap. Je ne l’avais jamais fait et je crois que je n’en ai pas vraiment pas besoin car je ne crois pas avoir un public Skyrock. Je l’ai presque fait pour Fred. Je n’oublie pas que c’est le premier à m’avoir soutenu. Par rapport à ça, je suis reconnaissante, je m’en fous que ce soit un mec de Sky.

Comment envisages-tu la suite de ta carrière ?

Je vis au jour le jour. J’arrêterai de rapper quand ça ira mieux. Si demain ça va bien, j’arrête, donc j’espère arrêter de rapper. Rapper, ce n’est pas une fin en soi. Ça me rendrait beaucoup plus heureuse d’être dans je ne sais quel pays, faire mon petit potager et pêcher mon poisson. Je ne suis pas faite pour vivre dans Babylone. Après, ce serait égoïste si je me cassais maintenant. S’il y avait plus de gens qui avaient un discours similaire au mien, je leur laisserais la place. Je ne me pose pas la question de savoir si je vais continuer à vendre des disques ou pas. C’est peut-être pour ça que je n’ai pas peur du résultat. Je fais les choses par plaisir, pas pour un résultat.

« Je peux me casser du jour au lendemain »

Tu n’as donc pas d’objectif en terme de ventes ?

Non. Déjà Because a galéré à me signer. Ils ont compris qu’il n’y pas que la musique mais tout une démarche qui va avec. Dès le départ, je leur ai dit d’oublier Skyrock et la télé. Ils l’ont accepté. Moi, tu m’acceptes comme je suis. Ils savent qu’ils n’ont pas trop de moyens de pression sur moi parce que je peux me casser du jour au lendemain. De toute façon, le résultat ne nous appartient pas. Ça ne sert à rien de stresser et de se mettre des objectifs inutiles.

Depuis ton enfance, tu as toujours eu tendance à fuguer. A l’aube de la trentaine, n’as-tu pas envie de te poser un peu ?

L’un n’empêche pas l’autre. Sur une planète en mauvais état, on a tous une existence qui passe super vite. J’aimerais faire avancer les choses à ma petite échelle. Je souhaiterais que ma petite existence serve à quelque chose, dans le sens positif du terme. Ce n’est pas une crise d’adolescence qui s’éternise, juste que j’ai conscience de certaines choses et que je ne peux pas faire comme si de rien n’était.

Sur le titre Capitale de la rupture, tu évoques ta ville : Marseille. Comment expliques-tu que le rap marseillais ait vu son exposition fondre comme neige au soleil ?

A Marseille, il y a plein de rappeurs. Je ne peux pas faire une étude sociologique sur la perte de vitesse du rap phocéen. Je sais juste qu’il y a plein de talents. A un moment, il y a eu un phénomène de mode, avec l’aura du Rat Luciano. Tout le monde n’était pas talentueux, il ne faut pas se mentir. Notre état d’esprit est sans doute moins à la mode que par le passé. Nous, à Marseille, on est trop sincère, on ne peut pas mentir. Ici (à Paris, Ndlr), c’est très américain dans les têtes. Chez nous, c’est très tiers monde. A Marseille, on n’est pas organisé, il n’y a pas de structure, c’est assez difficile d’être carré.

« Voter, c’est comme lécher le fouet de son maître »

Dans le rap français d’aujourd’hui, de quel(le)s artistes te sens-tu proche, que ce soit musicalement ou humainement ?

Le rat luciano. Sinon, j’aime beaucoup Despo, Medine, Youssoupha. J’apprécie bien Zekwe ramos, même si j’aime moins les deux autres (Seth gueko et Alkpote, Ndlr). Il rappe super bien, je ne comprends pas qu’il n’ait pas un buzz à la hauteur de son talent. Ça, c’est le rap game… Je ne pige pas. Je suis toujours l’actualité du rap français et du rap US, je sais ce qu’il se passe.

Concernant les élections présidentielles, en France et aux USA, de quelle manière les as-tu suivies ?

J’en ai rien foutre de leur mascarade. En 2002, j’avais voté, pas en 2007. Cette année, j’ai voté un peu par hasard. La veille du premier tour, comme j’étais à Marseille, on m’a fait remarquer que je pouvais voter avec ma vieille carte d’électeur. Du coup, j’y suis allé au culot. Un jour, quelqu’un m’a dit : « Voter, c’est comme lécher le fouet de son maître ». Même si cette phrase est hardcore, je suis d’accord avec. C’est bien que la jeunesse vote, mais cela n’est pas une fin en soi. Ça ne changera rien… Depuis que je suis petite, c’est toujours les mêmes qu’on voit. Leur objectif, c’est d’être Président à la fin de leur carrière, vas-y c’est bon quoi… Hollande va griller la gauche, maintenant c’est sûr qu’on a Marine Le Pen dans cinq ans.

Pour des raisons différentes à celles de Diams, tu refuses de passer à la télévision. Celle-ci a pourtant fait une exception récemment, en accordant un entretien pour le magazine Sept à Huit, diffusé sur TF1, à une heure de grande écoute. Qu’en as-tu pensé ?

J’essaie de ne pas juger les gens, en me disant qu’ils ont leurs raisons de faire certaines choses ou de ne pas les faire. Moi, j’ai vu cette interview sur Internet. La sœur m’a touché, parce que je comprends ce qu’elle dit. La paix intérieure, c’est sûr qu’elle ne réside pas dans la notoriété ou l’argent. Elle avait l’air apaisée, sereine, en paix avec elle même. J’ai regardé la lumière qu’il y avait dans ses yeux, peu importe qu’elle porte un hijab ou un survêtement. La spiritualité, c’est important, ne serait-ce que pour la paix intérieure.

Top articles

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT