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Tous ces rappeurs à qui Drake a sucé le sang

Tous ces rappeurs à qui Drake a sucé le sang

Instrus, flows, paroles… du côté du Canada, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme…

 

Rappelez-vous, c’était en 2009. Le jeune Aubrey Drake Graham débarquait de son Toronto natal avec sa mixtape So Far Gone. Objet d’une guerre d’enchères sans précédent entre majors, il s’engageait alors auprès du rappeur le plus hot du moment (Lil Wayne) pour donner naissance au crew le plus hot du moment (YMCMB).

Dix ans plus tard, loin de manquer de souffle, il peut au contraire se targuer d’être devenu la plus grande pop star que le rap ait jamais connu. Un exploit de taille dans un milieu où rares sont ceux qui restent « relevant » plus de quelques saisons, y compris parmi les plus doués.

Son secret ? Savoir vivre avec son temps. Ou pour le dire autrement : savoir s’accrocher au wagon de la hype quand il le faut pour mieux se la réapproprier.

Ou pour le dire encore autrement : pomper à tout-va pour rester dans la tendance.

Drake n’est évidemment pas la première grosse pointure à embrasser une telle stratégie (cf. Berry Gordy, Serge Gainsbourg, certains de nos amis rappeurs hexagonaux…), mais sa ferveur en la matière est telle qu’elle mérite que l’on s’y attarde dans le détail.

Et puis bon cela ne fait jamais de mal de rendre à César ce qui appartient à César tout en révisant ses classiques.

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Andre 3000

Certes la moitié des Outkast n’est absolument pas le premier rappeur à avoir poussé la chansonnette (Slick Rick le faisait dans les années 80, les Bone Thugs-n-Harmony dans les années 90), mais c’est à compter de sa moitié de double album en 2003 que les débats se sont enflammés pour tenter de déterminer ce qui relève de la pop ou du hip hop.

Digne successeur de Three Stacks, Drake va susciter les mêmes doutes et interrogations sitôt la gloire au rendez-vous. Loin d’être agacé par cette filiation, le Canadien toujours reconnu que son aîné lui avait servi de « modèle ».

Il l’invitera d’ailleurs à enregistrer avec lui dès son premier album Thank Me Later… ce que 3000 refusera, avant d’accepter la fois suivante – The Real Her présent sur son second essai Take Care sorti en 2011.

Kanye West

Les deux stars ont beau entretenir une relation des plus tumultueuses (Kanye qui accuse Drake de laisser entendre sur In My Feellings qu’il a couché avec sa femme, Drake qui accuse Kanye d’être à l’origine de la fuite concernant l’existence de son fils caché…), impossible de nier l’influence du très mélancolique 808s & Heartbreak sur le Drake des débuts.

Converti d’un coup d’un seul ou presque aux vertus de l’introspection et de l’auto-tune (un rapide comparatif entre les mixtapes Comeback Season et So Far Gone suffit pour s’en convaincre), le quatrième opus de West a également beaucoup aider ses producteurs du moment, Noah ’40’ Shebib et Boi-1Da, à modeler leur son.

Parfaitement conscient d’être un enfant du Yeezus, Drizzy lui a d’ailleurs clamé allégeance à moult reprises en déclarant notamment qu’il était « son artiste préféré », qu’il lui devait « le plus grand respect » ou que « sans lui sa carrière ne serait pas la même ».

50 Cent

Avant André et Kanye, il y a eu Fifty qui l’a aidé à dépasser la distinction chanteur/rappeur.

« À l’évidence, 21 Questions est probablement l’exemple le plus inspirant d’un type qui n’est pas censé chanter qui chante » a-t-il ainsi déclaré en interview au micro de Rap Radar.

D’ordinaire prompt à troller pour moins que ça, 50 Cent a accepté l’hommage avec beaucoup d’humilité : « Entendre de la part de Drake que je l’ai poussé à chanter est le truc le plus cool du monde, surtout que je ne chante pas aussi bien que lui. »

Phonte

« Dire de Phonte des Little Brother qu’il est un bon rappeur, c’est me faire injure tant je le considère comme l’un des meilleurs de tous les temps. »

Voilà qui est clair pour tout le monde.

Et voilà ce qui explique aussi pourquoi question placements, circa 2010 le flow du Champagne Papi se confondait à s’y méprendre avec celui du poto de Big Pooh.

Cf. au hasard l’album Connected du Foreign Exchange qui fête cette année son quinzième anniversaire.

Lil Wayne

Weezy (qui soit dit en passant n’est pas non plus des plus manchots quand il s’agit de picorer à droite à gauche) a beau avoir déclaré publiquement que Drake est un « meilleur artiste que lui », cela n’a pas empêché son protégé d’aller chiner dans sa discographie pour reprendre à son compte le flow de son Do It For The Boy à l’occasion de son tout premier vrai carton Best I Ever Had.

Bon, après, entre collègues, on peut se permettre.

Dead Prez

Autre vol de flow (ou « flow jacking » en VO), plus litigieux cette fois.

Toujours sur son premier album, Drake-le-geek fait sien sur Over le phrasé des très underground stic.man et M-1 sur leur morceau Hip-Hop daté de 2000.

Le duo prendra néanmoins plutôt bien la chose puisque l’année d’après ils freestyleront sur le beat de Over : « Toujours en avance/Demande à Drake, lui qui a étudié mon rap ».

Big Sean

Vous aviez toujours cru que le crew YMCMB, Drake en tête, avait inventé les « one-word punchlines » aka le rap en hashtag ? Vous aviez tort.

À l’origine du mouvement, Sean Don n’en veut pourtant pas à celui qui deviendra plus tard son « homie ».

Explication : « Je suis arrivé avec un style de rimes dont beaucoup croyaient que je lui avais emprunté, j’appelais ça le ‘Supa Dupa Flow’, mais en réalité Drake m’a crédibilisé dans cette affaire. Le morceau Forever a complètement popularisé le truc. »

« Au début je trouvais ça dingue que tout le rap s’y mette, et puis je me suis dit que je devais rester gangster, ne pas m’énerver. Que c’était comme ça que j’ai changé le game une première fois et que je continuerais à changer le game. »

The Weeknd

Conscient qu’il est impératif de savoir s’entourer, avec October’s Very Own Drake s’est au fil du temps constitué un pool de talents entièrement dédié à son service (beatmakers, topliners, ghostwriters…).

Parmi ses membres les plus émérites, on retrouve au début de la décennie son compatriote Abel Tesfaye.

Tandis que Thank Me Later avait remporté un franc succès commercial, le disque avait cependant peiné à convaincre la critique. Qu’à cela ne tienne, un an plus tard Take Care va mettre tout le monde d’accord… en grande partie grâce à The Weeknd.

Non seulement le crooner a fourni près d’un tiers de la tracklist (Crew Love, The Ride, Shot For Me, Cameras/Good Ones Go Interlude, Practice…), mais il est aussi et surtout celui à qui Drizzy et 40 ont piqué l’adjectif « éthéré » et l’ambiance sonore qui va avec.

Juvenile

Plus gros vendeur de l’histoire de Cash Money du haut des quatre millions d’exemplaires écoulés de son 400 Degreez de 1998, Juve doit pour beaucoup cette performance à son banger Back That Azz Up.

Ce carton lui vaudra plus tard de se faire emprunter son flow par Jay Z et 2 Chainz respectivement sur Part II (On The Run) et Used 2 (Chainz avait pour l’occasion invité Mannie fresh à la prod), puis par Drake qui lui a en sus repris des éléments du refrain et de l’instru pour son très slow jam Practice.

Réaction (enthousiaste) de l’ancien Hot Boy : « Je me suis dit ‘Enfin’. Enfin quelqu’un me rendait hommage et reconnaissait mon impact sur le game. C’était une bénédiction, l’une des plus grosses stars du game remixait mon titre. Combien de personnes peuvent s’en vanter ? »

« Je n’aurais jamais imaginé que Back That Azz Up puisse devenir une chanson de r&b, mais Drake a réussi à faire du très bon boulot. »

Les mecs de la Bay Area

Désireux de dédicacer la ville maudite du rap US, Drizzy part en 2011 tourner à San Francisco le clip de The Motto, un titre dans lequel il fait référence à la gloire locale Mac Dre, décédé en 2004 des suites d’une fusillade.

Outre le fait de citer dans son texte l’un de ses hits passés (« I’m in the building and I’m feeling myself ») pour ensuite lui rendre hommage nommément (« Rest in peace, Mac Dre, I’m-a do it for the Bay »), le visuel s’ouvre sur la mère du rappeur qui déclare que « tant qu’elle sera là, il sera là lui aussi ».

Et pour ne rien gâcher, les légendes E-40 et Mistah F.A.B. y vont de leur apparition.

Dommage donc que huit ans plus tard, The Motto ne soit resté dans les mémoires que pour les boots vertes fluo de Lil Wayne et pour avoir promu l’acronyme le plus rincé de la décennie (coucou les Tumblr girls).

Dommage aussi que lorsque Drake a tenté de renouveler le coup en 2013 en reprenant quelques rimes du très smooth Playaz Club de Rappin’ 4-Tay sur Who Do You Love de YG, ce dernier lui ait publiquement reproché de l’avoir tout bonnement spolié (« Perhaps a shoutout by name, would’ve made it more of a tribute than a jack move »).

Les Migos

Après avoir remixé en 2013 le hit Versace du trio et leur avoir ouvert de ce fait les portes du mainstream, la plaisanterie en vogue voulait que Drake soit en passe de devenir le quatrième membre du groupe.

Accroc au triplet flow, c’est en effet peu dire qu’il a ensuite surfé sur cette vague (305 To My City, We Made It (Remix), The Language…), à tel point d’ailleurs qu’il a fini par provoquer l’agacement de Quavo, Offset et Takeoff qui dans les médias lui ont reproché plus ou moins ouvertement de ne pas leur accorder assez de reconnaissance en retour.

Devenus entretemps plus gros que les Beatles (sic), les Meegs ont toutefois passé l’éponge et collaborent désormais fréquemment avec celui qui a été leur meilleur agent (Walk It Talk It, la tournée commune Aubrey & the Three Migos…).

Mase

Avec l’ancien Bad Boy, tant en termes de musique que d’état d’esprit, la connexion a toujours été évidente.

Du coup lorsque sur Worst Behavior Drake reprend quasi mot pour mot l’une de ses lignes extraites de Mo’ Money Mo’ Problems (« Who’s hot, who not? Tell me who roc… »), personne n’y trouve vraiment à redire, et ce d’autant plus que blindé comme jamais le Canadien en a également gros sur la patate.

Et puis bon, de Pusha T à Kanye West, quel rappeur ayant grandi dans les années 90 n’a pas payé ses respects au style de rap « jiggy » aussi mélodique que nonchalant de Mase ?

Le Wu-Tang Clan

Toujours sur Nothing Was The Same, Drake n’hésite pas à s’attaquer à un autre monument du rap newyorkais en leur dédiant cette fois un titre entier… ou presque.

Certes Wu-Tang Forever sample effectivement le single It’s Yourz de 1997 et reprend l’entrée en matière du couplet quatre étoiles de Raekwon (« Machine gun raps for all my niggas in the back… »), mais la suite du morceau n’a que peu à voir avec le Clan, Drake évoquant ses histoires de cœur.

Reste que la bande de Staten Island a globalement apprécié la chose, quand bien même on peut se rappeler qu’ironiquement il y a 20 ans ils étaient de ceux qui fustigeant avec le plus de véhémence « ces renois qui essayent de transformer le hip hop en r’n’b » cf. l’intro du second CD de Forever.

D’ailleurs quand viendra l’heure d’enregistrer un remix, sans surprise cela a coincé : « Je crois qu’on y est allé un peu fort pour lui. Il voulait que l’on parle de meufs, mais nous avons tous écrit des rimes hardcore » dixit RZA.

Résultat pas de remix de Wu-Tang Forever avec le Wu-Tang, mais en lieu et place un remix avec A$AP Rocky.

D.R.A.M.

Cela a peut-être été le zénith de sa carrière. Après s’être permis de sortir la vraie/fausse mixptape If You’re Reading This It’s Too Late, puis s’être offert la parenthèse What a Time to Be Alive avec Future, Drake revient aux affaires fin 2016 avec le-plus-Drake-tu-meurs Hotline Bling.

Sorte de masterclass de tout ce qui a fait son succès jusqu’alors (un col roulé en plus), le single casse la baraque dans les charts et sur le net.

Très vite cependant, beaucoup font remarquer les très grandes similarités de l’instru avec le Cha Cha de D.R.A.M. sorti deux ans plus tôt… à commencer le principal intéressé qui tweete « J’ai l’impression que je me suis fait taper mon disque… Mais je suis bien ».

Le 6 God de son côté ne voit lui aucun problème et déclare que pour lui « c’est comme en Jamaïque, vous avez un riddim et tout le monde pose dessus ».

[Notez toutefois que si les deux chansons prennent pour base Why Can’t We Live Together de Timmy Thomas, ce dernier est uniquement mentionné dans les crédits de Hotline Bling.]

Pimp C

Ville chère à son cœur (c’est là que tout a démarré pour lui), Houston occupe une place importante dans la discographie de Drake.

Entre attachement sincère et visées commerciales, il ne manque d’ailleurs jamais une occasion de balancer un shoot out à la capital texane – genre « H-Town my second home like I’m James Harden » sur No New Friends.

Fan inconditionnel des UGK, il collectionne depuis 2009 les feats avec Bun B et est allé jusqu’à intitulé l’une ses chansons Underground Kings.

Mieux, il affiche sur son CV deux duos posthumes avec le regretté Pimp C (autre moitié des UGK, décédé en 2007 des suites d’une overdose de syrup) : What Up en 2010 et Faithful en 2016.

XXXTentacion

Sorti en décembre 2015 sur Soundcloud, Look At Me connaît en 2017 une seconde jeunesse quand Drake sort KMT sur lequel il rappe avec un flow quasi-identique.

Furieux, X met au défi son aîné de « faire un album, ou même deux ou trois titres sans sonner comme quelqu’un d’autre » puis d’ajouter : « S’il fait ça, s’il peut être original deux secondes, je cours à poil dans les rues et me tatoue son nom sur le boul’ ».

Forcé de se justifier, le 6 God admet des similarités dans l’interprétation, mais précise qu’il s’agit d’une coïncidence – « I’m not like a shitty person like that ».

Étonnamment, il trouvera dans cette affaire un soutien de poids en la personne d’Offset qui s’en va traiter XXXTentatcion « d’imbécile » et arguant que Drake ne peut pas l’avoir volé car personne ne sait qui il est.

Quentin Miller

Archétype de la petite main d’OVO, son nom est sur toutes les lèvres en 2015 lorsque le monde découvre qu’il est à l’origine d’un petit tiers des textes de IYRTITL (Legend, Know Yourself, 10 Bands…).

Lourdé dans la foulée, puis tabassé par le crew de Meek Mill, « QM » s’en est depuis retourné charbonner sur Soundcloud, loin des projecteurs, ne refaisant l’actu que sporadiquement (son amputation de la jambe suite à un accident de voiture en 2016, son name dropping par Pusha T sur Infrared l’année dernière…).

BlocBoy JB

Candidat au titre rookie de l’année en 2018 (mais si souvenez-vous la « shoot dance » c’était lui), toujours à l’affût de sang neuf, Drake s’est aussitôt coller à sa roue pour mettre en boîte le hit Look Alive.

Aujourd’hui disparu des radars, James ‘JB’ Baker n’est clairement pas celui de deux qui a le plus bénéficié de la collab’…

Sinon, dans son couplet le boss d’OVO a repris certaines paroles du morceau Out There (Blunt to My Lips) de Project Pat, un affilié de la légendaire Three 6 Mafia de Memphis, ville dont est originaire son père Dennis Graham.

Hunn ? Soulja Boy ??

Invité de l’émission de radio Breakfast Club en janvier dernier, l’ami DeAndre Cortez Way en a fait sursauter plus d’un lorsque l’un des animateurs a fait mention de Drake comme étant « le plus grand rappeur actuel ».

Après avoir manqué de quitter le studio, il s’est ensuite époumoner « Draaaaaaake? Draaaaaaaaake ? », avant de lancer à la cantonade qu’il est celui qui lui a « TOUT appris ».

Confronté au scepticisme de l’assistance, Soulja Boy s’est alors mis à fredonner les paroles de Miss Me pour mettre en lumière la ressemblance avec ses Whats Hannenin’ et Kiss Me Thru The Phone.

« Ça, c’est du Soulja ! C’est mon couplet. Le mec a copié mon puta*in de flow à la virgule près ! Sérieux, arrêtez de faire comme si je n’avais pas créé ce type de toutes pièces ! »

Sans aller jusque-là, on peut toutefois lui concéder que la démonstration a sur ce point précis fait son effet.

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