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Sergio Tacchini : des courts de tennis au bitume, une histoire à part

Sergio Tacchini : des courts de tennis au bitume, une histoire à part

Des courts transalpins à nos rues, une marque a réussi à s’imposer comme dans un long échange entre smashs culturels du meilleur effet et revers à l’envers des modes : Sergio Tacchini.

Tacchini ou comment l’arrivée de la couleur dans le monde du tennis, la soif d’élégance et des superstars en porte-drapeaux ont changé le game du polo et du survêtement. Mais comment « ST » est devenue une référence culturelle pour le rap et le cinéma, sans jamais forcer son talent ? Réponse ici bas. Attention à vôtre tenue, il va vous falloir monter au filet, mais toujours avec style…

La petite balle jaune comme base

Dans Boulbi dévoilé en 2006, Booba se déclarait « frais comme Ilie Nastase« . Une, icône des courts pendant les années 70, quand le tennis était en passe de doucement devenir un sport roi, du genre à avoir tous les projecteurs braqués sur lui. La petite balle jaune, comme un globe qui tourne, emmène avec elle son lot de tendances et de modes à suivre, de saisons à disséquer. Face au miroir réfléchissant des premiers matchs de tennis télévisés, des kids frappés par Nastase donc, mais également un certain John McEnroe. Un rebelle aussi enragé à l’idée de perdre que stylé raquette en main. Mais quel est le point commun entre la teigne « Johnny le Rouge » et « Nasty Nastase » ? Un patronyme bien connu de nos clips et de nos rues : Sergio Tacchini.

On récapitule depuis le début. Au mitan des sixties un certain Sergio Tacchini se met en tête de redessiner les grandes lignes du style face au filet. A seulement 28 ans, l’Italien qui a dans sa besace pas moins de trois titres de champion de la botte (en simple et en double, cumulés) mise sur l’élégance au service du sport : des tenues marquées par son propre nom, un logo novateur qui rappelle celui d’un terrain et la forme d’une balle de tennis et surtout de la couleur. Dans un monde professionnel où tout le monde balance son coup droit vêtu de blanc, l’idée est extrêmement moderne. Ca sera là le premier gros coup de la marque : coloriser un tennis monotone. Le deuxième : miser sur les stars des courts (Mats Wilander, Pat Cash, Jimmy Connors, Martina Navratilova, Vitas Gerulaitis). La troisième : infiltrer la pop culture de la meilleure des manières.

Validation dans les tribunes et sur le pavé

Armé de son sens du style bien à lui, Sergio Tacchini tenait à ce que ses poulains deviennent lookés à souhait et veillait à ce qu’ils portent des tenues toujours assorties, comme nous le renseigne le journaliste Vincent Shmitz dans le magazine Court. C’est bien connu, le diable se cache dans les détails et l’arrivée du coloré Tacchini dans le fashion game va faire tache d’huile loin des courts pour trouver sa place dans les clips, les films et les séries.

Premiers à se mettre en évidence : les footeux anglais des années 80 et 90. Dans les travées des stades, il n’est pas rare de croiser ceux qu’on appelle pas encore « casuals » (sous-culture britannique entre hooliganisme, bande de potes, mode et ballon rond) coupler leur tracksuit avec des vêtements plus luxueux. Pour la première fois, le survêtement s’affirme comme une vraie pièce, un uniforme, un poil avant l’arrivée massive du rap sur le vieux continent. Sergio Tacchini bat le pavé et finit par se retrouver à l’affiche. Nick Love, réalisateur londonien passionné par la culture casual, immortalisera même la mode de cette époque dans son fameux The Firm… Premier personnage du film, l’ensemble Sergio Tacchini « damarindo » crève littéralement l’écran.

Difficile de passer à côté de l’ancrage populaire de ST dont les initiales flattent les pellicules des films et séries les plus cultes des années 90, puis 2000. Si The Firm, dévoilé en 2009, a préféré jeter un coup d’oeil dans le rétro pour documenter les années 80, La Haine de Mathieu Kassovitz s’ancre directement dans son époque. Sortie en 1994, l’oeuvre tournée en noir et blanc laisse apparaître un Saïd Tagh­maoui vêtu à l’italienne. De quoi mesurer l’importance de la marque chez nous. De l’autre côté de l’Atlantique, les Américains ne seront pas en reste grâce à deux séries majeures : The Soprano et Breaking Bad. Deux phénomènes qui laissent aussi une place à l’écran à cette référence stylistique et tennistique.

Une entité plus que jamais en place

« C’est le nouveau, phénoménal, freestyle du visage pâle / Le babtou est de retour, achtung ! / C’est parti, ça vient de Saint Denis / Direct issu de la génération Fonky-Tacchini. » Voilà comment Kool Shen ouvre le morceau Seine-Saint-Denis Style en 1998 pour les besoins du Suprême NTM. Ici les mots sont clairs, la marque a marqué son environnement. Des courts de tennis, Sergio Tacchini a transposé son élégance et ses couleurs dans nos quartiers pour une adoption claire et nette. Loin d’être le seul rappeur à mettre en avant ST dans ses textes, Bruno Lopes de son vrai nom est aujourd’hui rejoint par une clique hétéroclite formée par Booba qui troue son survet’ dans Talion, 1Pliké qui explique qu’il ne faut pas le taquiner lorsqu’il porte du Tacchini, ou encore Ninho qui vit à 100 à l’heure bien dans ses fringues.

Encore une fois, l’entité traverse les frontières sans mal. On la croise dans les textes de la star espagnole Yung Beef, ceux de l’Allemand RAF Camora, mais aussi dans les titres des pontes du game US que sont Nas, Kanye West, ScHoolboy Q, Pusha T et le regretté Mac Miller. Des références qui en imposent, traduites aujourd’hui dans les faits. Car si LL Cool J, Notorious B.I.G, 50 Cent, Jay Z, ou encore 21 Savage ont été aperçus avec du Sergio sur le dos, la marque franchit désormais le pas des collaborations avec les rappeurs. Pêle-mêle, on peut citer celle conclue avec le novateur A$AP Nast pour la collection printemps/ été 2021, mais aussi celles à venir avec Seth Gueko ou encore IAM.

Qu’on se le dise, on n’est pas près de voir Sergio Tacchini arrêter de rayonner. De Demain c’est loin et Je danse le MIA d’Akhenathon & co à AU DD de PNL, les couleurs de la marque italienne sont toujours à leur place : sur les playgrounds de nos villes et en haut de l’affiche.

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