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MMA en France : début ou fin de l’âge d’or ?

MMA en France : début ou fin de l’âge d’or ?

Personne n’a pu échapper au phénomène. Cinq ans après sa légalisation en France, le MMA a fait du chemin. Autrefois marginal et rejeté pour sa violence, le sport de combat est aujourd’hui solidement implanté dans le quotidien de millions de Français. L’Hexagone est d’ailleurs un marché convoité par les plus grandes organisations. Preuve en est : l’UFC s’est installé depuis septembre 2022 à l’Accor Arena avec un événement annuel, générant des millions d’euros de recettes pour la ville de Paris (ndlr : près de 3 millions d’euros par édition).

L’avènement sportif de combattants tricolores (Ciryl Gane, Benoît Saint-Denis, Nassourdine Imavov) et un intérêt grandissant pour la pratique ont permis au MMA d’atteindre une cote de popularité inédite. Comme toujours avec les phénomènes de mode, la hype atteint un pic avant de se stabiliser. Depuis le combat entre Baïssangour Chamsoudinov alias Baki et Cédric Doumbè en mars 2024, le MMA connaît une légère baisse d’intérêt du grand public pour différentes raisons. Une première secousse à gérer, loin d’être insupportable. Il est donc l’heure de faire un bilan : où en est le MMA en 2025 ?

Cinq années de pure folie

Quand les planètes s’alignent, il est difficile de lutter. Lorsque le Mixed Martial Arts (MMA) est officiellement légalisé en France le 31 janvier 2020, sous l’égide de la ministre Roxana Maracineanu, une étape importante est franchie. Cette décision du Ministère des sports, attendue depuis plus de 20 ans par les fans de MMA et ses pratiquants, lance un véritable raz-de-marée populaire. Ainsi, on assiste à l’essor d’organisations (ARES, Hexagone MMA) et à une médiatisation accrue. Sur Youtube, les contenus liés au sport de combat se multiplient, en partie grâce aux vidéos de Greg MMA et de Morgan Charriere. « Les médias généralistes ont commencé à relayer l’actualité du MMA. Le public a directement répondu présent. Ça s’est ressenti sur les réseaux sociaux. Lors de ma première apparition à l’UFC Paris, j’ai pris 100 000 abonnés en une semaine. C’est à ce moment que j’ai compris : la France était passée dans une autre sphère », explique Morgan Charriere, combattant tricolore à l’UFC depuis 2023.

Morgan Charriere laisse éclater sa joie après sa victoire contre Manolo Zecchini à l’UFC Paris 2 en septembre 2023.

Au moment de la légalisation, le chantier est énorme. Le MMA est encore perçu par un bon nombre de personnes comme un sport « barbare ». « Le MMA de l’époque était brouillon et moins technique. Il y avait une grande violence, pas d’argent et pas de reconnaissance. En rentrant chez nous après un combat, on était content de se regarder dans la glace avec nos nez cassés. On était heureux d’avoir fait quelque chose d’extraordinaire », se remémore Greg MMA, figure importante du MMA en France (ancien combattant, youtubeur/influenceur, et l’un des pionniers de la discipline dans le pays).

Greg MMA.

En 2020, l’ancien judoka David Douillet affirmait qu’il ne considérait pas le MMA comme « un sport à part entière » car un « sport doit avoir une identité ». Or le MMA en a « plusieurs ». Tout un travail était donc à réaliser sur l’image auprès des non-initiés. « La légalisation a permis de lever le voile sur le MMA. Ce n’est pas seulement des combattants qui frappent fort. C’est un sport codifié et structuré qui nécessite de la technique et une condition physique irréprochable », précise Mickael Lebout, ancien combattant de l’UFC, du KSW, d’ARES ou encore M-1 Challenge.

La France a été l’un des derniers pays européens à légaliser le MMA. Seule une variante du sport de combat était autorisée dans le pays auparavant avec le Pancrace (ndlr : interdiction des coups de poing au visage au sol, combats plus techniques avec de la lutte et du grappling). Il y avait un retard conséquent à rattraper sur des nations précurseurs comme les Pays-Bas, la Pologne ou encore le Royaume-Uni.

Explosion du nombre de licenciés et création d’un écosystème

L’économie du MMA français s’est rapidement structurée après la légalisation. Des galas ont été annoncés en premier lieu à Paris, avant d’aller aux quatre coins du pays, à Lyon, Nantes, Strasbourg ou encore Montpellier. « On a refait ce retard à une vitesse incroyable. Depuis 2020, un écosystème entier s’est construit. De nombreuses personnes vivent du MMA aujourd’hui. Ce qui n’était pas le cas avant », raconte Antoine Simon, journaliste pour RMC Sport et voix française de l’UFC aux côtés de Taylor Lapilus. 

Entre 2020 et 2024, l’intérêt autour du MMA explose. En mai dernier, la France comptabilise près de 60 000 licenciés avec une progression record de 300% des inscriptions en un an. Au point de devenir le sport de combat numéro un dans le pays ?
« Le MMA a mis une fessée à tous les autres sports de combat. C’est devenu LA référence. Maintenant, il y a le football, le tennis, la Formule 1 et le MMA », déclare Greg MMA. Un avis partagé par Morgan Charriere. « Le MMA est le sport de combat numéro un en France. La boxe anglaise est trop nichée. On a aussi un gros écosystème sur la partie digitale avec des médias dédiés comme La Sueur ».

En termes de pratique, la réalité est plus nuancée. Par exemple, le judo comptait en avril 2025 567 000 licenciés selon France Judo. Il est possible de trouver des clubs dans toute la France. Ce qui n’est pas encore le cas du MMA malgré une forte popularité. « Aujourd’hui, un/une jeune rêve plus de devenir un combattant qu’un judoka ou un boxeur. Le MMA est le sport ultime. C’est un vrai spectacle. La cage renforce le côté gladiateur. Le marketing est aussi incroyable. Il n’y a pas photo entre un événement de MMA et de Judo », constate Mickael Lebout.

La transformation du MMA en France s’est surtout faite au niveau amateur. Les collectivités locales accompagnent ce développement, en finançant des infrastructures dédiées. Une dynamique qui témoigne de l’attractivité du MMA auprès des jeunes, attirés par la variété des disciplines qu’il rassemble (boxe, jiu-jitsu, grappling et lutte). En 2023, la Fédération Française de MMA (FMMAF) a vu le jour, avec l’objectif de donner au sport sa propre gouvernance et une autonomie accrue. Pour le moment, elle reste sous l’égide de la Fédération Française de Boxe (FFBoxe) jusqu’au 31 décembre 2026. « On a pu revoir toutes les bases, notamment sur le côté fédéral. Il y a eu une hausse du nombre d’encadrants. Sur le côté professionnel, c’est plus simple aujourd’hui de devenir un combattant. Il y a une bonne visibilité », poursuit Mickael Lebout. 

Si le MMA fonctionne aussi bien dans l’Hexagone, RMC Sport n’y est pas pour rien. Diffuseur depuis 2016 de l’UFC, la chaîne du groupe Altice est détentrice des droits jusqu’en 2027. Depuis quelques années, RMC Sport démocratise le MMA et propose des émissions appréciées par la communauté de fans. Mais alors pourquoi la chaîne mise autant sur l’UFC ? C’est simple : le MMA rapporte autant que le football et coûte moins cher. « RMC Sport fait autant d’abonnement sur un combat de Ciryl Gane, que sur une demi-finale de Ligue des champions. Le foot coûte 300 millions par an, l’UFC beaucoup moins. Il y a quelques années, le MMA coûtait 5 millions par an », dévoile Antoine Simon, auteur de l’ouvrage « UFC : le MMA de l’intérieur ».

Le MMA s’est imposé dans l’imaginaire collectif comme une discipline légitime : même sans le suivre assidûment, chacun en connaît aujourd’hui les grandes lignes. L’actualité circule, les figures françaises sont identifiées et il n’est pas rare de connaître quelqu’un qui pratique. « En 2020, il fallait presque expliquer les règles du MMA », livre Morgan Charriere. 

Une inévitable baisse d’intérêt ? 

À l’image de nombreux phénomènes culturels, la hype du MMA atteint son apogée lors du combat ultra-médiatisé opposant Baki et Cédric Doumbè au PFL. Suite au dénouement improbable du duel, une partie du public, convertie depuis peu, n’a pas prolongé son intérêt. Pas forcément une mauvaise nouvelle pour Greg MMA. « Le côté divertissement a apporté beaucoup de gens toxiques dans le MMA. Ils n’ont pas l’analyse la plus fine. Ils ressemblent à la caricature du supporter de foot. »

Un léger essoufflement se fait sentir, une phase obligatoire après celle d’euphorie initiale. L’effet de nouveauté s’estompe et une correction naturelle s’opère : certains spectateurs expriment une forme de saturation, tandis que d’autres sports de combat comme la boxe anglaise tentent de regagner du terrain. À cela s’ajoute, l’absence prolongée de Ciryl Gane, la discrétion de Cédric Doumbè, le manque de communication de Nassourdine Imavov ou encore l’enchaînement de mauvais résultats de Benoît Saint-Denis en 2024. Les stars mondiales du MMA ne sont pas en reste avec la fin de carrière polémique de Conor McGregor et la retraite sportive de Jon Jones. « Le public répond toujours présent en masse. Les galas affichent complet dans toute la France. En revanche, les gens deviennent plus exigeants, notamment les parisiens. En province, ils sont moins durs, car ils ont peu d’événements à se mettre sous la dent. Le public est désormais assez éduqué pour déceler quand un combat est là pour construire des carrières. Il y a également une volonté de mieux consommer le MMA », analyse Mickael Lebout. 

Cette dynamique n’a rien d’alarmant. Même si la hype se tasse, la discipline a déjà réussi à fidéliser une base solide de suiveurs pour la suite. L’intérêt du public évoluera au gré des grandes affiches et des performances françaises. « Il faut savoir que l’UFC est plus grand que les combattants. L’organisation se prend moins la tête pour créer des stars avec des caractères uniques. Depuis plus de 30 ans que je suis le MMA, il y a toujours eu des périodes creuses, même pour l’UFC. Donc, je ne suis pas inquiet pour l’avenir », rassure Antoine Simon. 

Des formats comme la série La Cage, l’émission L’Arène avec Cédric Doumbé, Ciryl Gane et Benoît Saint Denis sur Netflix ou encore MMA Academy sur W9 poursuivent le travail amorcé afin de démocratiser le MMA auprès du grand public. « Ces formats permettent d’éduquer le public et de montrer un MMA plus mainstream et moins violent. Ce sont de belles portes d’entrée. C’est le vrai MMA en réalité avec les casques, pas de sang, car ils représentent 99% des pratiquants », assure Morgan Charriere.  

​En 2026, Netflix lance sa compétition de MMA. Au programme : 38 combattants amateurs vont s’affronter pour tenter de gagner 100.000€ et une place dans une ligue professionnelle. Ciryl Gane, Cédric Doumbè et Benoît Saint Denis formeront le jury.

Un avenir radieux ? 

À travers ce bilan du MMA en France, il est facile de comprendre que tout semble en place pour établir le sport de manière durable. La labellisation des clubs, la formation obligatoire des entraîneurs, la création d’une fédération, l’arrivée d’infrastructures sont des signes que le MMA évolue dans le bon sens

De plus, les combattants tricolores n’ont jamais été aussi proches d’obtenir une première ceinture à l’UFC. « Prétendre à la ceinture, c’est extraordinaire. Les gens ne se rendent pas compte de la chance que l’on a d’avoir autant de bons combattants. Ils font rayonner la France dans le monde entier de la meilleure façon qu’il soit », rappelle Greg MMA. 

On pense forcément à Ciryl Gane. Le « Bon Gamin » aura une troisième chance de titre face à Tom Aspinall le 26 octobre prochain, après ses défaites contre Jon Jones et Francis Ngannou. « Il a le style pour battre n’importe qui », glisse Antoine Simon. Il y a également Nassourdine Imavov, récent vainqueur de Caio Borralho à l’UFC Paris 4. Le Français d’origine Daghestanaise devrait avoir un title fight contre Khamzat Chimaev début 2026. Un combat attendu par tout le monde.

Enfin, il ne faut pas enterrer Manon Fiorot. Malgré une défaite contre Valentina Shevchenko en mai, la Niçoise n’a pas dit son dernier mot. « Si ce n’est pas Nassourdine, Ciryl ou Manon, il y aura une nouvelle génération de combattants qui va débarquer. Certains jeunes sont en train d’apprendre le métier. Ils iront dans les grandes organisations d’ici à quelques années. Je suis confiant », rassure Mickael Lebout. 

La France dispose aujourd’hui d’un vivier de combattants important, capable d’alimenter les scènes professionnelles. L’émergence de talents tricolores comme Baki, Oualy Tandia, Paul Denat ou encore Samba Sima et de nouvelles stars internationales telles que Ilia Topuria assurent un avenir prometteur au MMA dans l’Hexagone. Cela inspire les jeunes générations et renforce la visibilité de la discipline.

Le MMA a désormais les bases pour consolider sa place dans la culture sportive nationale. Il n’y a plus qu’à se battre. 

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