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2010-2019 : les 10 albums qu’il faut avoir écoutés

2010-2019 : les 10 albums qu’il faut avoir écoutés

Bilan d’une décennie qui a complètement rebattu les cartes du rap…

Qui aurait pu imaginer il y a dix ans à quel point le rap allait évoluer ? Nouvelles stars, nouvelles influences, nouveaux thèmes, nouvelles technologies, nouveaux canaux de diffusion… tout ou presque a été chamboulé du sol au plafond.

Non seulement une telle vigueur est des plus remarquables à l’approche de la cinquantaine, mais elle explique très certainement pourquoi cette culture se fait de plus en plus hégémonique : toujours plus variée, toujours plus en phase, elle ne cesse d’élargir sa sphère d’influence et d’agréger les parts de marché.

La sélection d’albums présentés ci-dessous reflète d’ailleurs plutôt bien la chose, tant chacun y trouvera « son rap à lui » (sauf les fans de J.Cole), sans pour autant se sentir forcément concerné par celui des autres.

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My Beautiful Dark Twisted Fantasy

Sorti le 22 novembre 2010 sur Def Jam/Roc-A-Fella.

À la croisée des chemins entre le Kanye West d’antan et le Kanye West de maintenant, MBDTF c’est le Kanye West qui met tout le monde d’accord.

Chef d’œuvre absolu de sa discographie, ce cinquième opus équilibre toute la démesure de son personnage (sa suffisance, sa vulnérabilité, son sens de l’ironie…) dans un décor musical au classicisme assumé.

Flirtant avec l’emphase et la luxure, l’exercice ne cède cependant jamais aux sirènes du mauvais goût tant le maître des lieux est ici en parfaite possession de ses moyens, qu’il s’agisse de varier les ambiances (le galvanisant Power, le théâtral Runaway, le tourmenté Blame Game…) ou de tirer le meilleur de sa prestigieuse guest list (John Legend, Pusha T, Rick Ross, Nicki Minaj…).

Aussi dense que raffiné, aujourd’hui comme hier ce Fantasme beau sombre et tordu continue d’époustoufler.

Take Care

Sorti le 15 novembre 2011 sur Young Money/Cash Money/Republic.

Candidat au titre de plus grosse superstar de la décennie, Drake doit tout ou presque à cet album.

Après sa mixtape So Far Gone (2009) et son premier essai Thank Me Later (2010) qui chacun dans leur genre laissaient présager son potentiel, le Canadien se trouve ici pleinement.

Non pas qu’il est fondamentalement inventé quoi que ce soit, mais épaulé des indispensables Noah ’40’ Shebib et The Weeknd qui lui ont concocté un écrin sonore sur-mesure (le premier qui dit « éthéré » sort), il rappe, il chante, se vante, se lamente comme personne ne se l’était jamais permis auparavant – mentions spéciales à Over My Dead Body, Headlines et Doing It Wrong.

Si par le plus grand des hasards vous ne connaissez de Drake que ses récentes playlists attrape-likes, prenez le temps d’écouter Take Care de bout en bout pour saisir la différence de niveau.

good kid MAAD city

Sorti le 22 octobre 2012 sur Top Dawg/Aftermath/Interscope.

Auteur d’un sans-faute depuis ses débuts, il n’aurait pas été scandaleux de voir tous les projets de Kendrick Lamar Duckworth chroniqués dans cet article, de sa mixtape Overly Dedicated en passant par sa compilation de chutes de studio Untitled Unmastered ou son récent DAMN.

S’il ne faut en garder qu’un, ce serait toutefois son second solo.

Sorte de plongée documentaire dans son Compton natal, il se distingue par son alliage inégalé de précision et de fluidité. Méticulosité des lyrics, technicité du flow, nuances des arrangements, encastrements des refrains… le sens du détail est omniprésent sans pour autant tomber dans le piège de l’ostentation.

Qui a dit que GKMC était le Illmatic du 21ème siècle ?

Piñata

Sorti le 18 mars 2014 sur Madlib Invazion.

Si Freddie Gibbs et Madlib forment très certainement le meilleur binôme emcee/producteur de leur génération, c’est évidemment pour leurs qualités respectives au micro et derrière les platines, mais aussi et peut-être surtout pour la complémentarité dont ils savent faire preuve.

Après avoir livré trois formats courts en guise d’échauffement (Thuggin’ en 2011, Shame en 2012 et Deeper en 2013), leur alchimie est telle que Gibbs n’est jamais meilleur que lorsqu’il rappe en solitaire sur les beats de son compère – quand bien même entre Danny Brown, Earl Sweatshirt et Raekwon, question featurings il y a du beau monde.

Présenté par ses auteurs comme « un film de gangsters Blaxploitation », Piñata ne se limite néanmoins pas à un clin d’œil : six ans après les faits, l’album s’autorise de regarder droit dans les yeux les classiques du genre que sont Only Built 4 Cuban Linx et Hell Hath No Fury.

Dirty Sprite 2

Sorti le 17 juillet 2015 sur A1/Freebandz/Epic.

Ça pris le temps que ça a pris, mais Future a fini par sortir l’album que le monde attendait de lui. Mieux, dans une décennie dominée par Atlanta et sa trap, il peut s’enorgueillir d’avoir sorti l’album définitif du genre.

Drogué à s’en faire saigner les narines, riche à sombrer jusqu’au cou dans la paranoïa, il conte une vie remplie d’excès non sans teinter les productions de son compère Metro Boomin’ de ce sentiment si particulier, mélange de colère et de mélancolie.

DS2 ou le disque qui s’écoute assis seul et désabusé sur la banquette VIP d’un club de striptease, verres fumés sur les yeux et sirop dans la main.

Notez que plusieurs morceaux des mixtapes Monster, Beast Mode et 56 Nights sont inclus dans la version Deluxe, rendant de facto cette dernière indispensable.

Birds in the Trap Sing McKnight

Sorti le 2 septembre 2016 sur Grand Hustle Records/Epic Records.

Moins triomphant au box-office qu’Astroworld et considéré à l’époque par la critique comme un ton en dessous de Rodeo, ce second opus de Travis Scott est-il à la revoyure la perle de sa discographie ?

Que se soit par son sens de la mélodie ou l’énergie de ses bangers (Pick Up the Phone, Goosebumps, Through the Late Night…), La Flame parfait sa formule non sans l’assortir d’un petit côté sombre et théâtral qui relève harmonieusement les choses.

Et pour ne rien gâcher, s’affaire autour de lui un casting quatre étoiles qui se fond à merveille dans l’ensemble – sérieux même Cassie (Cassie !) arrive ici à tirer son épingle du jeu.

Coloring Book

Sorti le 12 mai 2016 sur Apple Music.

L’album dont nul ne pensait avoir besoin et qui pourtant a fait un bien fou.

Kermesse jazzy/gospel/hip hop animée par un Chance the Rapper plus « feel good » que jamais, ce Livre de Coloriage a beau se situer dans la lignée de The Life of Pablo de son mentor Kanye West, il n’en réussit pas moins à éviter ses écueils les plus flagrants (pas de prêchiprêcha premier degré, une cohérence maintenue du début à la fin, des feats au service du projet…).

Truffé de pistes tantôt intimistes (Blessings, Same Drugs…), tantôt bourrées à l’énergie (No Problem, Angels…), il peut au contraire se targuer d’un lyrisme et d’une grandiloquence qui savent se faire plus mesurés quand il convient de ne pas en faire trop.

Seul bémol : la suite s’est révélée moins glorieuse pour Chano dont le Big Day dévoilé cette année est à peine écoutable.

4:44

Sorti le 30 juin 2017 sur Roc Nation/ Universal Music Group.

Dans toute l’histoire du rap, combien de rappeurs peuvent se vanter d’être à l’approche de la cinquantaine 1) encore actif 2) toujours « relevant » aux yeux du grand public 3) capable d’enregistrer un album ultra quali ?

Réponse : un et un seul, Jay Z.

Plutôt que d’essayer de coller aux basques de la jeune génération, le mogul a fait le choix de s’assumer en évoquant les thèmes qui font partie de son quotidien d’époux et père de famille (sens des responsabilités, infidélité…), le tout sur un ton sobre et mature que l’on ne lui connaissait pas forcément.

Aidé par le vétéran No I.D. qui a réussi à proposer du neuf en samplant du vieux (Stevie Wonder, Nina Simone, Donny Hathaway…), le Jéhovah du game cimente ici encore un peu plus son héritage.

Daytona

Sorti le 25 mai 2018 sur G.O.O.D. Music/Def Jam Recordings.

Auteur d’un déjà très bon My Name is My Name en 2013, Pusha T a cette fois-ci monté le curseur d’un cran avec ces 21 minutes de musique qui font clairement le choix de la qualité sur la quantité.

On est en droit de trouver un tel format un peu frustrant, mais force est d’admettre qu’à peine le disque terminé il est très difficile de ne pas le rejouer immédiatement plusieurs fois de suite.

À sa décharge il faut avouer que la moitié des Clipse a mis les petits plats dans les grands en concentrant ce qu’il sait faire de mieux depuis bientôt 20 ans : du bon gros coke rap qui ne s’embarrasse d’aucun complexe ou fioriture.

Bien lui en pris, absolument pas le plus attendu des cinq albums de la Yeezy season, Daytona a sauvé les meubles.

IGOR

Sorti le 17 mai 2019 sur A Boy is a Gun/Columbia.

Décidément, Tyler, the Creator n’a jamais aussi bien porté son nom.

Plus encore qu’avec Flower Boy deux ans auparavant, il injecte quantité d’influences funk et r&b dans sa musique jusqu’à totalement brouiller les lignes entre les genres – l’intéressé est d’ailleurs le premier à admettre que « eeee-gore » n’est pas un album de rap.

Plus chef d’orchestre qu’interprète, il n’hésite pas à volontairement se mettre en retrait lorsque l’intérêt artistique le commande, reléguant sa voix au rang de composante parmi d’autres. Non seulement le choix s’avère payant, mais il n’est pas impossible qu’il amorce une seconde partie de carrière des plus prometteuses.

Et si le prochain roi du mainstream c’était le Goblin ?

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