Dossiers

Les pires albums des meilleurs rappeurs

Les pires albums des meilleurs rappeurs

Impossible de faire mouche à tous les coups…

Si pour la majorité des rappeurs faire carrière tient plus du sprint que du marathon, pour ceux qui ont la chance de durer plus de quelques saisons c’est un peu l’inverse, tant les obstacles se révèlent nombreux sur leur chemin : prendre les bonnes décisions, s’entourer des bonnes personnes, passer les bons deals et bien évidemment sortir de la bonne musique.

À l’impossible toutefois nul n’est tenu, d’autant plus dans un genre musical où la tendance tourne aussi vite que le vent.

Résultat, à un rappeur mort ou un Kendrick Lamar près, tous les plus gros noms du game ont fatalement connu un jour la défaite.

À LIRE AUSSI 
Ce que la critique écrivait sur les classiques US à leurs sorties

« Nastradamus » de Nas

Sorti le 23 novembre 1999 sur Ill Will/Columbia Records.

En 1994, Illmatic intronise Nasir Jones petit prodige du rap US.

Cinq ans plus tard, inspiré par 2Pac, le Wu-Tang et Biggie, il succombe à la tentation du double album.

Intitulé I Am… The Autobiography, il est au départ censé retracer toute la biographie d’Esco, du berceau à la vie après la mort.

Sauf que la technologie en a décidé autrement quand une grande partie des morceaux ont fuité en MP3 (l’ancêtre de la musique sur clef USB Ndlr).

Pas démoralisé pour autant, Nas regroupe ce qui reste sur un premier CD, I Am…, puis compile les chutes de studio, les assortit de fillers enregistrés à la va-vite et sort Nastradamus.

Indigne de son talent, cette panouille lui vaut de se voir décrété artistiquement mort par ceux-là même qui l’avaient précédemment porté aux nues.

Sérieux, Nastradamus est tellement pénible à écouter que l’on est prêt à mettre notre billet que sans lui Jay Z n’aurait jamais trouvé le cran de balancer Takeover.

« Thug World Order » des Bone Thugs-N-Harmony

Sorti le 29 octobre 2002 sur Ruthless Records.

Qu’on le veuille ou non, les Bone Thugs c’est avant tout le classique E. 1999 Eternal de 1995, qui, au-delà des millions d’exemplaires écoulés, a réussi à marier mélodies et horrorcore comme personne ne l’avait jamais fait avant et comme personne ne l’a fait depuis.

Grisés par le succès du carton du très accessible The Crossroads, et probablement pas plus emballés que ça par leurs modestes tentatives de carrière solo, en 2000 le quintet cherche à s’aventurer avec un peu trop d’insistance du côté des radios avec BTNHResurrection.

Pas franchement ouf, l’opus n’est rien en comparaison avec Thug World Order qui deux ans plus tard relègue le groupe au rang de reliques des nineties.

Pas d’imagination, pas de souffle, un sample foireux de Phil Colins, Flesh-n-Bone en prison, un hymne raté à la ville de Cleveland… les Bone Thugs-N-Harmony c’était vraiment mieux avant.

« Blood In My Eyes » de Ja Rule

Sorti le 4 novembre 2003 sur Murder Inc. Records/Def Jam Recordings.

Cas particulier que celui du murderer puisqu’il faut être quand même sacrément bon public pour dénicher un seul bon album dans toute sa discographie.

Roi des charts au début du siècle grâce à sa science du single dansant et pas prise de tête (Always On Time, I’m Real, Livin’ It Up…), Ja-Ja voit sa suprématie contestée quand débarque 50 Cent, qui, non content de lui repomper sa formule, se sert de lui comme punching-ball.

Après quatre ans d’insultes, Ja Rule finit par prendre la mouche et se met en tête de corriger son meilleur ennemi sur la place publique avec un projet entièrement dédié à leur clash.

Mal lui en a pris, c’est tout le contraire qui s’est produit.

En complet décalage avec son registre, ce n’est pas être de parti-pris BIME que de constater l’indigence crasse de 13 des 14 pistes proposées (oui on a le droit de kiffer fort Clap Back).

Ou quand l’ex-rappeur préféré des radios plante lui-même le dernier clou dans son cercueil.

« Welcome Back » de Ma$e

Sorti le 24 août 2004 sur Bad Boy/Fo’Reel Entertainment/Universal.

« M-A-Dolla sign-E » ou le sidekick préféré de Puff Daddy dans la seconde partie des années 90 qui avec son premier album Harlem World a décroché le pactole (quatre certifications platine), a remis ça avec le bien nommé Double Up, et qui dans la foulée a annoncé prendre sa retraite pour se rapprocher de Dieu.

Quand est venue l’heure du comeback cinq ans plus tard, le plus feel good des rappeurs a connu toutes les peines du monde à renouer avec son niveau d’antan avec un album dénué de cette énergie communicative qui avait pourtant fait son succès.

Dépassé par ses fans d’hier devenu ses concurrents (coucou Kanye), Mase se prend les pieds dans le tapis sur tous les plans.

Seule note positive : si Welcome Back est clairement son pire projet, imaginons un instant en comparaison le désastre qu’aurait été l’album prévu deux ans plus tard avec le G-Unit s’il s’était matérialisé.

« Encore » d’Eminem

Sorti le 12 novembre 2004 sur Aftermath/Shady/Interscope.

Marshall Mathers en 2017 dans les colonnes de Vulture : « J’ai enregistré l’album au sommet de mon addiction. Je me rappelle que quatre chansons ont fuité au dernier moment et que j’ai dû m’envoler sans délai à Los Angles pour que Dre m’en file des nouvelles. J’étais là dans une pièce à écrire des textes en 25, 30 minutes parce que la date de sortie avait déjà été repoussée une fois. C’est pour ça qu’il y a des trucs aussi loufoque que Rain Man ou Big Weenie. »

Sans oublier Just Lose It (le pire lead single de tous les temps ?), Ass Like That, Puke, My 1st Single

Avis donc à celles et ceux qui clament à tue-tête qu’Eminem c’était mieux avant.

« Blood Money » de Mobb Deep

Sorti le 2 mai 2006 sur G-Unit/Interscope.

Désireux de faire franchir un cap à son label en l’ouvrant à des artistes confirmés, 50 Cent pense faire une bonne affaire en enrôlant Prodigy et Havoc dans ses rangs.

Si immédiatement les fans de la Mafia Profonde se montrent farouchement hostiles tant ce crossover leur paraît improbable, les deux intéressés n’en n’ont cure, convaincus que Curtis ‘Billion Dollar Budget’ Jackson est l’homme qui va les rendre riches.

Et qu’importe si en échange de cette visibilité nouvelle (et de deux Porsche), ils doivent délaisser le sombre qui fait leur patte pour se fondre dans le moule G-Unit et ses ambiances clinquantes.

Sans être indigeste, la mayonnaise a toutefois beaucoup eu de mal à prendre, les fans de Fiddy se demandant pourquoi diable leur idole n’a-t-elle pas sorti en lieu et place son troisième solo.

Demi-molle au box-office, Blood Money a logiquement marqué la première et la dernière collaboration des deux parties.

« Year of the Dog Again » de DMX

Sorti le 1er août 2006 sur Ruff Ryders Entertainment/Sony Urban Music/Columbia Records.

De 1998 à 2003, DMX c’est cinq albums classés numéro un des ventes, une folle débauche d’énergie, des grosses cylindrées, des aboiements, des bangers en veux-tu en voilà, des premiers rôles au cinéma…

Bref de 1998 à 2003, DMX c’est tout simplement la plus grosse star du rap.

Malheureusement, en parallèle DMX c’est aussi un nombre incalculable de dérapages du mauvais côté de la loi, des addictions aux drogues dures et un comportement de plus en plus erratiques.

Conséquence, lorsqu’après trois ans d’absence il tente à 36 ans de revenir sur le devant de la scène, il n’est que l’ombre de lui-même.

Pâle tentative de renouer avec sa gloire passée, Year of the Dog Again sonne au mieux comme du DMX qui imite du DMX. Daté et mou genou (un comble vu les états de service du lascar), il enterre là pour de bon la carrière du Ruff Ryder.

« Kingdome Come » de Jay Z

Sortie le 21 novembre 2006 sur Roc-A-Fella Records/Def Jam Recordings.

D’ordinaire si prompt à vanter sa « greatness », quand en 2013 il a été demandé au Jiggaman de classer ses disques du pire au meilleur, c’est sans hésitation qu’il a attribué le bonnet d’âne à Kingdom Come, « son premier match retour ».

À sa décharge il faut bien avouer qu’il ne s’est guère foulé, lui qui après nous avoir fait le coup de la fausse retraite, savait pertinemment que l’agitation autour de son comeback lui suffisait à remplir le frigidaire – près de 700 000 exemplaires vendus en première semaine quand même.

Malgré un casting aux petits oignons à la production (Pharrell, Dr. Dre, Just Blaze…) et aux refrains (Beyoncé, Usher, Chris Martin…), aucun moment d’excitation n’est à recenser.

C’est plat, c’est morne, c’est longuet… ça donne plus envie qu’autre chose d’aller réécouter Blueprint 1 et Life 3.

« T.I. Vs T.I.P. » de T.I.

Sorti le 3 juillet 2007 sur Grand Hustle/Asylum/Atlantic.

C’est peut-être un peu difficile à croire depuis qu’il s’est mué en histrion de télé-réalité, mais au milieu des années 2000 Clifford Joseph Harris Jr. faisait figure de cador du game sans souffrir de la moindre contestation.

À sa décharge, il sortait tout juste d’un run incroyable composé de Trap Muzik en 2003, Urban Legend en 2004 et King 2006, des opus très solides loués tant par le grand public que par la street.

Forcément ça donne la confiance.

Ça donne d’ailleurs tellement la confiance que pour son essai suivant, un double album, T.I. avait prévenu haut et fort qu’on allait vraiment voir ce qu’on allait voir, à tel point qu’en promo il plastronnait à qui voulait l’entendre que T.I. Vs T.I.P. serait du calibre des monuments Ready to Die et All Eyez On Me.

73 minutes plus tard, c’est donc avec étonnement que l’on a découvert un maître des lieux ennuyant au micro et de surcroît incapable de tenir son concept.

Qui a dit qu’il préférait largement s’amuser avec Rihanna sur des reprises de dance moldave ?

« Rebirth » de Lil Wayne

Sorti le 2 février 2010 sur Cash Money Records/Young Money Entertainment/Universal Motown.

Entre nous, s’amuser à tirer à boulets rouges sur l’album « rock » de Weezy est l’un des exercices les plus jouissifs de la vie de critique. Qu’importe le nombre de fois où l’on s’adonne à la tâche, l’enthousiasme demeure intact.

Rebirth, ou quand en dépit de toute vraisemblance (et des gros yeux de Birdman) le « best rapper alive » décide que, parce qu’il trouve que se faire prendre en photo avec une guitare donne l’air cool, il peut changer de genre musical simplement en bidouillant son autotune.

Le résultat a sans surprise été aussi catastrophique qu’attendu avec une tracklist qui se confond avec des fonds de tiroir de Linkin Park, et un Lil Wayne qui la trentaine dans le viseur se perd dans la poésie adolescente et les thématiques lycéennes.

C’est bien simple, là où vous trouverez toujours un stan d’un des rappeurs cités dans cet article pour défendre son taf, depuis dix ans, personne ne s’est jamais risqué à plaider le cas Rebirth.

« Reincarnated » de Snoop Dogg

Sorti le 23 avril 2013 sur Berhane Sound System/RCA Records.

Donc Snoop c’est le mec qui a rappé les joies de la levrette sur le label le plus sulfureux de l’histoire, qui a produit du porno, qui s’est revendiqué proche de la Nation of Islam, qui a tourné dans Starsky & Hutch, qui a enregistré un album de gospel, et qui un jour, frappé par la grâce, s’est autoproclamé réincarnation de Bob Marley.

Rebaptisé Snoop Lion pour l’occasion, il en a profité pour sortir un album au reggae aux faux airs de parodie des Wailers, entouré de pointures du mouvement rastafari tels que Miley Cyrus, Rita Ora ou encore Chris Brown (hein ?!).

En toute honnêteté, ce move aurait dû mille fois plomber sa carrière.

Ce serait toutefois mal connaître le plus félin des rappeurs qui, en sus de vivre autant de vies qu’il le souhaite, retombe toujours sur ces pattes.

La preuve, six mois plus tard il avait déjà changé de pseudo (Snoopzilla) et de style avec 7 Days of Funk, un EP commun avec le poto Dâm-Funk.

« Compton » de Dr. Dre

Sorti le 7 août 2015 sur Aftermath/Interscope.

Lorsque l’on songe aux heures les plus sombres de la carrière du bon docteur Young, si c’est évidemment sa compilation Dr. Dre Presents… The Aftermath de 1996 qui provoque un frisson d’effroi, celle-ci ne doit pas faire oublier son troisième solo.

Non parce qu’après avoir révolutionné le rap en 1992 avec The Chronic en proposant un son rond et mélodieux, puis imposé un nouveau standard sept ans plus tard avec un 2001 porté aux nues pour sa clarté et son minimalisme, le monde attendait la bave aux lèvres Detox vendu comme « l’album de rap le plus avancé jamais entendu ».

Douze ans d’attente plus tard, c’est donc dépité qu’il a fallu se satisfaire de la carotte Compton.

Alors certes ce n’est clairement pas la pire galette de la liste, mais se dire que Dre a préféré refourguer une pseudo bande originale de film plutôt que de risquer de ternir sa légende, et qu’en guise d’innovation, il s’est contenté de saturer au max le son, il y a de quoi tirer la tronche.

« Speedin’ Bullet 2 Heaven » de Kid Cudi

Sorti le 4 décembre 2015 sur Republic/Wicked Awesome.

Décidément, Nirvana a fait beaucoup de mal au rap.

Absolument pas échaudé par le précédent Lil Wayne, pour son cinquième album Cudder tente de s’aventurer sur les voies du grunge. Et pourquoi pas ? Fort de son positionnement un pied en dedans un pied en dehors du milieu, sur le papier cela aurait pu donner quelque chose d’intéressant.

26 titres et 1h30 plus tard (oui parce que pour ne rien gâcher SB2H est un double album), la confusion est telle que c’est à se demander si ce n’était pas un canular.

Mal écrit, mal chanté, mal joué (mon Dieu les riffs de guitare…), chaque morceau donne envie de se frotter le visage dans un bac de verre pilé avant même le refrain.

Ne tirons toutefois pas sur l’ambulance plus que de raison, Cudi ayant reconnu l’année dernière que Speeding Bullet était « un appel au secours ».

« J’ai littéralement crié au monde ma peine. Je voulais plus que tout que l’on me comprenne. »

Faute avouée à moitié pardonnée ?

« Ye » de Kanye West

Sorti le 1er juin 2018 sur GOOD Music/Jam Recordings.

Le problème avec les génies, c’est que plus ils se revendiquent être des génies, moins ils sont géniaux.

Prenez par exemple l’auteur de College Dropout, 808s & Heartbreak et My Beautiful Dark Twisted Fantasy qui, à force de se faire monter le bourrichon par sa cour de yes men avides de s’habiller à l’œil, a fini par sombrer dans la paresse la plus veule avec ce huitième solo.

Déjà, parce que ce qui devait être le point d’orgue de la Yeezy Season ne dure que 24 petites minutes (heureusement que l’époque du physique est révolue). Ensuite, parce que niveau instrus, tout sonne comme une redite. Enfin, parce que pour peu que l’on se penche sur les paroles tant de narcissisme inspire le malaise plus qu’autre chose – et encore Kim lui a fait retirer le matin même de l’écoute officielle certains passages…

De quoi presque regretter le capharnaüm Pablo et les ambiances réunion de chantier de Yeezus.

« The Big Day » de Chance The Rapper

Sorti le 26 juillet 2019 en indépendant.

Celui-là on ne l’avait pas forcément vu venir. Petit chouchou de la critique, l’autoproclamé « meilleur protégé de Kanye » avait rallié tous les suffrages avec Acid Rap en 2013, et surtout avec Coloring Book qui en 2016 lui avait ouvert grand les portes du mainstream (sponsos Nike, Doritos et Kit Kat inclus).

Patatras, pour ce premier album (pour peu que cette dénomination veuille dire quelque chose) qui reprend sensiblement la recette de sa renommée, les ingrédients sont tellement mal dosés que l’indigestion se fait sentir à chaque piste.

Conçu comme une ode à l’amour qu’il porte à sa femme, Le Grand Jour confond 77 minutes durant bonnes intentions et bonne musique, au point de pencher très sérieusement plus du côté du Father of Ashad de DJ Khaled (autre guimauverie sans nom) que du Love Below d’André 3000.

C’est bien simple, la déception est telle qu’avant même la fin de la première écoute on en viendrait presque à souhaiter que Chano zigouille sa dulcinée façon Eminem sur The Marshall Mathers LP.

À LIRE AUSSI 
Qui sont les enfants de Kanye West ?

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT