Comment affirmer son côté musulman tout en rassurant les gens ayant des a priori sur cette religion ? Don’t Panik, Medine vous répond.
Tout commence à Marseille, lors d’une discussion avec l’équipe de Street Skillz (label de Soprano). Le postulat de départ est le suivant : à Londres, la communauté indo-pakistanaise s’affirme avec des slogans. Pourquoi ne pas s’approprier ce type de mouvement en France pour la communauté musulmane, tout en y ajoutant un côté provocateur ? En faisant la couverture du magazine Rap Mag avec un T-shirt sur lequel on peut lire : « I’m a Muslim, Don’t Panik », Medine apporte un premier élément de réponse. « Les lecteurs avaient kiffé, se souvient le rappeur havrais. Le public a conforté le slogan, qui englobait le conflit islamophobe. »
On avait pensé meetings et manifestations
Né dans la cité phocéenne, le concept est approfondi avec le « Don’t Panik Tour », au cours de l’année 2007. Suite à cette tournée germe la « Don’t Panik Tape », qui permet d’officialiser l’hymne. « Le slogan parlait de lui-même, il fallait juste pousser le concept. » Sortie le 14 avril 2008, la mixtape comprend trois inédits, dont le titre phare. « L’instrumental existait depuis l’album Jihad, paru en 2005, révèle Medine. Il s’agissait donc d’un fond de tiroir. J’ai décidé de le choisir sur les conseils de Proof et Salsa (membres du label Din Records, Ndlr). Il fallait quelque chose de simple à retenir, chercher à ne pas être trop complexe tout en trouvant une musique fédératrice. On avait pensé meetings et manifestations. Proof a ensuite réarrangé l’instru, afin de lui donner une âme. J’ai passé des nuits en studio pour trouver une sonorité fictive au refrain. J’ai ainsi utilisé plusieurs gimmicks pour avoir un résultat mélodieux. Je me suis réapproprié le « Everyday I’m Hustlin’ » de Rick Ross. Le côté chantonnant apporte beaucoup de crédit au morceau. »
A Générations, ils n’ont pas compris le message
Entre le projet Table d’écoute (2006) et la Don’t Panik Tape, Medine a signé un contrat de licence avec le label Because. Pour la première fois de sa carrière, il va peut-être pouvoir intégrer la playlist de certaines radios. « On a tenté de faire entrer le son sur Skyrock. Je n’étais qu’à la naissance de ma carrière. Il y avait peu de chances que je tourne en rotation chez eux. J’avais beaucoup plus d’espoir du côté de Générations. Malheureusement, ils n’ont pas saisi le message, qui était de rassembler plutôt que de diviser. Je me suis alors remis en question. Il ne fallait pas que je sois prisonnier de ma propre image. L’emprisonnement et le populisme me faisaient peur. »
On peut parler de génération Don’t Panik
Sans promotion ou presque, la Don’t Panik Tape fait une entrée remarquée dans le Top Album. Portée par son titre emblématique, elle s’écoulera à près de 25 000 exemplaires. Il faudra pourtant attendre le mois de septembre 2009 pour que Medine sorte le clip du morceau. « On s’est rendu compte que c’était notre classique et qu’il fallait l’immortaliser. C’était une erreur de ne pas l’avoir fait avant. Because voulait garder du budget pour l’album Arabian Panther et je me suis laissé embobiner. J’aurais dû insister pour que ça sorte plus tôt. Ils veulent vendre un disque, je veux vendre un discours : je les ai donc forcé à faire le clip. » Aujourd’hui, certaines personnes se réapproprient le slogan, comme des gens de Sciences Po’ ou de la communauté musulmane. « On peut parler de génération Don’t Panik, souligne le rappeur de 30 ans. Je n’ai pas forcément la prétention de dire que c’est un classique. Personnellement, j’ai mes classiques dans mon répertoire. Mais, je ne sais même pas si j’ai des classiques que tout le monde pourrait reconnaître. Dans le rap français, l’unanimité n’existe pas. »