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Vald, les Secrets de la Création de « Bonjour »

Vald, les Secrets de la Création de « Bonjour »

Un retour en détails sur le morceau qui a fait de Vald une tête d’affiche.

Dans le cadre de La Sélection du mois de février consacrée à Vald, Booska-P vous fait vivre le sixième volet des Secrets de la Création, un concept qui retrace la vie du morceau le plus important de la carrière d’un artiste. Rappeur ou autre, chaque acteur de la scène musicale connaît un titre dans sa carrière qui lui fait passer un cap. Cela peut être celui qui lui fait découvrir sa vocation, celui qui lance son ascension, celui qui marque une nouvelle direction artistique ou bien encore celui qui le fait exploser aux yeux du grand public. Lorsque le morceau Bonjour sort en juin 2015, accompagné de son clip, le si précieux compteur Youtube s’affole. Des millions de personnes découvrent avec perplexité cet objet musical non identifié. Bonjour, c’est des lyrics simples -sans doute trop simples pour ne pas imaginer qu’il faut y voir un sens caché- qui glissent sur une instru trap, grâce à laquelle il est proprement impossible de ne pas hocher la tête. Ce morceau en apparence absurde se charge des présentations : son auteur s’appelle Vald et il va rendre le monde fou.

L’incantation des bonnes manières

Il est né d’une volonté de parler de politesse

Ceux qui connaissent ou qui se sont penchés après coup sur l’avant-Bonjour savent bien que Vald n’est pas la moitié d’un escroc et un lyriciste affûté. Mais quand le morceau sort, le karma s’en mêle et c’est avec lui que beaucoup découvrent l’artiste : « C’est le premier palier, c’est le premier moment où il y avait les gens qui me suivaient pas du tout qui commençaient à entendre ‘Wow, mais qui est Vald ?’ grâce à ce morceau, c’est incroyable ! » explique l’Aulnaysien. Comme souvent, lorsque le succès frappe à la porte, la création échappe un peu à la maîtrise. C’est le cas pour Vald et Bonjour, qui décide du jour au lendemain de se taper un délire en parlant de courtoisie :« Il est né d’un coup, d’une volonté de parler de politesse et en même temps de faire de la musique. »

Je n’ai vraiment pas fait exprès !

Si Vald aime rappeler qu’il a souvent eu de la chance et qu’il a l’impression d’avoir fait carrière sur un malentendu, c’est probablement parce que ce titre est né d’une forme de création plus spontanée, très peu écrite. Une façon naturelle d’opérer qui fait souvent émerger, dans son cas, de la magie pure et simple :« Cela ne s’écrit pas, il y a très peu de mots dans ce morceau, ça se pense. J’ai vite dit n’importe quoi au micro et c’est tombé dans les mesures, j’étais trop content. J’ai vraiment pas fait exprès » s’amuse Vald.

C’est exceptionnel, ça y est on a notre tube !

L’instru est composée par le duo de beatmakers Ovaground, qui à l’époque venait juste de signer chez Universal Publishing. « Nous faisions des prods toutes les semaines, aujourd’hui encore, et nous les envoyons à droite à gauche sans forcément se poser de questions » explique Anton, l’un des deux compositeurs d’Ovaground. Ils envoient l’instru à leur directeur artistique Merkus, qui la transmet à Vald, entre quelques autres. « C’était les premiers envois d’Ovaground, ils m’en ont envoyé trois ou quatre et il y avait celle-là » se souvient le rappeur.

En fait tout le monde la kiffe cette m****

C’est directement en studio que V-A-L-D enregistre le morceau, et les premières réactions ne se font pas attendre : « On a pris le temps de beaucoup rire, de le faire entendre à d’autres gens qui venaient l’écouter et qui se tapaient des grandes barres, ça marchait à chaque fois. Quand ça a marché au bout de 3,4 personnes qui étaient étrangères à mon projet, à moi-même, à ma sensibilité, on a commencé à se dire ‘peut-être qu’on a une bonne merde, là, effectivement. Les gens explosent de rire à l’exposition de cette histoire tonitruante, rocambolesque et totalement gothique. » L’histoire est originale, absurde et très sombre dans le propos, mais personne ne met de freins, au contraire. Beaucoup y voient un tube potentiel. Vald se rappelle même l’avoir fait écouter à Sofiane: « Il a fallu que trois-quatre avis pour qu’on se dise ‘ah ouais mais en fait, tout le monde la kiffe cette merde !’. Même Sofiane l’a écouté et se l’est pris, je me suis dit ‘Wah c’est abusé quand même !' ».

Ce qu’une partie de son entourage considère comme un hit à mettre absolument sur le projet NQNT 2, Vald le prend plutôt comme une bonne blague : « Je ne voulais même pas le mettre sur le projet (NQNT 2 sorti en septembre 2015 ndlr.), pour moi, c’était une rigolade. Ce sont les autres qui m’ont forcé, ils m’ont dit ‘non non faut absolument le mettre y’a un vrai potentiel et tout. J’pensais vraiment que ça allait être perçu comme une blague, pour moi, c’était ça, on allait faire une bonne blague, tout le monde allait bien rire un bon coup et puis voilà ».

Tout était déclassé à côté de Bonjour, je le prenais super mal !

Et la suite des événements n’a pas donné raison à Vald. Les millions de vues s’agrègent au clip et la France entière n’a que le mot Bonjour à la bouche. Chacun tente de trouver une signification, un message caché dans les lyrics du morceau et Vald se voit bientôt érigé au rang de génie. L’artiste s’en amuse un temps, laissant toutes les théories possibles et imaginables s’installer autour du sens de son morceau. Pour une partie du public, le fait d’avoir un objet absurde dans les mains suffit à crier au génie. Vald explique ce phénomène : « Comme aujourd’hui, on nous livre tout et tout est très clair dans les designs, dans les ergonomies, dans les films même dans les musiques, partout. Tout est très très simple en fait. Ce n’est pas qu’on est de plus en plus bêtes, c’est que notre approche commerciale est de plus en plus simple, comme les gens ont de moins en moins de temps faut être vraiment de plus en plus simple. Je pense que j’ai une approche musicale ou au moins lyricale où je vais avoir des phrases qui prêtent à confusion, propices au malentendu, qui sonnent absurde et du coup, c’est la porte ouverte à tous les fantasmes. Ouais, c’est sûr et certain que c’est ça. » Un peu fatigué de porter l’étiquette du troll/génie incernable, le rappeur a fini par se lasser : « J’ai l’impression que tout ce que j’ai créé est déclassé à côté de Bonjour. Je le comprends mal et je le vis mal, j’me dis ‘Mais d’où quand je vais passer une semaine sur un texte, on s’en bat les couilles et là j’dis ça pour rigoler ça y est’. Ouais, je le prenais super mal ».

Quand Kub & Cristo rendent la courtoisie universelle

Qui dit Vald dit Kub & Cristo, le duo de réalisateurs à l’origine de la plupart de ses clips. Leurs productions vont toujours assez loin dans le décalage et collent parfaitement à la personnalité habitée du rappeur, comme sur Autiste par exemple, le premier visuel qui a réuni nos artistes.

Lorsque Tefa leur fait écouter Bonjour, la réaction est sans appel : « On a bien rigolé. On a été assez surpris, ça nous a paru très différent d’Autiste. Après, on a réfléchi à un concept, il y avait moyen que ça buzz ». Kub se souvient qu’à l’époque, Cristo avait un contact avec une femme qui parlait le langage des signes : « En fait , c’est parti de ça, on s’est dit que ça pouvait être rigolo. Tefa nous avait proposé des concepts où des mecs se battent au ralenti, mais on a trouvé ça marrant de parler en langage des signes pour parler d’une anecdote banale, et de renforcer même en mettant des sous-titres dans toutes les langues. On s’est dit que c’était rigolo de pousser le délire encore plus loin ».

Cela arrive souvent que l’artiste ou le label soit surpris et pas ultra chaud

Sur le papier, l’idée ne convainc d’abord pas vraiment Vald : « C’était une idée des réal’ le coup du langage des signes, j’étais même du genre à dire ‘mais c’est quoi cette idée de merde ?!’ Et en fait c’est génial d’avoir toutes les langues disponibles à l’écran et le langage de signes. » Il n’est pas rare pour Kub et Cristo de surprendre l’industrie avec leurs concepts toujours plus inattendus : « Cela arrive souvent que l’artiste ou le label, soient un petit peu surpris et pas forcément ultra chaud. Avec le temps, ils nous font de plus en plus confiance. C’est possible qu’on ait dû convaincre quand même un peu tout le monde pour dire que c’est vraiment le bon truc à faire. »Le contact de Cristo pour le langage des signes annonce un tarif démentiel pour les aider dans la conception du clip. Le duo abandonne et décide de se débrouiller seul, et dans la foulée de trouver les arguments pour persuader Vald : « On n’avait pas de thunes, du coup, on s’est dit Nique sa mère, on va sur internet, on regarde et on fait le truc. J’avais fait une vidéo à l’arrache où je faisais le langage des signes et ça avait plu à Vald et à son manager. Il avait même dit ‘Viens, c’est ça le clip !’ Il a plus saisi le potentiel bizarre du truc à ce moment-là. »

On était tous malades, c’était très dur !

La veille du tournage, Vald est en concert à Strasbourg, c’est aussi la première fois qu’il rencontre Siboy (à visage découvert). Après le show, aux alentours de 5h du matin, son équipe et lui retournent à Paris en voiture : « On a fait le trajet de nuit dans ma Xantia pourrie, il est 6h du mat’, on ne dort pas, c’est insupportable. Et dans ma caisse, sous le siège passager, la paroi qui te coupe de l’extérieur, entre le moteur et l’habitacle était inexistante, ce qui fait que le froid rentrait réellement dans les pieds de tout le monde. On est arrivé là-bas en Y, tous malades ! » raconte Vald. C’est dans un squat d’artistes que le tournage se déroule, avec Kub et Cristo derrière la caméra. Le froid est de la partie, Vald et son équipe n’ont pas dormi et sont tous malades.« D’ailleurs ça se voit dans le clip, j’ai une te-tê frère ! C’était très dur. » Même la poupée gonflable que l’on aperçoit furtivement dans le clip et surtout à la fin n’avait pas bonne mine. Kub et Cristo se remémorent : « C’est toujours ce côté un peu décalé et surprenant aussi. Je me souviens que le gars qui l’avait achetée avait pris une poupée par chère, on a vu le truc, on a trouvé ça dégueulasse. Si tu regardes bien, la tête est jaune et le corps est rose. »

Ça a dépassé le public de Vald, vraiment.

Le clip et le son prennent, l’engouement est réel : « Là, ça a dépassé le public de Vald, vraiment. Je me souviens que ça avait été retweeté par Gradur, plein de rappeurs qui avaient rien à voir avec Vald donc effectivement ça a ouvert le truc. Ca nous a confirmé le fait qu’on allait continuer de bosser avec lui. C’est surtout le son qui a buzzé, le clip a fait le taff, mais j’ai l’impression que ce qui a vraiment marqué les gens, c’est le morceau » affirme Cristo. Sur scène, Bonjour devient le morceau le plus attendu, le son ultime sur lequel il faut turn-up selon l’expression ricaine, reprise par Vald et son crew. Les festivals s’arrachent l’artiste et bientôt Bonjour se voit relégué au second plan avec la sortie d’un nouveau titre calibré pour la scène : Eurotrap. « Bien sûr que non Bonjour n’est plus le morceau le plus fort sur scène et j’suis super content de ça. Quand on le lance avec NQNT 2, c’est le morceau le plus fort, on le fait à la fin. Après, on a sorti Eurotrap et c’est lui qu’on faisait à la fin, Bonjour on le faisait au début du concert. A un moment donné c’était notre turn-up final et maintenant c’est devenu un morceau d’ouverture carrément, c’est abusé » .

XEU, la fin des amabilités

Avec XEU, son nouvel album sorti le 2 février, d’autres morceaux vont prendre le relais. Bonjour aura contribué à installer le personnage de Vald dans le paysage musical et à en faire un incontournable sur scène. Et si beaucoup l’ont d’abord identifié à un troll de génie, le rappeur a prouvé au fil des morceaux et des projets qu’il savait conceptualiser sa musique, la rendre cohérente et pondre des bangers et des hits imparables. Désaccordé pour ne citer que le plus récent et le plus fort, deuxième single de son dernier projet. Remballez votre ‘Bonjour’, Vald n’a plus peur de se prendre au sérieux.

Pour vous refaire la discographie de Vald, abonnez-vous à Apple Music. Les trois premiers mois d’essai sont gratuits. Et si vous avez la chance d’être encore étudiant, vous ne payerez que 4,99 euros par mois !

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