Au début des années 2000, Sully Sefil est le rappeur/entrepreneur par excellence. Son album Sullysefilistic rencontre un succès commercial (grâce notamment au célèbre single « Je voulais) et les vêtements Royal Wear (marque dont il est l’un des fondateurs) se vendent comme des petits pains. Puis, le « négro clair de peau » se volatilise. Près d’une décennie plus tard, Sully n’a pas rangé ses ambitions au vestiaire, bien au contraire. Entretien.
Quel a été ton parcours depuis Sullysefilistic ?
A la suite de cet album, j’ai continué à développer Royal Wear jusqu’à son extinction, qui est due à des problèmes internes, ce qui est malheureux car la marque était toujours dans le cœur des gens! Les embrouilles, la jalousie et les trahisons m’ont donné envie de tout stopper pour prendre du recul et faire un point sur ma vie. J’ai surtout préféré m’absenter plutôt que de faire du médiocre, vu que tous ces évènements ont étouffés mon inspiration. Il a fallu des longues années pour que l’envie revienne. Je me suis remis doucement dans le textile avec la création de la marque Dumpe Fresh et, de fil en aiguille, l’inspiration et la force sont revenues. Mais, au fond de moi, je sentais que j’avais besoin de quelque chose de nouveau. Un nouveau terrain de jeu autre que le simple hip hop.
Bien avant Lil Wayne et son album rock « Rebirth », j’ai sollicité le groupe Enhancer qui peut en témoigner, pour avancer sur un album mélangeant le rock et le hip hop. Je tiens à le préciser pour toutes les langues de bitch qui sortent des : « Il se prend pour Lil Wayne ».
Pendant cette période où tu as pris de la distance avec la musique, que faisais-tu ?
Cette période a été très compliquée car Royal Wear était une locomotive, lancée à pleine vitesse, qui se voyait stopper brutalement. J’avais encore tant de choses à développer… Pendant cette période, j’ai réfléchi a ce que je voulais réellement faire de ma vie. Je n’avais plus goût à la musique et ne pouvait même plus supporter d’entendre du rap a la radio ! Je me suis occupé des miens tout en cogitant et en analysant.
« Je ne pouvais plus supporter d’entendre du rap a la radio »
La musique et Royal Wear t’avaient-ils permis de gagner assez pour prendre cette « période sabbatique » ou a-t-il fallu que tu ailles chercher un travail classique ?
J’avais ce qu’il fallait pour ne pas avoir à chercher un travail.
A partir de quand ton aventure avec Royal Wear se termine-t-elle ? Qu’est devenue la marque aujourd’hui ?
Aujourd’hui, la marque est en stand-by. C’est mon ancien associé/investisseur, Ygal Taieb, qui la possède. Cette histoire a été très compliquée : elle est digne d’un film. Je compte récupérer ma création prochainement. La date de fin d’aventure Royal je ne sais plus trop, il faut que je demande à ma femme (rires). En fait, le succès de Royal Wear et de la visibilité que je donnais à cette marque en tant qu’artiste ont fait péter les plombs à mes associés.
Concernant l’aventure Royal Squad. Pourquoi le crew a explosé en vol ? Que s’est-il passé concrètement ?
Pour faire simple je dirais que les gars avaient besoin de voler de leurs propres ailes, que l’élève avait le sentiment d’avoir dépassé le maître.
Comment as-tu vécu ta période de célébrité ? Le retour à l’anonymat n’a-t-il pas été trop brutal ?
Quand on bosse la musique pendant des années, avec l’espoir de percer un jour, le jour où ça arrive, c’est beau ! Une vague de bonheur qui s’abat sur toi. Mais comme je l’ai chanté aussi « ça fait bizarre ». Ce sont de beaux souvenir, ne serait-ce que de voir mes parents être fiers de moi. Je n’ai jamais couru après le star-system, je ne suis pas comme ces gens de la télé réalité. C’est une belle expérience. Après, ce qui est étrange, c’est que je n’ai jamais connu de retour à l’anonymat, puisque les gens n’ont cessé de me reconnaitre dans la rue et de me témoigner leur affection et leur amour. Le morceau « J’voulais » semble les avoir profondément marqué. Il semblerait également que mon visage atypique de black avec des taches de rousseurs ne s’oublie pas aussi facilement (rires). Et franchement, j’aime la tranquillité, ne serait-ce que pour être cool avec ma femme. Ne pas être reconnu me va très bien mais, aujourd’hui encore, on ne peut pas parler d’anonymat. Ce qu’il faut retenir aussi, c’est que c’est moi qui me suis mis en retrait. Je n’ai pas proposé d’autre album après le succès de mon premier opus. Beaucoup de gens m’ont traité de fou pour ça !
Combien d’exemplaires de Sullysefilistic as-tu écoulé ?
150 000. Et plus de 500 000 singles de « J’voulais ». Ces chiffres m’ont été confirmé pas plus tard qu’hier.
Il y a environ un an, tu as sorti un clip pour annoncer ton retour (« On ne vit qu’une fois », ndlr.). Pourquoi s’écoule-t-il autant de temps avant la sortie de l’album ?
J’ai fait ce clip car j’en avais besoin. Mais l’album n’était pas prêt du tout, voir même pas commencé. Il fallait que je commence à marquer mon évolution musicale, à faire découvrir a mon public ma nouvelle couleur sonore et rendre hommage à ma cousine. C’était un besoin spontané de faire de la musique, sans stratégie particulière, sans attaché de presse et sans attente commerciale. Après ce que j’ai vécu, j’avais ce besoin de parler de choses essentielles de la vie. Depuis, j’ai affiné mon style et « casté » des musiciens. J’ai développé mon nouvel univers et bossé comme un dingue.
« Lil’ Jon a créé le crunk, j’ai la prétention de créer le street rock »
Aujourd’hui, tout est très clair et très cohérent. Je suis plus fort que jamais. Je kiffe ce que je fais, c’est un nouveau terrain de jeu pour moi. Bien sur, depuis Run DMC, le hip hop s’est déjà mélangé avec le rock mais pas de cette façon. Là, j’ai ma touche et une putain d’équipe. Je ne fais plus du simple hip hop. Lil’ Jon a créé le crunk, j’ai la prétention de créer le « street rock ». Voilà comment je qualifie ma musique : aujourd’hui, c’est « street rock music ». Du coup, pour septembre, nous allons tout organiser pour que l’album sorte dans les conditions qu’il mérite.
Quelles sont ces conditions ?
Tous les partenaires nécessaires : managers compétents, attachés de presse, producteurs, tourneurs, etc. Des professionnels passionnés ! Les quelques professionnels qui ont eu la chance d’entendre ma musique et toute sa maturité sont unanimement bluffés. Que cet album marche ou pas, je sais ce qu’il vaut et, même s’il n’est pas encore totalement achevé, c’est déjà un classique ! Les gens qui me connaissent savent que je n’ai rien d’un vantard, mes propos sont juste réalistes !
Ton regard sur le rap français d’aujourd’hui ?
Ce qui me déçoit, c’est que les médias censés être premiers sur le rap semblent vouloir garder cette musique comme une musique d’ados écervelés. Du coup, cette musique n’est pas prise au sérieux. Aujourd’hui, il est honteux d’être rappeur face à des adultes ! Pourquoi le rap ne pourrait-il pas grandir et vieillir, qu’on puisse l’écouter à tous âges comme le jazz ou le rock ? Cette démarche tue ce mouvement. De moins en moins de gens s’y retrouvent, c’est malheureux. Alors oui, il y a de bonnes choses mais dans les propos ça sonne juste pour les « djeuns » et je sais que le rap ne s’arrête là ! Ça cache peut être quelque chose…
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