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Comment Bouss a bouleversé le rap français en seulement deux ans ?

Comment Bouss a bouleversé le rap français en seulement deux ans ?

Un véritable ovni. En l’espace de deux années (une éternité dans le rap français), Bouss s’est imposé avec fracas sur la scène tricolore. Il est passé, en un clin d’œil, du statut de rookie prometteur à celui de tête d’affiche aux côtés des plus grands. Bouss est devenu le représentant de la nouvelle génération, décomplexé et déterminé à redéfinir les codes, ainsi que les standards de l’industrie musicale. « Bouss est arrivé très fort dans le rap français. C’est presque du jamais-vu et je pèse mes mots », s’exclame Kerch, fondateur du média Rapelite et consultant. Hyper-productif, l’artiste originaire du 94 occupe constamment l’actualité et le top albums. Le 30 mai dernier, il a publié la réédition de son second album Et si j‘échoue ??, comprenant quinze titres supplémentaires. Retour sur l’ascension fulgurante d’un phénomène au parcours atypique. 

2020 : l’année où tout a commencé

Né à Colombes (92), Bouss a grandi quelques kilomètres plus loin à Gentilly (94) dans le quartier Victor Hugo. Il est issu d’une famille nombreuse avec cinq frères et deux sœurs. Comme souvent dans ce type de schéma, les aînés influencent les cadets sur le plan musical. Très vite, Bouss a découvert le hip-hop grâce à des artistes comme Akon, Rohff, Jul, Migos ou encore Young Thug. Mais pas seulement. « Je me suis tué à Akon dans mon enfance. J’ai aussi écouté beaucoup de Compas à la maison », confiait Bouss à LPC TV en janvier dernier.

Pourtant, son avènement dans la musique n’avait rien d’une évidence. Aucun membre de sa famille n’est musicien ou directement lié à cet univers. En 2020, Bouss se lance seul dans le rap grâce à un événement mondial malheureux : le Covid-19. « Il n’y avait tellement rien à faire durant le premier confinement que je me suis mis à rapper. Avant la pandémie, je n’avais jamais fait de musique. Ce n’était même pas dans mes envies », avouait-il durant son Planète Rap sur Skyrock en novembre 2024. « JVPSP », « J’enchaine » ou encore « Pin Pon » sont les premiers titres de sa carrière. 

Une fois tombé dans ce tourbillon créatif addictif, Bouss ne s’est plus arrêté. En moins de cinq ans, il acquiert un savoir-faire inestimable et trouve sa teinte musicale. Car oui, le succès de Bouss s’explique avant tout par sa singularité. Son grain de voix unique évoque une sensibilité à fleur de peau, presque comme celle d’un écorché vif. « Il touche les gens avec sa voix émotive. Sa proposition est festive, mais aussi mélancolique. Bouss a un certain vague à l’âme. Sa nonchalance est en contradiction avec ses hits. Il tombe juste à chaque fois et ne force jamais le trait », explique Kerch.  

À cela s’ajoute une maîtrise parfaite de l’autotune et une narration authentique de son quotidien. Bouss raconte ce qu’il vit et ce qu’il voit sans fioritures. « J’aime son interprétation. Tu sens qu’il a du vécu. Sa signature vocale est naturellement nostalgique. Ça pue la vérité. Il fait sa musique et il s’en fout du reste », lâche Ibepds, producteur et créateur de contenus. 

L’artiste se démarque également grâce à une palette technique complète. Il sait aussi bien rapper que chanter, avec un sens de la mélodie inné. Bouss est parvenu à se créer son propre monde, sans faire de copier-coller. « Dans l’approche, il me rappelle Jul et Djadja & Dinaz. Bouss s’est approprié certains codes de ces artistes en les personnifiant à sa sauce », poursuit Kerch. 

📸 @shootbydorian

2024 : une année fondatrice 

Après avoir affiné sa recette sur plusieurs singles, Bouss dévoile « Mirage » le 3 novembre 2023. Sans le savoir, sa vie s’apprête à changer avec ce titre. Le succès est immédiat grâce à TikTok qui s’approprie le morceau avec une trend. Cette viralité attire un public plus large. Un buzz que Bouss ne laisse pas s’échapper. Cela le motive même à passer la seconde afin de capitaliser au maximum dessus. 

Peu de temps après sa signature chez Believe, Bouss publie, le 1er mai 2024, la première des trois parties de Depuis le temps. L’album prend la forme d’une carte de visite généreuse de 34 morceaux (ndlr : le disque est sorti en plusieurs phases : 1er mai, 21 juin et 24 juillet). Une quantité relative au temps passé par Bouss en studio. « On envoie pas mal de sons, car les gens sont demandeurs. Je vais beaucoup en studio donc je crée de nombreux titres », reconnaissait Bouss chez Skyrock.

Aucun featuring ne figure sur la tracklist. Un choix fort motivé par l’envie de se présenter au public, sans croiser le fer avec ses homologues. Pour le moment, Bouss se suffit à lui-même. La porte reste entrouverte dans un futur proche. 

Depuis le temps marque un tournant dans la carrière de Bouss. Le rappeur change de dimension et se fait un nom. Le triomphe est au rendez-vous avec un disque de platine obtenu en à peine… sept mois ! Actuellement, Depuis le temps s’est écoulé à plus de 180 000 copies. Une sacrée performance. « Son succès n’est pas choquant, car Bouss offre une musique accessible. Il touche un large public : les plus jeunes, les femmes, mais aussi une niche fidèle issue des quartiers », développe Ibepds.

Pour enfoncer le clou, Bouss révèle en novembre Et si j’échoue ??, son second album de 2024. Encore une fois, le projet est un succès puisqu’il est certifié or (ndlr : plus de 50 000 ventes) en quatre mois. Sur ce long-format, le rappeur évoque sa peur de l’échec, ses doutes et sa persévérance. Il commence aussi à mesurer le chemin parcouru en quelques années. Le message de Et si j’échoue ?? est adressé principalement à la jeunesse : il est possible de s’élever en étant ambitieux. Bouss en est la preuve vivante. 

En route vers les sommets

Comme vous l’aurez compris, Bouss ne fait jamais comme tout le monde. Le 14 mai, au lendemain de la cérémonie des Flammes, il a définitivement imposé sa vision et redéfini les standards du milieu. En réponse à son absence des nominés dans la catégorie révélation masculine de l’année, Bouss a annoncé son premier concert à… l’Accor Arena de Paris le 30 mai 2026. Un pari audacieux, mais dans ses cordes. « Il faut souligner le cran et le courage de se lancer un tel défi. Cette annonce ne m’a pas choqué. Il fait un run impressionnant depuis près de deux ans. Surtout, il a su constituer une fanbase solide et engagée. C’est assez logique d’annoncer un Accor Arena avec ses chiffres. En revanche, quand tu vois sa durée d’exposition depuis le début de sa carrière, ça l’est moins », constate Kerch. 

C’est la première fois de l’histoire du rap français qu’un artiste fait ses débuts sur scène à Bercy devant 20 000 personnes. Habituellement, les rappeurs se confrontent à des jauges bien plus modestes et passent l’étape des petites salles avant de viser une arène aussi grande. En conclusion, Bouss envoie un signal fort à la concurrence : il faudra compter sur lui dans les prochaines années.

D’ici son show à l’Accor Arena, Bouss aura la volonté de poursuivre sa route vers les sommets. Afin de passer un cap et casser un plafond de verre, il devra sûrement se montrer publiquement pour attirer de nouveaux auditeurs. D’un point de vue médiatique, Bouss se montre discret. Cela lui permet de se focaliser à 100% sur sa musique, mais il est peu identifié par le grand public. Une fois que les chiffres tombent et que son économie tourne, un rappeur a moins d’intérêts à apparaître dans les médias. Surtout quand tu n’es pas à l’aise à l’oral. Une mauvaise promo et une interview ratée peuvent alimenter les réseaux sociaux et avoir des conséquences sur la crédibilité d’un artiste. « S’il envoie de la bonne musique et qu’il entretient un lien avec sa fanbase, Bouss n’aura pas de limites. Selon moi, ça passera par des prises de parole médiatiques fortes. Il doit s’inscrire sous toutes les formes dans le paysage du rap français », affirme Kerch. 

📸 @shootbydorian

Bouss ne compte pas faire de vieux os dans le rap. Il est conscient que le succès peut être aussi brutal que l’oubli. Il avance à son rythme, avec lucidité. Chez LPC TV, il a révélé son envie de ne pas réaliser une longue carrière. « Si Bouss est un vrai passionné, il a menti. En revanche, si la musique n’est qu’un plan pour lui, il arrêtera probablement dans peu de temps », avance Ibepds. 

En deux ans, Bouss a bousculé l’ordre établi sans chercher à plaire, simplement en étant lui-même. Dans un rap français souvent formaté, il a imposé sa voix, son tempo et ses règles. Une chose est sûre : on se souviendra longtemps de Bouss.

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