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Michael Jordan qui pleure : le mème le plus célèbre de tout l’internet

Michael Jordan qui pleure : le mème le plus célèbre de tout l’internet

L’histoire du « Crying Jordan », l’image la plus virale de sa génération…

Le 11 septembre 2009, six ans après sa dernière apparition sur les parquets NBA, le plus grand basketteur de tous les temps, Michael Jordan, entre au Panthéon de la balle orange, le Naismith Memorial Basketball Hall of Fame.

Lors de sa cérémonie d’intronisation tout ce qu’il y a de plus solennelle, l’ancien arrière des Chicago Bulls (et des Washington Wizards) se fend d’un discours long de 23 minutes. Habillé d’un costume gris astronaute (qui comme à son habitude est deux fois trop grand), il évoque divers anecdotes ayant parsemé sa carrière.

Dans la salle l’émotion est palpable, à commencer par celle de MJ lui-même. L’œil humide, la joue luisante, le visage presque bouffi, il ne peut s’empêcher à plusieurs reprises de contenir ses larmes.

L’instant est immortalisé en vidéo, mais aussi en photo.

Présent sur les lieux, c’est le photographe Stephan Savoia, 40 ans de carrière et deux prix Pullitzer au compteur, qui va prendre à cette occasion LE cliché rentré depuis dans la légende.

Pour la petite histoire, Savoia ignorera jusqu’en 2016 l’usage détourné fait de son travail. Ironiquement, il ne sera mis au courant que lorsque le Wall Street Journal le contactera pour l’interviewer à ce sujet.

Reste qu’avant de connaitre la gloire, la photo va longtemps passer inaperçue.

Le Crying Jordan ne fût pas immédiatement

Il faudra attendre le 23 avril 2012 pour voir naître sur la toile via le site MemeCrunche un tout premier montage intitulé « Triste Michael Jordan » accompagnée de la phrase « Pourquoi ai-je acheté les Bobcats ? ».

À l’époque, la franchise de Caroline du Nord dont His Airness est récemment devenu propriétaire majoritaire termine la saison sur une série de 23 défaites consécutives, affichant alors le pire bilan jamais enregistré dans l’histoire de la ligue nord-américaine (10,6% de victoires).

Personne ne parle encore de mème (au sens « élément ou phénomène repris et décliné en masse sur internet » dixit Wikipédia), et là encore il faudra patienter encore un peu pour que se déchaînent les enfers.

Petit à petit, le « Jordan qui pleure » se fait de plus en plus contagieux. Reprise à l’unisson par les fans de sport afin d’exprimer leur déception suite à la défaite de leur équipe, l’image finit par symboliser le fail sportif en général, peu importe la discipline, peu importe le perdant.

Alors que l’immense majorité des mèmes internet connaissent un bref mais intense pic de popularité avant de disparaître tout aussi rapidement, c’est ici l’exact inverse qui se produit.

Ce qui avait débuté comme une sorte de clin d’œil entre fanatiques se répand jusqu’à faire son entrée en grandes pompes dans les canons de la pop culture circa 2015.

Quand ça part dans tous les sens

Au-delà des terrains, le Crying Jordan s’utilise dorénavant à toutes les sauces : que ce soit Suge Knight dont la caution est fixée à 25 millions de dollars après pour avoir roulé sur un type, Donald Trump qui perd les primaires dans l’Iowa, et même des situations de la vie quotidienne du style « quand tu vois ton ex dans le coin VIP », « quand même le coiffeur se moque toi », ou « quand tu écoutes To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar ».

Bref peu importe le motif, à la fin c’est toujours Michael Jordan, et il est toujours en train de pleurer.

Le principal intéressé finit d’ailleurs par y passer. Alors que l’ex-Bull assiste dans les tribunes à la défaite de son ancienne team universitaire North Carolina face à Villanova, il a eu le droit à ça – enfin entre autre.

Devant un tel déferlement, les publications sur le sujet se multiplient accentuant l’effet boule de neige.

Forums (à commencer par celui de Nike), Tumblr dédié… le Crying Jordan se voit ensuite consacré un guide dans Complex avant d’avoir son premier article « officiel » sur Vice Sport intitulé D’incroyables photos de Michael Jordan, ruinées pas un Crying MJ Face le 27 mai 2015.

Puis c’est alors au tour du Huffington Post de consacrer la tendance avec un masque spécial Halloween.

Mais qu’en pense Michael Jordan ?

Dans un premier temps les seules réactions connues ont été celles de ses fils Marcus et Jeffrey qui en janvier 2016 y sont chacun allés de leur tweet et retweet, reconnaissant que le phénomène n’était pas prêt de s’éteindre.

Réputé pour être très sourcilleux quant à tout ce qui touche à son image publique (comme cette fois où il avait poursuivi pour plusieurs millions une chaîne de supermarchés qui avait utilisé son identité sans son autorisation), Jordan a fait officiellement connaitre son opinion par la voie de ses avocats.

En février 2016, son représentant Estee Portnoy a ainsi déclaré que si MJ n’était pas sur les réseaux sociaux, il avait néanmoins « pris note de l’engouement », puis ajoutant histoire d’être clair : « nous n’avons remarqué aucun usage commercial, chose que nous surveillons de près ».

[Légalement parlant la photo appartient depuis toujours à l’agence de presse Associated Press qui peut en appeler aux tribunaux en cas de violation des droits d’auteur – ce qui n’est pas le cas ici, l’image n’étant pas réutilisée telle quelle.]

Si MJ laisse faire, cela ne veut cependant pas pour autant dire qu’il trouve cela à son goût. Bien au contraire, interrogé à ce sujet, son bon pote et ancien coéquipier Charles Oakley a confié qu’il « n’aimait pas du tout » ce mème.

Comment expliquer une telle frénésie ?

Pendant des années, l’image de Michael Jordan s’est confondue avec celle que ses sponsors voulaient bien donner de lui. C’était l’époque du « Wanna be like Mike » marqueté par Gatorade, du Jumpman qui gagne toujours à la fin, du héros affable de Space Jam et des céréales Wheaties…

Si tout ne relevait pas de la mise en scène, ce jour où MJ a brisé l’armure, où il s’est livré comme on ne l’avait rarement (jamais ?) vu auparavant, a laissé transparaître une facette de lui qui en a surpris plus d’un.

[Le fait qu’il se soit monté particulièrement odieux avec la terre entière a également dû jouer.]

Le choc était tel que paradoxalement celui qui a tout gagné, celui qui dans la victoire se montrait aérien et gracieux s’est mis à incarner le temps d’un instant la défaite dans ce qu’elle de plus amère.

Si l’emballement qui s’en est suivi échappe ensuite aux analyses les plus rationnelles, il est cependant tel qu’il finit par poser la question de savoir si l’héritage du numéro 23 ne s’en retrouvera pas irrémédiablement terni. Aux yeux de ceux de plus en plus nombreux qui ne l’on jamais vu jouer, le Crying Jordan remplace en effet petit à petit l’image laissée sur les parquets par le plus grand basketteur de tous les temps…

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