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Mike Tyson, la légende continue

Mike Tyson, la légende continue

Au summum de sa domination, le champion du monde des poids lourd pouvait se vanter d’être « l’homme le plus mauvais de la planète ». À l’occasion de son cinquante-deuxième anniversaire, retour sur une ascension aussi fulgurante que brutale…

« Ils ont tous un plan jusqu’à qu’ils se prennent un coup de poing dans la mâchoire. »

À chaque combat c’était la même rengaine. Avant de monter sur le ring Mike Tyson devait se coltiner les déclarations d’un adversaire qui tant pour fanfaronner que pour se rassurer se targuait de détenir la combinaison secrète pour déjouer ses plans et lui faire mordre la poussière. Et à chaque fois, le résultat était le même : un KO net et sans bavure après quelques reprises tout au plus.

Si dans l’histoire du noble art Mike Tyson n’a pas été le premier à dominer son époque grâce à un punch dévastateur, il est une chose qui le distingue de tous les Liston, Dempsey et autres Foreman : la crainte sans pareil qu’il inspirait à la concurrence.

Dégradé militaire, short noir, chaussures basses en cuir noir, aucun peignoir (ce qui lui valait une amende), c’est directement prêt à en découdre que Tyson montait sur le ring – ou pour le citer : « pour faire remonter au type d’en face les os du nez jusqu’au cerveau ».

La violence a beau être consubstantielle à la boxe, il est celui qui va alors la personnifier jusque dans sa chair. Débauche d’agressivité pure, il concourt dans ses jeunes années au titre de meilleur poids lourds de l’histoire, mais aussi et surtout au titre de sportif le plus dominateur de tous les temps toutes disciplines confondues.

La rue comme horizon

Né le 30 juin 1966 d’un père absent et d’une mère alcoolique, Michael Gerard Tyson grandit dans l’un des ghettos noirs les plus mal famés de New York, Brownsville. Brutalisé par ses camarades et moqué par les filles pour son allure rondouillarde et son cheveu sur la langue, il se réfugie alors à 9 ans dans l’élevage de pigeons, une passion qui le suivra tout au long de sa vie.

Mordant ensuite très vite à tous les hameçons de la vie rue, celui qui est alors jugé irrécupérable dès sa jeune adolescence (à 11 ans, il goûte pour la première fois à la cocaïne, à 13 ans son casier recense pas moins de 38 arrestations) voit néanmoins sa vie changer suite à deux coups du sort.

Le premier, lorsqu’un de ses harceleurs s’en prend à l’un de ses pigeons blessés et lui arrache la tête. Pris d’un accès de colère, Tyson cogne pour la première fois de sa vie quelqu’un en plein visage et découvre « qu’il aime ça ». Le second, lorsqu’incarcéré à 14 ans au centre de détention juvénile Tryon School for Boys, l’un des conseillers le présente à Cus D’Amato.

Du haut de ses 70 ans, l’ancien entraîneur des mythiques champions du monde Floyd Patterson et José Torres détecte immédiatement tout le potentiel de ce futur colosse à la croisée des chemins. Se sachant malade, il se fixe un dernier défi avant de partir : mettre toute sa science et toute son expérience à son service pour l’emmener au sommet.

À sa grande surprise, Tyson est alors invité quelques mois plus tard à venir loger dans l’une des quatorze pièces de sa très cossue villa victorienne de banlieue.

Là-bas, commence un intense travail de formatage. Astreint à une discipline de fer, Mike se voit enseigner toutes les ficelles du fameux « peek-a-boo style » élaboré par D’Amato (bras en position défensive le long du torse, gants tenus à hauteur des joues, tête sans cesse en mouvement), tandis que lorsqu’il ne s’entraîne pas il est abreuvé de vidéos des combats les plus mythiques du noble art.

D’Amato et son équipe conditionnent également son ego blessé. « Je m’entendais répéter non-stop ô combien j’étais bon, j’étais beau, comment je pouvais avoir tout ce que je voulais si je travaillais dur. C’en était parfois gênant ».

Se comportant comme le père qu’il n’a jamais eu, le vieil homme devient légalement son tuteur lorsqu’à 16 ans sa mère Lorna décède des suites d’un cancer.

Push it to the limits

Côté cordes, les progrès se font rapidement sentir. Deux fois médaillé d’or aux Jeux olympiques de la jeunesse en 1981 et 1982 (il manquera cependant de peu de se qualifier pour les JO de Los Angeles), il passe professionnel en 1985 après seulement 26 combats amateurs.

Dès son baptême du feu les choses sont claires : le Kid Dynamite atomise un certain Hector Mercedes en moins d’un round. S’en suivent 19 combats en 12 mois, tous remportés avant la limite, dont 12 avant la fin de la première reprise.

En février 1986 il participe à son premier combat diffusé sur une chaîne nationale face à Jesse Ferguson. Cinq rounds et un nez cassé plus tard l’affaire est pliée. L’Amérique découvre là en direct une force brute comme elle n’en a jamais vu.

Et c’est ainsi que le 22 novembre 1986, la boxe mondiale renaît de ses cendres.

Du haut des 20 ans, 4 mois et 22 jours, Mike Tyson affronte un Trevor Berbick apeuré pour le déposséder de sa ceinture WBC. Après l’avoir envoyé au tapis non pas une, non pas deux, mais trois fois en deux rounds, il ajoute un vingt-sixième knock out à sa collection et se voit consacrer devant Patterson plus jeune champion du monde de l’histoire.

En berne depuis le crépuscule de Muhammad Ali, la catégorie reine des poids lourds se trouve ce soir-là un nouveau roi, un roi dont la simple évocation du nom électrise les foules.

[Notez cependant qu’il n’existait qu’auparavant qu’une seule et unique fédération, et non pas trois, puis quatre comme à partir des années 80.]

Ou quand la boxe devient simple

Plutôt petit un lourd (178 cm), Tyson n’en est pas moins bâti comme idéalement pour la boxe. Aussi compact que puissant (un cou de taureau large de 50 centimètres enfoncé dans des épaules de déménageurs, des cuisses et des bras sculptés à mi-chemin entre ceux d’un coureur de 100 mètres et d’un bodybuildeur), il combine agilité et vitesse que ce soit par son sens de l’esquive ou par l’explosivité de son punch.

Si malheureusement il n’est jamais venu à l’esprit de personne de mesurer la puissance de ce dernier façon Drago dans Rocky IV, il est estimé qu’il correspond à l’impact d’une enclume de 100 kilos vous tombant sur la tête à une hauteur d’1m50, ou selon le malheureux Eddie Richardson parti embrassé le canevas après 77 petites secondes « à un camion qui vous renverse de plein fouet » – Richardson s’étant lui-même fait renverser par un camion quelques années plus tôt.

[Que ce soient ses coups au corps et son uppercut, non seulement Tyson frappait comme un missile, mais même le son de son gant ressemblait à celui d’un mortier.]

C’est donc logiquement qu’il unifie en 1988 les ceintures WBA, WBC et IBF (ce que jamais personne n’avait accompli) avant d’achever l’expérimenté Larry Holmes, puis de venir à bout de Michael Spinks qui bien que considéré comme le seul homme alors en mesure de l’inquiéter finit allongé au bout d’une petite minute et 31 secondes.

Grand absent de cet arc narratif triomphant, Cus D’Amato, décédé d’une pneumonie en novembre 1985, n’aura malheureusement ni assisté au sacre de son poulain, ni ne lui aura dispensé guidance et conseils qui très vite lui feront cruellement défaut.

Car oui, c’est ici que prend fin la légende sportive pour laisser place à une longue, très longue période de déclin.

Le rêve américain qui tourne au cauchemar

Objet de fascination, la réputation de celui qui désormais s’imagine comme « la réincarnation d’Alexandre le Grand » dépasse largement le cadre de la boxe. Reste qu’à la différence de ses aînés Muhammad Ali ou Joe Louis qui chacun à leurs manières transcendaient les barrières raciales, Tyson incarne cette nouvelle génération d’Afro-Américains n’en ayant rien à carrer des droits civiques ou de l’image qu’il véhicule auprès de la classe blanche.

Au contraire, à l’instar du gangsta rap naissant, Iron Mike semble se complaire dans cette caricature de bête de foire qui inspire à la fois crainte et curiosité.

Le problème c’est que toute cette agitation autour de sa personne commence à déteindre sur ses choix sur et en-dehors du ring. C’est ainsi que 1988 marque sa rupture avec son manager Bill Cayton et son entraîneur de longue date Kevin Rooney.

Livré à lui-même, Tyson s’entiche niveau business du très équivoque Don King qui tient alors contractuellement tous les boxeurs de la catégorie des poids lourds sous sa coupe. Pour ce qui est de la boxe, il délaisse petit à petit la technicité de ses feintes et de ses enchaînements pour se reposer sur ses acquis et chercher le coup à la tête qui arrête le combat.

Aux séances d’entrainements à en baver, il préfère la vie de soirées et les excès qui vont avec (herbe verte et poudre blanche en quantité) en compagnie d’un entourage qui ne lui veut pas toujours le plus grand bien… à commencer par sa femme Robin Givens.

L’inéluctable compte à rebours

Résultat, dès 1989 Mike Tyson, 23 ans, n’a déjà plus grand-chose à voir avec le magnifique boxeur qu’il était il y a encore très peu de temps auparavant. Après une série de défenses du titre pas toutes des plus convaincantes, sa défaite indigne contre le challenger Buster Douglas le 11 février 1991 à Tokyo sonne définitivement le glas.

Ne lui reste alors plus qu’à toucher le fond, ce à quoi il va s’atteler du mieux qu’il peut durant les décennies 90 et 2000 : condamnation à une peine de six ans de prison pour viol, conversion douteuse à l’islam, tatouages des plus improbables (Mao Zedong…), acte de cannibalisme, banqueroute après avoir dilapidé 300 millions de dollars de fortune personnelle, conférence de presse cocaïnée, conviction de dopage, paternité à tout-va, tabassage de prostituées, appel à voter Trump, etc.

Étonnamment, malgré ce parcours des plus chaotiques, l’image de Mike Tyson qui traverse les époques est celle où pour un temps somme toute très court, il a régné avec une férocité inédite. De quoi se laisser aller à s’imaginer toute la grandeur qui aurait dû être la sienne s’il avait pu rester un brin plus longtemps sur les bons rails…

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